Amandine, 28 ans, n'est pas épanouie dans son entreprise : "On a le sentiment d'être un pion parmi tant d'autres"

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Romain David , modifié à
Employée dans un cabinet de consulting parisien, Amandine a dû être arrêtée en janvier. Elle explique à Olivier Delacroix, sur Europe 1, en quoi le manque de satisfaction au travail l'a progressivement enfermée dans un état de détresse psychologique. 
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Amandine, 28 ans, a connu une expérience malheureuse dans un cabinet parisien de consulting. Ayant le sentiment que l'attractivité de son poste lui a été survendue en entretien, elle s'est aussi retrouvée confrontée à un management peu soucieux du bien-être des salariés et n'a pas réussi à faire entendre son désarroi. Au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, elle raconte comment, de frustration en frustration, elle a fini par tomber dans l'épuisement professionnel.

"En parlant un peu de mon histoire autour de moi, je me suis rendu compte que c'est arrivé à plein de gens. Comment ça m'est arrivé ? Il y a plein de choses qui se sont additionnées. Dans le métier que je fais, on est souvent amené à changer de mission et de client. Quand vous arrivez en entreprise, on vous vend des choses, on vous dit : 'On va essayer d'écouter tes appétences, tes envies et ce que tu veux développer.' Sur le papier, c'est génial mais en fait, ce n'est pas si simple pour eux. Dans la réalité, si on a besoin de vous à un endroit, on vous pose là. Que ça vous plaise ou non, c'est la même chose.

[…]

On a le sentiment d'être un pion parmi tant d'autres. On nous place là parce qu'il y a un besoin. On nous a menti ou enjolivé la chose en entretien. Dans la réalité, ça ne se passe pas comme ça.

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Amandine n'a pas hésité à exprimer son mal-être à ses différents managers, mais les réactions ont été très diverses.

Pour eux, il est compliqué d'écouter les envies de chacun, ce que je peux tout à fait entendre. Ce n'est pas non plus quelque chose de commun pour eux, les gens ont beaucoup de mal à en parler, il y a une espèce de crainte à dire : 'Je n'ai pas envie de faire ça, ça ne me plait pas, ça ne me convient pas.' Il y a vraiment une peur de parler, une peur des représailles et d'être mal vu.

Mes managers appartiennent à la génération au-dessus de la mienne. Ils ont encore dans l'esprit qu'il faut souffrir pour réussir au travail, serrer les dents, que ce n'est pas facile et que l'on n'a pas notre mot à dire. Il est compliqué de faire changer les mentalités.

[…]

Je suis aussi tombée sur des gens extraordinaires qui arrivent vraiment à tirer le meilleur de vous, à faire ressortir vos talents. C'était assez dingue. Et je suis aussi tombée sur des gens qui, par leurs paroles toujours blessantes, n'arrivent pas à vous donner quelque chose de positif. Peu importe ce que vous faites.

Auprès de ses collègues, Amandine a trouvé des oreilles attentives, mais beaucoup avaient déjà pris le parti de souffrir en silence.

Les collègues comprennent. [...] On passe tous par ce moment-là. Ça dépend aussi de votre management et de la mission sur laquelle vous tombez, mais je pense qu'il n'y a pas un seul de mes collègues qui ne s'est pas dit ça à un moment.

[…]

En règle générale, [mes collègues] n'ont rien dit [à la hiérarchie]. Il y a une espèce de mythe dans les cabinets qui est : 'Tu as le droit de dire une fois non à une mission. C'est ton joker.' Sauf que si vous dites non et qu'ils ont besoin de vous à cet endroit, tant pis, on vous y enverra quand même… Les gens ont un peu peur et se disent : 'J'attends, je ne veux pas griller mon joker maintenant. Je ne dis rien, je serre les dents et j'attends que ça passe…'

Mais à force de "serrer les dents", Amandine a fini par frôler le burn-out début janvier…

On m'a changée de mission. Je me suis retrouvée avec un manager avec qui je m'entendais très bien, qui est quelqu'un de très humain, dans le positif, qui essaye de tirer ses équipes vers le haut. Sur le papier, tout allait bien. Mais j'étais tellement à bout de tout ce fonctionnement que mon corps, lui, n'en pouvait plus. J'arrivais au travail exténuée, mentalement et nerveusement. Je me retrouvais a pleurer devant le client, et je me suis dit : 'Stop, ça va trop loin !'

[…]

J'en ai parlé à ma RH qui m'a dit : 'Fais-toi arrêter parce que tu en as besoin aujourd'hui.' Elle a été très humaine. Mais il est compliqué de prendre le recul nécessaire pour arriver à se dire : 'Ce n'est peut-être pas moi le problème, c'est peut-être l'entreprise dans laquelle je travaille et la façon dont on me manage qui posent problème.' On a plutôt tendance à se remettre soi en question, à se dire : 'C'est moi le problème, il y a un truc qui ne va pas chez moi.'"