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Le psychothérapeute Pierre Lassus, également directeur général honoraire de l’Union française pour le sauvetage de l’enfance, avait lancé une alerte au début des années 2000 alors que l’Académie française voulait décerner un prix à l’écrivain ouvertement pédophile. Il raconte sur Europe 1 une époque où le silence et la crainte régnaient dans le monde de l’édition.
INTERVIEW

Sans Pierre Lassus, Gabriel Matzneff pourrait se targuer, parmi d’autres distinctions, d’avoir été honoré par le prix du roman de l’Académie française. Mais apprenant que les Immortels voulaient, au début des années 2000, récompenser l’un des ouvrages de l’écrivain aux penchants ouvertement pédophiles, ce psychothérapeute, alors directeur général de l’Union française pour le sauvetage de l’enfance, avait tiré la sonnette d’alarme, et obtenu gain de cause. Près de vingt ans plus tard, alors que l’affaire Matzneff a éclaté, suite aux révélations de Vanessa Springora, qui sort jeudi Le consentement, Pierre Lassus dénonce sur Europe 1 les travers d’une époque. "Il y avait une omerta inconsciente, parce que les gens ne se rendaient pas compte de la gravité des faits", explique-t-il. "Mais il y avait aussi une omerta consciente."

"Dans le milieu littéraire, ces personnes-là faisaient le pluie et le beau temps"

Quand il avait été alerté l’Académie française, Pierre Lassus avait été accusé de censure. Mais les choses étaient allées plus loin. "J’ai aussi commis quelques ouvrages, et un grand éditeur notamment m’a dit ‘vous êtres blacklistés’", raconte le psychothérapeute. "Un autre éditeur, alors que je citais des noms des gens qui avaient soutenu Matzneff et soutenu d’une façon générale la pédophilie, m’a dit ‘surtout pas de noms’."

Alors pourquoi cette chape de plomb imposée ? "Parce que dans le milieu littéraire, ces personnes-là faisaient le pluie et le beau temps sur les prix, etc", explique Pierre Lassus. "Donc aucun éditeur ne voulait se les mettre à dos on ne voulait pas se fâcher avec X,Y, Z, dont on connaissait le poids dans le monde de l’édition."

Voilà pour l'"omerta consciente". Quid de l'"omerta inconsciente" ? "Ce n’était pas connu. Et c’était beaucoup plus accepté, parce qu’on ne connaissait pas les conséquences", répond Pierre Lassus. "Il y a une responsabilité des psychothérapeutes, psychanalystes et compagnie, parce qu’ils n’avaient pas mesuré - parce que ça ne les intéressait pas, c’était des enfants, ça n’intéresse pas grand-monde- la gravité des agressions sexuelles contre les enfants", accuse-t-il.