Méric : qui se cache derrière les JNR ?

Des militants des Jeunesses nationales révolutionnaires sont soupçonnées du meurtre de Clément Meric.
Des militants des Jeunesses nationales révolutionnaires sont soupçonnées du meurtre de Clément Meric. © Max PPP
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Des militants des Jeunesses nationales révolutionnaires sont soupçonnés d'avoir frappé à mort un militant d'extrême gauche.

L'INFO. "L'horreur fasciste vient de tuer en plein Paris". C'est en ces termes qu'Alexis Corbière, le secrétaire national du Parti de Gauche a dénoncé l'agression mortelle d'un jeune militant d'extrême gauche. Mercredi soir, alors qu'il se rendait avec trois amis à une vente privée près de la gare Saint-Lazare, Clément Méric, un étudiant de Sciences-Po âgé de 18 ans, a été frappé à mort par des skinheads.

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Un drame commenté par l'ensemble de la classe politique pour qui cette agression "porte la marque de l'extrême droite". De son côté, Jean-Luc Mélenchon va plus loin et assure que les agresseurs appartiennent au groupe des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR) - ce qui a été démenti par le leader du mouvement, Serge Ayoub. Mais qui est ce mouvement de l'extrême droite radicale ? Europe 1.fr fait les présentations.

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Quel est le profil des jeunes agresseurs ? Selon les premiers témoignages recueillis par les policiers, les suspects appartiennent visiblement à la mouvance skinhead. L'un d'eux portait d'ailleurs un sweat-shirt "Blood and honour", un groupe néo-nazi britannique, rapporte Le Monde. Un autre présentait un tatouage de croix gammées dans le cou et était équipé d'un poing américain.

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C'est d'ailleurs leur tenue vestimentaire qui a interpellé le groupe de militants d'extrême gauche. Ces derniers se seraient moqués de la tenue des jeunes skinheads - des remarques qui ont été à l'origine de la violente bagarre qui a suivi. Si pour l'heure les agresseurs n'ont pas  été interpellés, les premiers témoignages viennent en tout cas confirmer la proximité avec des groupes d'extrême droite dont les JNR.

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Quel est le parcours des JNR ? Présenté comme "le seul groupe skin organisé en France" par les essayistes Caroline Fourest et Fiammetta Venner dans leur ouvrage sur Marine Le Pen, les JNR a vu le jour à l'automne 1987, sous l'impulsion de Serge Ayoub, surnommé "Batskin" - pour "son aisance à manier la batte de baseball" dans les affrontements de rue dans les années 1980, indiquait Renaud Dely, éditorialiste au Nouvel Observateur et auteur de l'Histoire secrète du Front national.

Le 7 mai 1994, le JNR fait particulièrement parler de lui. Le mouvement organise avec le GUD (Groupe union défense) une manifestation "contre l'impérialisme américain". La mobilisation, interdite par la préfecture de police, se solde par la mort de Sébastien Deyzieu, un jeune militant d'extrême droite proche au sein de l'Oeuvre Française.

Quelques mois plus tard, le JNR disparaît de la scène, pour finalement revenir en 2010, toujours sous la houppe de Serge Ayoub. Cette même année, le militant d'extrême droite réactive également le mouvement politique Troisième Voie. Deux mouvements intimement liés. Sur la page internet de présentation des JNR est d'ailleurs intégrée au site de Troisième Voie. Deux mouvements qui se retrouvent au Local, un bar du 15eme arrondissement de Paris, qui regroupe de nombreux skinheads de la capitale.

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Quelle est l'idéologie du mouvement ? Serge Ayoub revendique un programme politique "à tonalité gauchisante", rapporte Les Inrocks. Des informations confirmées par le spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus. Selon lui, "les JNR sont contre la mondialisation, le libéralisme, la financiarisation, la dérégulation, l’argent. Dans leur revendication, la priorité est donnée aux problématiques économiques et sociales", explique-t-il dans une interview à Libération.

Serge Ayoub décrit le JNR comme une alternative au "capitalisme cynique et [au] gauchisme benêt" ou encore comme une solution entre "un monde libéral et un monde marxiste", rapporte Le Monde. "On pense que le dernier rempart des acquis sociaux, c’est la Nation", expliquait ainsi Serge Ayoub lors de la réactivation de son mouvement en 2010. Sur le site Internet de Troisième voie, les militants disent en effet se battre pour une "alternative au gauchisme internationaliste et au capitalisme mondial" et "combattre dans la longue tradition révolutionnaire et européenne pour la défense des travailleurs".

Le slogan du mouvement, "Croire, combattre, obéir", est par ailleurs une reprise du fascisme italien. Et ses militants, généralement des skinheads, se revendiquent de la mouvance néo-nazie, détaille LCI. Ils participent souvent au traditionnel rendez-vous de la droite radicale à Paris, le 9 mai de chaque année.

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Le FN prend ses distances, et pourtant…Dans un billet de blog publié jeudi, Jean-Luc Mélenchon affirme d'ailleurs avoir aperçu Marine Le Pen serrer la main aux membres du JRN à un défilé similaire à celui du 9 mai. De son côté, la présidente du Front national a déclaré sur RTL que son parti n'avait "aucun rapport, ni de près ni de loin" avec l'agression "inadmissible", "épouvantable", de ce jeune homme. "S'il est démontré que ces groupements [comme les JNR] donnent des instructions de violence à leurs membres, alors oui [une dissolution] peut être envisagée" a-t-elle affirmée.

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Interrogé par Les Inrocks, Serge Ayoub précise que la présidente frontiste n'a pas toujours eu cet avis sur son mouvement. Marine Le Pen aurait en effet dîné en août 2010 avec Serge Ayoub dans un restaurant du XVIe arrondissement de Paris. A l'époque, elle était en campagne Internet contre Bruno Gollnisch et souhaitait ravir la présidence du mouvement. "Elle me posait des questions. Elle cherchait à comprendre pourquoi certains groupuscules de l’extrême droite radicale lui étaient hostiles et pourquoi je la soutenais", a confié récemment Serge Ayoub aux Inrocks.

Pour l'heure, les agresseurs de Clément n'ont pas été arrêtés. Seule leur interpellation permettra d'affirmer si oui ou non ils appartiennent au mouvement d'Ayoub. Selon le militant d'extrême interrogé par France Info, ces jeunes ont seulement eu le malheur d'avoir "les cheveux trop courts ou un blouson d'une mauvaise marque".