TÉMOIGNAGE - «J’étais incapable de tenir debout» : Adèle raconte le calvaire de son Covid long

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Santé publique France estime toujours à deux millions le nombre de Français adultes atteints d'un Covid long. (Illustration) © SOLÈNE ARTAUD / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
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Juline Garnier , modifié à
Atteinte d’un Covid long depuis mars 2022, Adèle dénonce un parcours du combattant pour accéder à des soins. Extrême fatigue, troubles de la vision et de la concentration, difficultés administratives… La jeune maman raconte le calvaire qu’elle vit depuis sa contamination. Elle témoigne pour Europe 1.

"Je me disais que c’était une formalité, que j’allais avoir une sorte de rhume comme mes amis. Mais en fait ça m’a mise complètement à terre". Adèle, 38 ans, a contracté le Covid-19 en mars 2022. Pourtant vaccinée et sans antécédents médicaux, cette mère de deux enfants développe une forme assez violente du virus. Dans un premier temps, elle ne fait pas le lien avec la possibilité d’un Covid long, malgré la persistance de ses symptômes.

"D’un coup j’ai eu d’énormes vertiges, je n’avais plus de force dans mes bras et dans mes jambes. J’étais incapable de tenir debout, même après plusieurs jours. Il fallait que je ne fasse strictement rien, que je reste allongée pour espérer en fin de journée manger un bout et remonter à l’étage en me tenant au mur", raconte-t-elle d’une voix faible. Adèle subit cet état une dizaine de jours avant de retourner au travail, dans le secteur de la communication. Mais les symptômes ne s’affaiblissent pas pour autant. "Je me souviens avoir pris ma voiture le matin et être arrivée au travail en me tenant aux parois du bureau avant d’atteindre mon poste", décrit-elle. 

"Je me traînais par terre, c'était lamentable"

"Je voyais bien que mon état de santé ne repartait pas. J’étais ralentie, je marchais moins vite, je n’arrivais pas à porter mes enfants de quatre et huit ans. J’ai tenu jusqu’au mois de juin dans cette situation avant de consulter un médecin", ajoute-t-elle. Après plusieurs mois de déni, elle finit par consulter son médecin traitant, qui lui prescrit des corticoïdes, des dopants utilisés par les sportifs ou lors des crises d’asthmes, et des exercices de kinésithérapie. Si Adèle constate un regain d’énergie pendant un temps, elle se rend compte au bout de quelque temps qu’elle "ne sent plus ses limites".

"Une fois l’effet dopant estompé, je me traînais par terre, c’était lamentable. Donc je me suis dit que ce n’était pas une solution", concède-t-elle. Les exercices de kinésithérapie, eux, lui sont inaccessibles car trop épuisants pour son organisme. Et malgré ces signes, le médecin ne s’engage pas sur un diagnostic. Elle non plus ne soupçonne pas de Covid long.

"Je ne pouvais pas être moi-même. Je me mettais à pleurer car j’en avais marre d’être constamment épuisée. Et je ne savais toujours pas ce qui m’arrivait, c’est une sensation terrible", confie Adèle. "Cela m’a beaucoup affecté dans mon rôle de maman car je me suis dit que j’étais incapable de gérer une situation d’urgence dans cet état."

Un dossier médical baladé par les hôpitaux

À la rentrée, son médecin prend enfin la mesure de sa situation physique et l’oriente vers les services de l’Hôpital Foch, qui centralisait les cas de Covid long en Ile-de-France à ce moment-là. Au bout de trois semaines, son dossier est refusé. "Je pense qu’ils s’étaient aperçus du nombre de cas de Covid long qui s’étaient déclarés durant l’été et ils m’ont dit par téléphone 'On ne prend plus les cas comme vous'", explique-t-elle. Après avoir contacté l'ARS, elle est reçue par une infectiologue en octobre, qui lui confirme le diagnostic de Covid long, jugé "aigu".

Elle passe des examens neurologiques qui ne révèlent rien d'anormal puis est orientée vers la cellule d'accompagnement de l'AP-HP Raymond Poincaré de Garches, en région parisienne. Mais là encore, son dossier est refusé, cette fois-ci car son état de santé est "trop avancé". Une information confirmée par le docteur Clémence Lefèvre-Dognin, qui officie à la cellule. Cette dernière précise que les patients doivent être suffisamment aptes physiquement pour intégrer la cellule car il faut "supporter le programme" : il faut pouvoir tenir les exercices, mais aussi avoir assez d’énergie pour les trajets en voiture ou en transport qui entourent les séances de soin.

Le bout du tunnel ?

Son état de santé s'améliore finalement légèrement, grâce à du repos et à de l'acupuncture, ce qui lui permet d'intégrer la cellule fin février 2023, soit un an après sa contamination. "Cela reste très éprouvant, avec les exercices de rééducation physique et cognitive mais le petit groupe que nous formons avec trois autres femmes malades est une force. C'est motivant de se retrouver, de rire et de dédramatiser nos situations", explique-t-elle, soulagée.

Adèle est toujours dans l'attente d'une affectation de longue durée (ALD), qui lui permettrait de toucher une indemnisation de l'Assurance maladie. Comme elle, Santé publique France estime à plus de deux millions le nombre de Français adultes ayant contracté un Covid long. Selon un rapport du ministère de la Santé, sur la totalité des personnes ayant eu le Covid-19, 10 % auraient des symptômes persistants.