Les mesures prises pour contenir l'explosion du variant britannique ont-elles trop tardé en France ? (photo d'illustration) 1:15
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Margaux Lannuzel , modifié à
Invité de Patrick Cohen, mardi midi sur Europe 1, le professeur de Santé Publique au CHU de Lille Philippe Amouyel a estimé que des mesures ciblées prises dès la mi-mars, période identifiée par les épidémiologistes comme celle où le variant anglais serait majoritaire en France, auraient pu modérer l'impact de la troisième vague que le pays connaît actuellement. 
INTERVIEW

Fallait-il reconfiner dès janvier pour limiter l'impact de la troisième vague annoncée du Covid-19 ? Le débat est brûlant, alors que le nombre de patients en réanimation en France a dépassé lundi le pic atteint lors de la deuxième vague, en novembre. Invité de Patrick Cohen, mardi midi sur Europe 1, Philippe Amouyel, professeur de Santé Publique au CHU de Lille, s'est montré prudent sur la question, estimant toutefois que cette nouvelle période de tension hospitalière aurait pu être mieux anticipée. 

Les scientifiques n'avaient "pas prévu de montée en février"

"À ma connaissance, parmi les épidémiologistes qui font des projections qui sont écoutées, que ce soit celles de Pasteur Paris, celles de Vittoria Colizza [Directrice de recherche à l'Inserm, ndlr] ou d'autres, même les miennes, on n'a pas prévu de montée en février", expose Philippe Amouyel. "On a toujours dit que c'était à partir du mois de mars qu'on allait commencer à avoir des problèmes, pour une simple et bonne raison, c'est que c'est à ce moment-là que le virus britannique deviendrait dominant dans toute la France et imprimerait une nouvelle dynamique à cette épidémie."

C'est ce qui s'est passé, selon le spécialiste. "Ce virus variant britannique est plus grave, donc plus de gens arrivent en réanimation, souvent plus jeunes, parce que les plus vulnérables ont pu commencer à être vaccinés. Et les gens restent un peu plus longtemps en réanimation. Donc on commence à avoir une saturation qui va nécessiter de pousser rapidement les murs."

"On donne des outils aux politiques qui décident"

Si cette situation était si prévisible, pourquoi les autorités n'ont-elles pas agi davantage fin février ou début mars ? "On donne des armes, des points de référence, des outils aux politiques, qui eux décident en fonction d'autres paramètres qui ne sont pas que sanitaires", répond Philippe Amouyel. "C'est eux qui prennent des décisions qu'ils assument."

"Mais l'intérêt sur le plan sanitaire, c'est d'anticiper", constate le professeur de Santé Publique. Et d'avancer : "si on avait pu anticiper de deux, trois ou quatre semaines des mesures, on ne serait peut-être pas à ce niveau actuel."

Une nécessaire "communication claire du gouvernement"

Quoi qu'il en soit, la France se trouve désormais "dans une phase intermédiaire, qui va durer probablement trois, quatre, cinq ou six semaines", selon Philippe Amouyel. "Une phase pendant laquelle il va falloir mettre en place des mesures qui permettent de ralentir cette augmentation des patients en réanimation", poursuit le spécialiste, qui ne plaide pas pour un confinement strict, sur le modèle de celui instauré il y a un an, ni pour une fermeture des écoles. 

"Rappelez-vous la période des fêtes de Noël, on craignait tous un 'effet Thanksgiving', comme aux Etats-Unis, qu'on n'a pas eu. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu une communication claire du gouvernement, sur la réglementation à six au repas, sur l'éloignement des personnes vulnérables…", argue l'expert, misant davantage sur la responsabilisation que sur les restrictions administratives. "Je crois beaucoup à cette solution. À ce prix-là, on peut éviter un nouveau confinement qui soit trop massif."