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Anne Le Gall, édité par Manon Fossat , modifié à
Après plusieurs pays européens, la France a annoncé lundi sa décision de suspendre l'utilisation du vaccin AstraZeneca pour lutter contre le Covid-19. Une décision provisoire qui intervient après l'apparition, en nombre très limité, de certains symptômes chez des patients ayant reçu le traitement.
DÉCRYPTAGE

La France a annoncé lundi suspendre l'utilisation du vaccin AstraZeneca pour lutter contre le Covid-19. Emmanuel Macron a en effet expliqué en marge d'un sommet franco-espagnol à Montauban, que les injections de ce traitement sont interrompues provisoirement, en attendant un avis européen. Plusieurs pays comme l'Irlande, ou encore l'Allemagne, avaient également annoncé un peu plus tôt suspendre eux aussi l'usage de ce vaccin. Décryptage.

Pourquoi décider de suspendre la vaccination ? 

"La décision qui a été prise en conformité avec notre politique européenne, est de suspendre par précaution la vaccination avec AstraZeneca en espérant la reprendre vite si l'avis de l'EMA le permet", a déclaré le chef de l'Etat. Une annonce difficile à comprendre alors que le Premier ministre Jean Castex assurait la veille qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter.

L'Autriche, le Danemark, la Norvège, la Bulgarie, l'Irlande et les Pays-Bas ont été les premiers à suspendre les vaccinations. Si Emmanuel Macron en vient lui aussi à prendre une telle décision ce lundi, c'est surtout par principe de précaution. Le chef de l'Etat attend en effet qu'un avis soit rendu mardi après-midi par l'Autorité européenne des médicaments (EMA) sur ce traitement. 

Que signifie exactement le "principe de précaution" ?

Selon le professeur Jean-Daniel Lelièvre, chef du service d'immunologie et maladies infectieuses à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil et spécialiste des vaccins à la Haute Autorité de santé, pour comprendre les enjeux de cette décision, il faut avant tout savoir à quoi correspond réellement le principe de précaution.

"Se baser sur ce principe est une décision de sagesse, mais c'est aussi une décision compliquée", a-t-il estimé. Le principe de précaution correspond à ce qu'on appelle la 'balance bénéfice-risque'. Et dans ce cas-là, on a un bénéfice qui reste très clair et la mise en évidence d'un potentiel risque qui reste quant à lui très faible."

Pour lui, interrompre la vaccination avec AstraZeneca trop longtemps ne serait par ailleurs pas une bonne chose. "On risque de perdre très clairement le bénéfice du maintien de celle-ci", a-t-il expliqué au micro d'Europe 1.

Quels sont les risques pointés du doigts ?

Des inquiétudes subsistent depuis une semaine autour de ce traitement en raison de troubles de la coagulation chez des personnes vaccinées, de manière très marginale. Certains événements interpellent en effet les experts.

La Norvège a annoncé aujourd'hui la mort par hémorragie cérébrale d'une soignante de moins de 50 ans. C'est le deuxième cas mortel chez une personne jeune en quelques jours. Pourtant, aucun lien de cause à effet n'a été établi entre ce décès et l'administration du vaccin AstraZeneca. C'est d'ailleurs sur ce point que l'Agence européenne des médicaments enquête.

En France, l'exécutif avait jusque-là décidé de s'en tenir aux chiffres, qui demeurent très faibles. "On est à une trentaine de cas de thrombose, sur plus de 5 millions de gens qui ont été vaccinés avec ce vaccin. Et tous ces phénomènes ne posent pas de problèmes", a encore expliqué le spécialiste Jean-Daniel Lelièvre. "On a eu trois ou quatre pathologies assez exceptionnelles et c'est ce qui a fait tout arrêter. Mais ces événements surviennent chez une personne sur un million, alors que les thromboses veineuses ou les embolies pulmonaires sont des maladies relativement fréquentes".

Ce couac peut-il augmenter la défiance envers les vaccins ?

Avec cet arrêt brutal de l'utilisation du vaccin AstraZeneca, les dommages en termes d'image risquent d'être lourds et d'augmenter encore un peu plus la défiance des Français envers les vaccins. Et ce même si le traitement est de nouveau autorisé en France. 

"Même si les experts estiment ensuite que ce traitement ne pose pas de problème, quelque part c'est trop tard, le mal est fait", juge Jean-Daniel Lelièvre. "Mais, malgré tout, on ne peut pas empêcher les États d'informer les populations sur d'éventuels risques hypothétiques."