La Slovaquie teste la majeure partie de sa population avec les tests antigéniques. 2:03
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édité par Séverine Mermilliod , modifié à
La Slovaquie teste les 2/3 de sa population, une première à l'échelle nationale. Ce dépistage massif vise à mieux connaître le taux d'infection de la population, et certains médecins français estiment que notre pays en aurait bien besoin, car l'on ne sait plus où les habitants se contaminent...
DÉCRYPTAGE

C'est une idée qui avait déjà été débattue en avril, et vite écartée par les autorités : "On ne va pas tester tout le monde, ça n'aurait pas de sens", avait dit Emmanuel Macron. Mais à l'époque on manquait de tests, sans compter qu'être négatif au nouveau coronavirus le lundi ne veut pas dire qu'on l'est le mardi. Il faudrait donc tester souvent. Et voici qu'un pays européen, la Slovaquie, vient de faire l'expérience, une première mondiale. Le gouvernement de Bratislava a fait tester les deux tiers de sa population. Ce qui inspire les médecins français car cela permettrait de mieux connaître la circulation du virus...

Une première à l'échelle nationale

Le gros problème actuellement avec le coronavirus est le manque de connaissance sur les infections. Il y a beaucoup trop de cas, on ne remonte plus les chaînes de contaminations donc on ne sait pas où les Français se contaminent. Une des solutions pourrait être le dépistage massif et la Slovaquie est le premier pays à l’avoir réalisé à l’échelle nationale. Avant ce pays de l’Est, des villes chinoises l’avaient déjà fait, Liverpool en Angleterre a choisi la même stratégie et va le réaliser dans les prochains jours.

Le principe est simple : la population est invitée à se rendre dans les laboratoires d’analyses.  Les tests réalisés sont ceux qui viennent d’arriver en France, les antigéniques, avec un résultat connu 15 à 20 minutes après le prélèvement. La participation n’est pas obligatoire et les gens qui ne veulent pas s’y plier doivent rester en quarantaine dix jours chez eux pour être sûr qu’ils ressortent négatifs.

L'idée séduit en France

Et cette idée est en train de faire son chemin jusque chez nous puisque l’un des membres du Conseil scientifique, l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, en a parlé mercredi soir sur France 5 dans l’émission C à vous. "C'est une idée intéressante, qu'il faut creuser. Il faut voir si logistiquement on y arriverait, et comment on le mettrait en place", a-t-il noté.

"Ce qu'a fait la Slovaquie c'est de dire aux gens on vous teste tous, ceux qui sont positifs vous restez une semaine chez vous, et ceux qui ne veulent pas se faire tester vous restez une semaine chez vous aussi, comme cela on est sûr que quand vous sortez vous êtes négatifs. Cela permettrait de descendre à un tel niveau la circulation du virus que l'on se retrouverait comme on était par exemple au mois de juin", a pronostiqué le médecin.

Tester toute la population demande quand même une logistique importante : la Slovaquie s'est appuyée sur 45.000 professionnels de santé mais aussi sur l’armée et la police. Et il faut rappeler qu’ils ne sont que 5 millions et demi d’habitants. Mais les épidémiologistes qui réclament ces tests massifs depuis des mois, comme Catherine Hill contactée jeudi matin, sont catégoriques : c’est faisable en France. Elle propose notamment de s’appuyer sur les élus locaux.

"Pourquoi pas , soyons audacieux"

Karine Lacombe, cheffe des maladies infectieuses à l'hôpital Saint -Antoine à Paris, était jeudi l'invitée de Patrick Cohen sur Europe 1 et s'est fait plus mesurée. Elle estime que la mesure "extrêmement audacieuse" pourrait être utile à condition d'être bien préparée et que chacun soit responsable. Selon elle, "si on peut tester 60 et quelques millions de personnes en France, mais sur période très courte, c'est-à-dire en moins d'une semaine - ce qui nécessite des moyens matériels et logistiques extrêmement importants et qu'ensuite, chacun se responsabilise, pourquoi pas. Mais je pense que ça nécessite d'abord une bonne préparation, donc une modélisation de l'impact que ça aurait, des moyens. Pourquoi pas, soyons audacieux. Mais ce serait très compliqué".

Mais elle concède que le recours massif aux tests antigéniques pourrait permettre de mieux gérer l'épidémie : "Cela pourrait permettre de préparer la situation d'après. Le virus n'aura pas disparu parce que le virus passe par les frontières. Donc, à ce moment-là, ça veut aussi dire qu'on dépiste bien toutes les personnes qui arrivent en France, on fait bien un dépistage, un tracing extrêmement efficace. Là on voit bien qu'on n'est pas efficace, qu'on est débordé et donc ça pourrait être intéressant."

Il faudrait aussi répéter ces tests massifs dans le temps, toutes les 2 semaines ou tous les mois, pour enfin connaître le niveau d’infection dans la population...et enfin arrêter de courir derrière l’épidémie.