Covid-19 : tour de France des hôpitaux obligés de déprogrammer des soins

Hopital
Des hôpitaux doivent déprogrammer des opérations pour accueillir les patients Covid et non-Covid (Illustration). © GUILLAUME SOUVANT / AFP
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Les déprogrammations d'opérations se multiplient dans les hôpitaux. En raison de l'afflux de malade du Covid, les médecins en sont réduits à trier leurs patients et les délais d'attente des rendez-vous, déjà retardés, s’allongent une nouvelle fois. Une situation alarmante pour les soignants. Nos correspondants ont mené leur enquête sur place.
ENQUÊTE

La tension monte dans les hôpitaux. Face à l'arrivée de la cinquième vague, les centres hospitaliers ont réactivé leur plan blanc et ont déprogrammé massivement les opérations jugées les moins urgentes. Car le personnel soignant manque, lui aussi contaminé par le virus, notamment à l'hôpital Necker à Paris. De ce fait, des interventions, déjà annulées lors des précédentes vagues, prennent encore une fois du retard. 

Une perte de la fonction rénale pour certains enfants

"60% de patients ont été annulés dans les quinze jours qui viennent pour des raisons de personnel insuffisant. Le problème, c'est que celui que vous annulez, par exemple, du vendredi, il a déjà été annulé quatre fois pour d'autres raisons", alerte Sabine Sarnacki.

La cheffe du service pédiatrique viscéral et urologique du CH de Necker, cite en exemple les malformations urinaires, des interventions non urgentes mais qui, à force d'infections à répétition, peuvent avoir des répercussions sur la santé des patients, notamment les enfants. "À force d'être reportées, parfois, les patients ont attendu un an et demi, donc ils se sont infectés avec de la morbidité. Et puis, je pense qu'on peut dire que certains enfants ont perdu de la fonction rénale."

Un taux d'occupation en réa au dessus des 90% pour l’Auvergne Rhône-Alpes

L'hôpital Necker à Paris n'est pas le seul établissement concerné. Ailleurs, en Auvergne Rhône-Alpes par exemple, la tension hospitalière reste tout aussi forte. Depuis le 8 décembre, les hôpitaux de la région ont déclenché leur plan blanc, à la demande de l'ARS.

Alors que le taux d’incidence y est actuellement supérieur à 1.850 pour 100.000 habitants - sur la période du 25 au 31 décembre - le taux d’occupation global des réanimations des Hospices Civils de Lyon (HCL) mardi était de 94,6 % (calculé sur 168 lits de réanimation installés ce jour) contre 93,2 % (calculé sur 161 lits de réanimation installés la semaine dernière). Mardi encore, 81 patients sur les 159 en réanimation étaient des malades du Covid.

Si les opérations non urgentes ont été déprogrammées comme ailleurs, l'ARS a cependant demandé aux établissements de maintenir les activités de chirurgie carcinologique et de greffe, le suivi des maladies chroniques, et ceux de santé mentale notamment pour les plus jeunes.

90% des malades non vaccinés à Strasbourg

Dans le Grand-Est, la consigne est la même. A l'hôpital de Colmar, 38 lits de réanimation sont ouverts. Mardi, il n'en restait qu'un de disponible. Alors pour s'occuper de tous ces patients et des futurs, il faut des bras. C'est pourquoi 45% des interventions chirurgicales sont déprogrammées depuis mi-décembre. Avant le début de la cinquième vague, l'hôpital de Colmar était plutôt autour de 20% de déprogrammation.

A Strasbourg, on compte 162 patients Covid confirmés (tous services confondus) dont 49 en réanimation, contre 50 au 3 janvier et 59 au 31 décembre. D'autres part, entre 85 et 90% de ces malades ne sont pas vaccinés. Du côté de Nancy, parmi les 103 patients en réanimation, 40 sont porteurs du Covid (29 sont non vaccinés, 11 sont vaccinés dont 5 avec des comorbidités ou une deuxième dose datant de plus de 6 mois).

Dans la région PACA, les capacités initiales ont été dépassées

Dans le sud, en région PACA, le taux d’occupation des lits en soins critiques est de 108%. Cela veut dire que les capacités initiales ont été dépassées. Il a fallu ouvrir des lits, et donc déprogrammer. L'effet est direct dans le service de médecine interne de l'hôpital de la Timone à Marseille : 70% des opérations ont dû être déprogrammées. 

"Il y a une certaine catégorie de patients qui pouvaient attendre quelques semaines mais qui n'attendront pas plus. Par exemple, pour la chirurgie cardiaque, quand vous êtes en attente de changer des valves (...) il faut y aller", prévient Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale d’établissement de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille, avant de rappeler aussi que nous ne sommes "pas encore sous régime Omicron".

Parmi les opérations les plus touchées, la chirurgie des amygdales ou d'une prothèse de hanche par exemple. Plus au sud, au CHU de Nice, 40 personnes sont en soin critique et, encore une fois, 95% de ces patients ne sont pas vaccinés ou ne disposent pas d’un schéma vaccinal complet. 

Des transferts de patients vers Lille

A Lille, les équipes de soignants sont lassées et fatiguées. Mais surtout dans l'incompréhension car un fort pourcentage de cas graves correspond aux personnes non vaccinées. Au CHU de Lille, on compte 30% de déprogrammations. Sur les 103 patients Covid qu'accueille l'établissement, 44 sont en réanimation. Pour le moment, le centre hospitalier est en capacité matérielle de faire face, et a même accueilli fin décembre, deux malades venus d'Antibes.