Vaccin 1:48
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Mathilde Durand , modifié à
La course contre la montre pour découvrir un vaccin contre le coronavirus fait rage entre les entreprises pharmaceutiques du monde entier. "C'est un peu de la science-fiction, dans la mesure où le vaccin n'a pas montré sa pleine efficacité et son innocuité", analyse sur Europe 1, Patrick Biecheler, expert de l'industrie pharmaceutique. 
INTERVIEW

C'est une véritable course contre la montre. Les laboratoires pharmaceutiques sont à pied d'œuvre pour découvrir un vaccin contre le coronavirus. L'OMS recense cette semaine 110 projets, dont huit en phase d'essai. Au-delà de l'enjeu de santé public, ce vaccin représente un marché économique conséquent. Après la polémique autour du laboratoire Sanofi, qui avait laissé entendre que le vaccin serait distribué en priorité aux Etats-Unis, Emmanuel Macron a martelé vouloir faire de ce traitement un bien commun, accessible à tous.

Patrick Biecheler, expert de l'industrie pharmaceutique au cabinet conseils Roland Berger, décrypte sur Europe 1 cette "guerre des laboratoires".

Des délais incompressibles

"Je pense que c'est une bataille pharmaceutique, vu l'ampleur et la gravité de cette pandémie", explique-t-il. "Et on ne sait pas si, au moment où il arrivera sur le marché, le virus sera toujours présent, puisqu'il y a aussi un certain nombre d'hypothèses sur 'la durée de vie' de ce virus et le fait qu'on ait besoin de vacciner massivement les populations au moment où un vaccin sera disponible."

Les différentes entreprises tablent sur une disponibilité d'un tel vaccin d'ici 18 mois. "Techniquement, on peut considérer que si les délais d'essais cliniques et les délais d'approbation, donc la validation par les autorités de santé notamment l'EMA pour l'Europe ou la FDA pour les Etats-Unis, sont raccourcis étant donné l'enjeu, le délai de production est relativement incompressible puisqu'on est souvent sur des mises en culture", décrypte Patrick Biecheler.

Certaines étapes, malgré les nouvelles technologies et des démarches administratives accélérées, ne peuvent être raccourcies. "On est quand même dans cette fenêtre de tir, de 6 à 18 mois pour être large", ajoute-t-il. 

Une manne financière partagée 

La découverte d'un tel vaccin, "une solution qui éradiquerait le virus" contrairement aux traitements, représenterait un nouveau marché économique pour les laboratoires pharmaceutiques. Néanmoins Patrick Biecheler nuance l'image d'un vainqueur absolu emportant le pactole. Adjuvant, antigène : pour l'élaboration d'un vaccin, chacun apporte sa contribution. "C'est un peu comme si on considérait dans une automobile que celui qui a découvert le moteur remporte la mise", analyse-t-il. "Le premier à emporter le pactole sera le patient." 

"Le marché du vaccin aujourd'hui est un marché qui pèse à peu près 35 milliards de dollars. Et ce marché se répartir à un peu plus de 80% entre quatre grands laboratoires pharmaceutiques, dont Sanofi", résume l'expert de l'industrie pharmaceutique, qui ajoute que "la recherche aujourd'hui est assumée par une partie de l'industrie pharmaceutique elle-même qui réinvestit une partie de son chiffre d'affaires, entre 10 et 15% en général." 

Inquiétude sur la responsabilité juridique

Si les sommes à gagner sont conséquentes, la responsabilité juridique inquiète les entreprises pharmaceutiques. En développant ce vaccin dans l'urgence sur une pandémie inconnue, elles s'exposent en effet aux risques de produire un vaccin défaillant, avec des effets secondaires. Des procès, au coût exorbitant, contre des laboratoires ont déjà eu lieu aux Etats-Unis.

"La notion fondamentale c'est de se dire : 'est-ce que l'on partage la responsabilité ?' Ou : 'est-ce que l'on se dit c'est nous contre eux, eux contre nous ?'. C'est pour éviter ce type de sentiment que l'industrie pharmaceutique préconise qu'il y ait une relative coopération entre les Etats et les laboratoires pharmaceutiques", analyse Patricl Biecheler.