"Je suis super stressé", témoigne un détenu au micro d'Europe 1 (photo d'illustration). 1:17
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Salomé Legrand, édité par Margaux Lannuzel , modifié à
Europe 1 a pu joindre deux détenus d'une grande maison d'arrêt de banlieue parisienne, qui disent leur angoisse à l'idée que le coronavirus se répande dans les prisons françaises. "On n'a pas de gel hydroalcoolique, on n'a pas de masque. Si vous ne cantinez pas de savon, vous vous lavez les mains à l'eau", témoigne l'un d'entre eux. 

"La situation des prisons est explosive", estimait mercredi la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, au micro d'Europe 1. Alors que l'épidémie de coronavirus a poussé le gouvernement à prendre des mesures de confinement exceptionnelles, comment gérer la situation dans des prisons souvent surpeuplées ? Europe 1 a pu joindre deux détenus, qui disent leur angoisse face à l'ampleur de la crise sanitaire. 

Ni gel hydroalcoolique, ni masques

"Je me dis que si ça me tombe dessus, je ne peux rien faire pour me protéger", explique ainsi Marlo*, 26 ans, détenu depuis un an dans une grosse maison d'arrêt de banlieue parisienne. "Moi c’est directement la réanimation, parce que je suis diabétique." Et de déplorer l'absence de possibilité de respecter les fameux "gestes barrières" du gouvernement. "On n’a pas de gel hydroalcoolique, on n’a pas de masques. Si vous ne cantinez pas de savon, vous vous lavez les mains à l’eau et c’est une douche tous les 3 jours."

"Un surveillant qui vient travailler et qui est contaminé, il va tous nous contaminer et je ne sais pas comment ils vont gérer ça", poursuit Marlo. "Si demain l’épidémie entre en prison, c’est ingérable. C’est la panique générale, on est tous inquiets et on est impuissants". Youri, détenu dans une autre maison d'arrêt d'Île-de-France, renchérit : "Les surveillants, même si ce ne sont pas des amis, on est humain : ils n'ont pas les moyens de travailler correctement, ils n'ont pas de masques, ils rentrent chez eux la peur au ventre." 

La télévision gratuite, "ça ne nous protège pas du virus"

Quid des mesures annoncées jeudi par Nicole Belloubet, qui prévoient notamment la gratuité de la télévision et un crédit téléphone de 40 euros par détenu pour appeler leur famille, les parloirs étant suspendus ? "C’est bien mais ça ne nous protège pas du virus", lâche Marlo. Pour Youri, la suspension des parloirs et des activités impliquant des intervenants extérieurs est "normale" compte tenu de la gravité de la situation. Mais insuffisante. 

"Nous les détenus, c’est une question de jours avant qu’on compte les morts", affirme-t-il. "Il y en a qui toussent et qui ont des vertiges mais comme le confinement est déjà plein [quelques cellules réservées dans le quartier des arrivants pour ceux qui ont des symptômes], ils restent en cellule et leurs codétenus sont confinés avec eux par défaut."  

 

 

"Pour l'instant c'est calme, en apparence"

Une crainte d'autant plus vive que "l'administration pénitentiaire n'est pas très transparente", assure Youri. "On a des mecs qui ont été hospitalisés depuis deux, trois semaines et qui ne sont jamais revenus. Le service médical, déjà en temps normal ça tourne au ralenti, donc là c’est catastrophique. Il n'y a pas de paracétamol, il y a deux infirmières qui essayent de faire ce qu’elles peuvent", témoigne-t-il. 

Mais "le plus difficile" reste pour lui "la peur de perdre un membre de sa famille" à cause de l'épidémie, sans pouvoir quitter la prison. "Pour l’instant c’est calme, en apparence", souffle-t-il. "Mais quand ça dégénérera, ça dégénérera."

*Le prénom a été changé