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Anne Le Gall, édité par
Officiellement, l'injection du vaccin d'AstraZeneca contre le coronavirus n'est pas recommandée par les autorités sanitaires pour les moins de 55 ans. Pourtant, un certain nombre de praticiens choisissent de vacciner leurs patients, en raison de comorbidités. Un choix autorisé par la liberté de prescription, mais qui n'est pas sans conséquences potentielles sur le plan judiciaire.
DÉCRYPTAGE

Depuis le début de la campagne de vaccination contre le Covid-19 en France, très exactement 12.751.098 personnes avaient reçu au moins une injection lundi soir - soit 19% de la population totale et 24,3% de la population majeure. Parmi elles, 4.675.008 personnes ont reçu deux injections (soit 7% de la population totale et 8,9 % de la population majeure) et sont considérées comme pleinement vaccinées. Parmi ces millions de personnes, certaines ont reçu une injection en fin de journée, pour ne pas gaspiller les doses. Une poignée d'entre elles ont été vaccinées alors qu'elles n'étaient pas prioritaires.

Choix "cohérent", mais responsabilité engagée 

Il est en effet tout à fait possible pour les médecins de vacciner en dehors des tranches d'âge prioritaire. Cela peut sembler surprenant, mais c'est tout à fait légal et prévu par la Haute autorité de Santé. En vertu de sa "liberté de prescription", un médecin peut donc tout à fait proposer une dose d'AstraZeneca à une personne de moins de 55 ans. "Chaque médecin est libre de sa prescription, à condition qu'il puisse après l'expliquer et le justifier. Et si jamais ça se passe mal, on ne peut pas se couvrir par le parapluie en disant 'j'ai suivi les textes'", précise Bernard Bégaud, pharmacologue à l'Université de Bordeaux "C'est nous qui sommes en première ligne et qui pourrions être poursuivis. Notre responsabilité est engagée au pénal."

Ce choix médical reste exceptionnel mais certains praticiens l'assument totalement. "C'est une pratique qui est peu fréquente, mais si j'ai un patient de 52 ans qui a un diabète, une hypertension, qui a déjà fait un infarctus, si on n'arrive pas à lui trouver une place en centre de vaccination pour le vacciner au Pfizer ou Moderna, je préfère qu'il soit vacciné rapidement à l'AstraZeneca", explique ainsi le docteur Yohan Saynac, médecin généraliste à Pantin. "Ça me semble plutôt cohérent."

Pas une "interdiction absolue"

"On est un certain nombre de médecins, je pense la majorité, à être convaincus de l'intérêt de vacciner, y compris à l'AstraZeneca, même en dessous des cibles pour des personnes qui ont des facteurs de risque de faire des Covid graves", poursuit le praticien. "Les risques liés à l'AstraZeneca sont des risques extrêmement faibles, de l'ordre du risque d'être foudroyé. En revanche, le risque de faire un Covid grave est réel. L'enjeu, c'est de s'assurer que les personnes aient bien saisi le risque qu'elles prenaient. Et si elles sont partantes, je ne vois pas d'objection à les vacciner en toute connaissance de cause."

Cette pratique, si elle semble répandue, pose en effet la question du risque pris par les patients et du respect des recommandations. "Il faut prendre les recommandations comme elles sont", souligne de son côté Bernard Bégaud, qui est l'ancien président du Comité de suivi des essais clinique à l'Agence nationale de sécurité du médicament. "Ça veut dire qu'un médecin est apte à juger dans l'intérêt de la personne qu'il a en face si on peut jouer plus ou moins cinq ans. La physiologie n'est pas la même pour tous. Il y a des gens de 55 ans qui sont assimilables à des personnes âgées et d'autres à qui vous donneriez 35 ans. Une recommandation ne veut pas dire une interdiction absolue."