Cancer du sein 2:05
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Mathilde Durand
Le grand sommet de l'oncologie, l'ASCO, vient de se terminer, avec une édition 2020 à distance, coronavirus oblige. De nombreux résultats d'études ont été présentés par des spécialistes du cancer du monde entier. Le professeur Christophe Le Tourneau, oncologue spécialiste de l'innovation à l’Institut Curie, revient sur ces avancées sur Europe 1. 
INTERVIEW

Le grand rendez-vous mondial et annuel de l'oncologie, ASCO, vient de se terminer avec une édition 2020 virtuelle, Covid-19 oblige. Le professeur Christophe Le Tourneau, oncologue spécialiste de l'innovation à l’Institut Curie, responsable des essais cliniques précoces, explique sur Europe 1 les différentes avancées quant au traitement de cette maladie qui touche chaque année près de 380.000 personnes en France. Le professeur a constaté un avancement vers "des médecines de précision".

Les présentations à distance des différents spécialistes durant le congrès ont permis de découvrir de nouveaux résultats dans différentes études en cours. "On avance de plus en plus vers des médecines de précision", souligne Christophe Le Tourneau. "Il y a de plus en plus de médicaments qui ne se donnent plus par type de cancer mais sur la base d’une altération moléculaire et qui sont extrêmement efficaces dans ces petits sous-groupes de patients. À chaque fois, ce sont des médicaments qui ne touchent qu’un petit groupe de patients mais sont très efficaces dans ce contexte là."

Les nanoparticules pour mieux soigner le cancer de la gorge

Christophe Le Tourneau et son équipe ont pu présenter la seconde phase de leur étude pour améliorer les effets de la radiothérapie sur le cancer de la gorge, grâce à l'injection par le chirurgien de nanoparticules directement dans la tumeur du patient, sous anesthésie générale. Objectif : augmenter l'efficacité des rayons, de l'intérieur. "Ce sont des nanoparticules qui sont inertes et qui, toutes seules, n’ont aucune activité. Elles ne vont produire leur effet que lorsque la radiothérapie va démarrer, donc en démultipliant la quantité de rayons délivrés", précise l'oncologue. 

Lors de l'édition 2019 de l'ASCO, le professeur a présenté ses travaux sur la dose de nanoparticule à administrer aux patients. Cette année, il passe à la vitesse supérieure. "Là on a présenté nos résultats avec une cinquantaine de patients qui ont été traités tous à la même dose, qu’on a identifiée comme étant la bonne, et ces résultats montrent que chez 83% des patients on a une très bonne réponse au traitement. L’idée maintenant va être de passer en phase 3, c’est à dire de passer à un essai comparatif en vue d’obtenir une autorisation de mise sur le marché." Pour la réalisation de cette troisième étape, la moitié des patients recevront une injection de nanoparticules et l'autre moitié n'en recevra pas pour prouver l'efficacité des nanoparticules dans l'amélioration du devenir des patients. 

La stratégie Mammaprint pour lutter contre le cancer du sein

Le rendez-vous ASCO est une occasion de faire un point sur toutes les avancées des traitements ou des dépistages en cancérologie. Christophe Le Tourneau a notamment évoqué la stratégie "Mammaprint", pour les cancers du sein. "L'idée c’est d’essayer de moins traiter les patientes atteintes de cancer du sein, [en tout cas ] pour celles qui n’ont pas de métastases", explique le professeur. "Le traitement est lourd avec de la chirurgie, parfois de la chimiothérapie, de la radiothérapie, de l'hormonothérapie, et ce qu’on essaye de faire c'est de diminuer le nombre de patientes qui vont avoir une chimiothérapie puisque c’est un traitement qui est lourd avec des séquelles."

La stratégie Mammaprint consiste à faire une analyse génomique au niveau de la tumeur, "donc regarder au niveau moléculaire et voir si on ne pouvait pas se dispenser de chimiothérapie chez un certains nombres de patientes", précise l'oncologue. "Dans le groupe des patientes cliniquement à risque à qui on aurait dit : 'là il faut faire une chimiothérapie', cela a permis de diviser par deux le nombre de ces patientes qui ont eu recours à une chimiothérapie."

Différents travaux sont en cours concernant les signatures génomiques, notamment sur les cancers du côlon pour diminuer la durée de la chimiothérapie après opération de six à trois mois. "Ce sont des travaux extrêmement longs, il faut valider ces signatures, montrer que cela permet de ne pas faire de chimiothérapie tout en maintenant un taux de guérison", ajoute-t-il. 

L'extension de l'immunothérapie et une meilleure gestion des effets secondaires

Autre espoir dans les stratégies de traitement des cancers : l'immunothérapie, un traitement qui va stimuler le système immunitaire des patients pour qu'il détruise les cellules tumorales. La généralisation de ces traitements progresse. "On avait une autorisation de mise sur le marché qu’en deuxième ou troisième ligne après échecs des traitements conventionnels", explique l'oncologue. "Maintenant on a des autorisations de mise sur le marché dès la première ligne de récidive. On a aussi des extensions  avec des nouvelles indications comme certains types de cancers du poumon qui sont plus rares." Le plus prometteur reste les associations d'immunothérapie. "Il y a énormément d’essais en cours avec des résultats qui se font attendre", confie Christophe Le Tourneau. 

Un futur prometteur qui ne remplacera pas les traitements conventionnels rappelle néanmoins Christophe Le Tourneau, car l'immunothérapie ne fonctionne pas à tous les coups. "On sait pourquoi ça marche dans certains cas notamment sur la base de la biologie des cellules tumorales, le fait qu’il y ait beaucoup de mutations etc. Mais on a encore du mal à comprendre pourquoi cela ne fonctionne pas chez certains patients", explique-t-il. "Les traitements classiques sont importants."

D'autant que de gros progrès ont été faits sur l'accompagnement des patients et la gestion des lourds effets secondaires des chimiothérapies. "Aujourd'hui on guérit environ 60% des patients atteints de cancer. L’objectif c’est d'augmenter ce chiffre", assure Christophe Le Tourneau. Une augmentation des guérisons qui passera par des avancées en termes de traitement, mais également de dépistage : imagerie médicale de pointe, diagnostic affiné et personnalisé.