Xavier Bertrand, ici le 2 juillet à Lille, après sa réélection à la tête du Conseil régional des Hauts-de-France. 3:35
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Romain David , modifié à
Invité samedi d'Europe 1, le politologue Jérôme Sainte-Marie décrypte la victoire de la droite aux régionales. Selon lui, l'abstention record interdit d'y voir une réelle dynamique pour 2022. Surtout, les réélections de Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez pourraient faire de l'ombre au projet présidentiel de Xavier Bertrand.

Les élections régionales, en dépit d’une abstention record, ont permis à la droite de conserver ses sept bastions. Réélu dans les Hauts-de-France face au Rassemblement national et à l’impressionnant dispositif déployé par la majorité présidentielle, Xavier Bertrand avait conditionné sa candidature à la présidentielle à cette victoire. Mais pour Jérôme Sainte-Marie, fondateur de l'institut d'études politiques PollingVox, l’horizon n’est pas totalement dégagé pour l’ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy. Comme le politologue l’a rappelé samedi au micro de C’est arrivé cette semaine sur Europe 1, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez pourraient venir contrarier les ambitions de Xavier Bertrand.

Les deux favoris de la présidentielle, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, sont présentés aujourd'hui comme les deux grands perdants des élections régionales qui viennent de se dérouler. Vous êtes d'accord ?

"En réalité, il y a trois grands perdants. Il y a La République en marche, le Rassemblement national, mais aussi La France insoumise. Ces trois formations ont un point commun décisif : elles n'ont pas d'ancrage local et notamment pas d'ancrage municipal. Je pense que ça a été très important dans le fait que leurs électeurs ne se sont pas déplacés.

La victoire de la droite est-t-elle le symptôme d’une certaine dynamique favorable aux Républicains ?

La droite est considérée comme victorieuse, mais c'est probablement un effet d'optique. C'est une illusion qui n'est sans doute pas partagée par les cadres du parti qui doivent bien voir ce qui se passe. On est sur un électorat totalement resserré sur les catégories les plus participationnistes, qui sont également les catégories les plus âgées. Ce sont généralement des propriétaires, des gens bien intégrés dans la vie sociale. C’est précisément l'électorat naturel de la droite, celui qui lui reste. Emmanuel Macron lui a pris énormément de cadres supérieurs et le Rassemblement national les catégories populaires.

Autre enseignement de ces régionales, la victoire de Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France. De quoi lui assurer l’investiture LR pour la présidentielle, même s’il a quitté le parti ?

Xavier Bertrand est indubitablement renforcé par ce scrutin, mais il n'est pas devenu le candidat naturel de la droite. D'autres présidents de conseils régionaux de droite, Valérie Pécresse en Île-de-France, ou bien Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes, ont également été très facilement réélus. Il y a eu une énorme prime au sortant, aussi bien pour les présidents régionaux de droite que pour ceux de gauche.

Les élections régionales ne peuvent donc pas départager les différents prétendants éventuels à droite. Toutefois, on constate un effet d'entraînement manifeste depuis quelques jours, avec des sondages dans lesquels Xavier Bertrand est crédité de 18% des intentions de vote au premier tour. Il est loin devant ses éventuels concurrents à droite, mais il n'est toujours pas qualifié virtuellement pour le second tour. Or, c'est ce qui est décisif.

Laurent Wauquiez, silencieux depuis les élections européennes, pourrait-il encore revenir dans le jeu ?

Laurent Wauquiez a été contraint de sortir de la politique nationale après les élections européennes ratées des Républicains, puisque la liste qu'il soutenait n'a même pas atteint 9% des suffrages exprimés. Mais Laurent Wauquiez n'a pas dit son dernier mot. Il peut être une solution pour incarner une droite relativement autoritaire, relativement traditionnelle sur les valeurs morales, une droite qui est assez différente au fond de celle de Xavier Bertrand. Mais pour l'instant, ce sont des nuances d’initiés.

Xavier Bertrand avait dit qu’il ne voulait pas passer par une primaire, mais le fait que Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez ont eux aussi été réélus à l'issue de ces régionales pourrait l’y contraindre.

Il est tout à fait possible que la droite se résigne à organiser des primaires. Les primaires ont mauvaise presse depuis l'échec de François Fillon et de Benoît Hamon, tous deux désignés par des primaires à droite et à gauche en 2017. Mais auparavant, il y a quatre ans de cela, on considérait que c'était un excellent moyen de l'emporter ensuite à la présidentielle. D'ailleurs, quatre millions de partisans étaient allés voter à la primaire de la droite.

Pourquoi peut-elle encore s'imposer aujourd'hui ? D'une part, la direction de LR est très affaiblie. Il n'y a pas d'autorité parisienne par rapport aux grands barons régionaux et par rapport aux principaux candidats possibles. D'autre part, il n'y a pas non plus la possibilité de trancher par sondage. La crédibilité des sondages a été fortement amoindrie par ce qui s'est passé aux régionales. En conséquence, la primaire pourrait être le moyen le moins mauvais de désigner un candidat et ainsi d'éviter le pire, c'est-à-dire qu'il y ait plusieurs candidats de droite en 2022."