Loi Travail : Valls a "décidé d'engager la responsabilité du gouvernement" avec le 49-3

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Margaux Baralon , modifié à
Alors que le texte revenait en seconde lecture à l'Assemblée, Manuel Valls a décidé d'user une nouvelle fois de l'article 49-3 pour faire adopter la loi Travail sans vote.

Elle a fait son grand retour à l'Assemblée nationale. La loi Travail devait être examinée par les députés ce mardi en seconde lecture, mais a finalement connu le même sort que la première fois : être adoptée sans vote, via l'article 49-3 de la Constitution. Manuel Valls, qui l'avait annoncé aux députés socialistes le matin même, lors d'une réunion de groupe, l'a réaffirmé en début d'après-midi devant l'hémicycle, sous les huées. 

Parallèlement, après quatre mois de contestation, les syndicats contestataires ont manifesté mardi après-midi à Paris, entre place d'Italie et Bastille, et en régions. C'était la douzième journée de contestation sociale sur ce projet de loi, avant une pause estivale.

Les informations à retenir

  • La loi Travail revenait à l'Assemblée mardi pour une seconde lecture
  • Manuel Valls, "décidé à avancer", a engagé "la responsabilité du gouvernement" avec le 49-3
  • Les frondeurs s'interrogent sur le dépôt d'une motion de censure, alors que la droite y a renoncé

Le 49-3, deuxième round. Déjà dégainé une première fois au mois de mai, l'article 49-3 a de nouveau été utilisé mardi par le gouvernement pour faire passer le projet de loi Travail sans vote. En début d'après-midi, devant un hémicycle clairsemé et sous les huées, le Premier ministre a justifié son choix. "Mon gouvernement est décidé à avancer", a t-il déclaré. "Ce n'est pas une posture, pas une intransigeance, mais dans ce moment difficile, je ne veux pas laisser certains mettre en scène les divisions, alimenter les fractures. C'est pourquoi, en application de l'article 49-3, j'ai décidé, après la délibération du Conseil des ministres, d'engager la responsabilité du gouvernement sur le vote en nouvelle lecture du projet de loi."

Sans même attendre la fin de son allocution, les députés de droite ont quitté l'hémicycle.

Tout compromis écarté. Pourtant, la semaine dernière encore, certains croyaient à la possibilité de trouver un compromis pour avoir une majorité sur le texte. Mardi matin, un amendement socialiste, signé par près de 130 élus, était destiné à lever l'un des derniers points de blocage en apportant des garanties sur les heures supplémentaires. Mais cet amendement a été refusé par Manuel Valls, au motif qu'il s'agissait d'une "compromission", non d'un compromis. 

Sur Facebook, le député Patrick Mennucci a confirmé qu'un amendement avait bien été présenté par Olivier Faure. Selon lui, il "permettait de rapprocher les positions. Les opposants à la loi travail, dont je suis, étaient favorables à cet amendement et nous étions prêts à voter le texte s'il était adopté". Sur Twitter, le frondeur Christian Paul a dénoncé une "décision d'une incroyable brutalité" de la part du Premier ministre.

La droite renonce à la motion de censure. En utilisant le 49-3, le gouvernement s'expose au vote d'une motion de censure. Une motion doit être déposée dans les 24 heures par les élus qui le souhaitent. La droite, qui en avait déjà déposé une en mai, a annoncé qu'elle s'en passerait cette fois-ci. Le chef de file des députés LR, Christian Jacob, a jugé qu'il fallait mettre fin à "cette mascarade". "Que Valls se débrouille avec son champ de ruines", a-t-il déclaré, donnant "rendez-vous devant les Français dans neuf mois", pour les élections présidentielles.

Vers une motion de gauche ? L'incertitude entoure en revanche l'hypothèse d'une motion de censure de gauche. En mai, il avait manqué deux voix (sur les 58 nécessaires) aux frondeurs et aux communistes pour y parvenir. Depuis, ces signataires malheureux promettent à l'exécutif que la prochaine fois sera la bonne. André Chassaigne, chef de file des députés du front de gauche, a lancé mardi un "appel solennel" aux élus opposés au projet de loi pour "élaborer une motion de censure de gauche". 

Le député socialiste Laurent Baumel a indiqué mardi sur Europe 1 que les frondeurs "essaieraient de déposer une motion de censure" mais que celle-ci avait "peu de chances d'aboutir", car il faudrait qu'elle soit votée par la droite. "Il faut montrer que nous sommes encore au moins 58 à vouloir rester debout", a abondé l'écologiste Noël Mamère, sur iTélé. L'élu de Gironde a ensuite indiqué que dix députés écologistes avaient signé une demande de motion de censure.

Mettre leur menace à exécution exposerait cependant les socialistes frondeurs à des sanctions. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a été très clair début juin : si des frondeurs venaient à voter une motion de censure de gauche, ils "ser[aient] en dehors du PS". Ce qui pourrait notamment les empêcher de participer à la primaire de la gauche de gouvernement, et compromet leur investiture aux prochaines législatives. "On comprend que certains aient la main qui tremble au moment de signer", a souligné Noël Mamère.

Appel à démission. "Je ne voterai pas de motion de censure contre mon propre gouvernement", a averti la députée Karine Berger sur France Culture. En revanche, l'élue est favorable à la démission de Manuel Valls. "L’utilisation du 49.3 à deux reprises témoigne du fait qu’il n’a plus la majorité de l’Assemblée avec lui et que, par conséquent, le Premier ministre ne pourrait pas rester. Il devrait démissionner."

Et maintenant ? Si aucune motion de censure n'est déposée dans les 24 heures, ou si celle qui est déposée n'est pas votée, le projet de loi Travail continuera son parcours législatif en repartant au Sénat. L'adoption définitive doit avoir lieu d'ici au 22 juillet à l'Assemblée.