Assemblée nationale Juillet 2022 1:19
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Solène Leroux avec AFP , modifié à
Le discours d'Élisabeth Borne mercredi devant l'Assemblée nationale n'a pas convaincu les oppositions, qui ont exprimé leur "défiance" et fustigé un discours creux. LFI dénonce le "sauve qui peut" de la Première ministre, pas de "compromission" pour LR, tandis que le RN qualifie la situation du gouvernement "hors contrôle".

C'était un moment attendu. Après la déclaration de politique générale d'Élisabeth Borne, mercredi devant l'Assemblée nationale, les présidents de chaque groupe parlementaire se sont exprimés au perchoir. La cheffe de file des députés LREM, Aurore Bergé, a notamment réclamé "moins de lois, mieux écrites, mieux négociées, mieux évaluées" notamment grâce à "une culture du compromis", en réponse à l'appel de la Première ministre aux oppositions de "bâtir ensemble" des "compromis" pour répondre aux défis économiques ou climatiques. La cheffe du gouvernement n'a pas convaincu les oppositions qui ont exprimé leur "défiance" et fustigé un discours creux.

Panot (LFI) dénonce le "sauve qui peut" de Borne

La présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, a reproché à Élisabeth Borne sa "stratégie" du "sauve qui peut" en l'absence de vote de confiance, et des "compromissions" de la majorité avec le RN. "Un vote de confiance s'imposait. Mais vous avez choisi la fuite (...) Votre stratégie désormais, c'est 'sauve qui peut'. Et vous êtes prêts à tout. Jamais aux compromis, mais à toutes les compromissions", a lancé la cheffe de file des 75 députés Insoumis. "Le mercredi 6 juillet restera comme ce jour où de nouveau vous avez piétiné le vote des Français", a affirmé Mathilde Panot.

En l'absence de vote de confiance, les quatre groupes de la coalition de gauche Nupes (LFI, PS, écologiste, communiste) ont déposé mercredi une motion de censure par "défiance" à l'égard du gouvernement. Ce texte ne pourra pas être examiné avant vendredi. Mathilde Panot a aussi reproché à la majorité un "forfait moral et politique" avec le Rassemblement national. "Des députés de vos rangs ont élu deux membres d'un parti fondé par des SS comme vice-présidents de l'Assemblée. Vous ne vous en êtes pas cachés : plutôt la peste brune que le contrôle fiscal", a-t-elle lancé.

Jean-Luc Mélenchon a pour sa part rejeté les mises en garde de la Première ministre sur BFMTV : "Le désordre, c'est elle, l'instabilité, c'est elle. C'est ce gouvernement qui est incapable de faire ce que n'importe quel gouvernement de droite ou gauche arrive à faire dans toute l'Europe, faire une coalition."

"Pendant des mois, on va voir LREM discuter avec LR pour grappiller des voix. L'instabilité, c'est bien elle qui l'organise", a-t-il insisté, soulignant : "Nous sommes tous pris en otage par le fait que LR et LREM n'arrivent pas à s'entendre" pour faire une coalition. "Non, nous n'allons pas bloquer, nous allons respecter le mandat pour lequel nous avons été élus, nous opposer", a ajouté l'ancien chef du groupe des députés LFI.

Ni "compromission" avec le gouvernement, ni "blocage stérile", dit Marleix (LR)

Le chef de file des députés LR Olivier Marleix a assuré de son côté que son groupe ne se livrerait à aucune "compromission" avec l'exécutif, mais ne provoquerait pas non plus de "blocage stérile" à l'Assemblée nationale. Olivier Marleix a déclaré ne pas vouloir de la "petite soupe" politicienne, tout en restant ouvert à un soutien sur certains textes. "Notre responsabilité est claire : ni compromission ni petits arrangements avec un président de la République dont nous contestons les orientations chancelantes depuis 2017", a-t-il dit à la tribune.

"Mais jamais de blocage stérile. Nous n'avons pas l'intention de tout paralyser alors que notre pays a déjà pris tant de retard", a-t-il ajouté dans la foulée. "Oui, nous sommes prêts à voter tous les textes qui iront dans le sens du sursaut national, celui du pouvoir d'achat par le travail, de la reconstruction de notre appareil industriel, de la sanction des délinquants, ou de l'accès de tous à la santé", a poursuivi le président du groupe LR, le troisième en nombre dans l'opposition avec une soixantaine de députés. À la proposition d'Élisabeth Borne de nationalisation d'EDF, Olivier Marleix a répondu "pourquoi pas, si ce n'est pas pour le démembrer".

Le responsable de droite a toutefois appelé Élisabeth Borne à "une franche rupture avec la politique du chien crevé au fil de l'eau" pour engager des réformes profondes, "sortir de l'illusion de l'argent magique" et avoir "le courage de réduire la dépense publique inefficace". Visant directement le président Emmanuel Macron, il a réclamé que cessent "l'arrogance solitaire et le mépris des corps intermédiaires". Mêlant accents gaulliens et formules chères au très droitier Éric Ciotti, il a souhaité que "notre nation retrouve son rang" et que "la France reste la France".

Le Pen (RN) : la situation du gouvernement "hors contrôle", le maintien de Borne une "provocation"

La présidente des députés RN Marine Le Pen a estimé que la situation du gouvernement était "hors contrôle" et le maintien d'Élisabeth Borne comme Première ministre une "provocation politique", aussitôt après sa déclaration de politique générale. "Le président fait comme s'il ne s'était rien passé" après les élections législatives, pourtant "c'est le retour du politique qui lui saute au visage, c'est un grand moment politique", a lancé la finaliste de la présidentielle depuis la tribune de l'Assemblée nationale.

"Sur les principes qui sont les nôtres, vous nous trouverez toujours fermes : selon l'attitude du gouvernement, résolus soit à nous opposer si les mesures vont dans le mauvais sens, soit à trouver des voies de passage dès lors qu'ils sont pris en compte", a répété Marine Le Pen alors que le camp macroniste ne dispose que d'une majorité relative. "Cela signifie la prise en considération de nos priorités, de nos motions et de nos amendements" et "il appartient donc au gouvernement de décider du blocage ou du fonctionnement institutionnel", a affirmé la députée du Pas-de-Calais, sous les protestations de la majorité.

"S'il choisit l'intransigeance, le raidissement ou l'irrespect envers nos électeurs, il en assumera devant le pays la responsabilité", a-t-elle prévenu, soulignant que "pour notre part, nous sommes prêts à toute éventualité". "La situation gouvernementale n'est pas sous contrôle mais, comme dans tant d'autres domaines, hors contrôle", a jugé la dirigeante du groupe de 89 députés. "Ce n'est pas vous faire injure, Mme Borne, que de dire que, compte tenu des circonstances électorales, votre nomination ne relève pas d'une décision de grande politique, mais d'un scénario devenu obsolète", a ajouté Marine Le Pen devant la Première ministre, considérant que sa confirmation relève "presque d'une incongruité institutionnelle" et "d'une provocation politique".

La responsable d'extrême droite s'en est prise également à Emmanuel Macron : "En chemise, manches retroussées, échevelé par l'action, il se met en scène en sauveur du monde, comme si l'exercice du pouvoir devait se réduire à une bande annonce Netflix, à la divulgation irresponsable de discussions diplomatiques, à quelques facéties immatures et dérisoires d'un pouvoir irrémédiablement narcissique." Et de l'accuser : "Le président n'a pas compris l'injonction nouvelle qui lui était faite de prendre du recul, de s'effacer devant la volonté du peuple et de n'avoir pour seul devoir que de la mettre en œuvre."