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Alexis Delafontaine avec AFP / Crédits photo : XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP , modifié à
Après des mois de rebondissements, le très controversé projet de loi immigration, emblématique des difficultés d'un gouvernement sans majorité absolu, arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée, mais il est immédiatement menacé par une motion de rejet qui pourrait interrompre son examen dès ce lundi.

À 16 heures, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui s'est fortement engagé sur le projet de loi immigration, marqueur du second quinquennat d'Emmanuel Macron, défendra ce texte visant, selon sa formule, à faciliter l'expulsion "de ceux qui se comportent mal" et l'intégration "de ceux qui se comportent bien". Mais dans la foulée, le projet de loi sera soumis à un premier crash test, le vote d'une motion de rejet préalable déposée par les écologistes.

Si gauche, droite et Rassemblement national (RN) faisaient bloc autour de cette motion, celle-ci pourrait être adoptée et interrompre d'emblée l'examen du projet de loi, et des plus de 2.600 amendements qui doivent être discutés sur deux semaines, week-end compris. La navette parlementaire devrait alors se poursuivre sur la base du texte du Sénat, nettement plus à droite que celui réécrit par les députés en commission.

Ce serait un coup de théâtre dont LR et le RN entendent entretenir le suspense, jusqu'à quasiment l'ouverture de la séance. "Il y a des arguments pour et des arguments contre. L'argument contre, c'est qu'évidemment nous souhaitons débattre parce que Gérald Darmanin dit tout et l'inverse. Le pour, c'est que nous sommes opposés frontalement à cette loi qui crée une nouvelle filière d'immigration" avec les régularisations facilitées de travailleurs dans des métiers en tension (restauration, BTP, etc), a résumé dimanche Marine Le Pen, forte d'un groupe de 88 députés.

"Il y a plus d'opposants que de majorité"

Pour le patron des LR Eric Ciotti, l'adoption de cette motion "aboutirait à débattre à nouveau sur le texte du Sénat", le "seul" qui "convient". Mais certains députés LR sont réticents, en particulier parmi les 17 signataires (sur 62) qui se disaient prêts fin novembre dans une tribune à discuter avec le gouvernement. "Arithmétiquement, il y a plus d'opposants que de majorité, puisqu'on a une majorité relative", a reconnu dimanche Gérald Darmanin. Mais "ce serait étonnant, sur un texte qui intéresse tout le monde, que les députés qui représentent les Français, ne veuillent pas discuter", a-t-il relativisé.

Trouver un compris avec les LR

Une manière de prendre l'opinion à témoin et de mettre la pression sur les LR. "Si les LR demain ne votent pas le texte, qui permet d'expulser 4.000 étrangers délinquants par an, que vont-ils dire à leurs électeurs ?", a lancé Gérald Darmanin qui appelle Eric Ciotti "à trouver un compromis sur un texte soutenu par 80% des Français". Gérald Darmanin, sur ce point en accord avec Elisabeth Borne, martèle ne pas vouloir recourir au 49.3, à la différence de la loi sur les retraites.

À cette fin, il entend "tendre la main" aux LR sur le délit de séjour irrégulier ou l'encadrement des régularisations. Il pourra s'appuyer au sein du camp présidentiel sur les députés du parti Horizons d'Edouard Philippe qui a proposé dimanche de limiter par "des quotas" les régularisations possibles. Mais cette main tendue d'un seul côté de l'échiquier risque d'irriter l'aile gauche de la macronie qui a aussi "ses lignes rouges", a rappelé dimanche dans les Echos son porte-voix, le président de la commission des Lois Sacha Houlié. "Il serait irresponsable d'aller au-delà de notre ADN politique (...) L'adoption du texte ne peut se faire au prix d'une division de la majorité", a-t-il prévenu, rappelant son opposition au délit de séjour irrégulier.

Un appel lancé à la gauche

Sacha Houlié a aussi lancé un appel à la gauche "qui n'a jamais obtenu autant d'avancées" sur les régularisations ou la fin de la présence des mineurs dans les lieux de rétention. Cela parait cependant exclu. Au contraire même, alors que la Nupes a implosé suite au refus de Jean-Luc Mélenchon de qualifier le Hamas de terroriste, députés LFI, communistes, socialistes et écologistes veulent montrer qu'ils peuvent se retrouver sur une "cause commune".