Grogne des agriculteurs : le gouvernement Attal promet des annonces

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avec AFP , modifié à
Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a indiqué qu'il n'y aurait "pas de levée des actions" menées par les agriculteurs en France pour exprimer leur désarroi, tant qu'il n'y aurait "pas de décisions concrètes" de l'exécutif, lundi à la sortie d'un entretien avec le Premier ministre Gabriel Attal.

Routes bloquées, appels médiatiques, bientôt des bâchages de radars : soutenus par une large part de la classe politique, les agriculteurs français ne désarment pas pour obtenir des "mesures concrètes" du gouvernement de Gabriel Attal qui a accueilli les syndicats majoritaires lundi soir pendant un peu plus de deux heures, sans annonces à la sortie.

"Pas de levée des actions"

Il n'y aura "pas de levée des actions" menées par les agriculteurs tant qu'il n'y aura "pas de décisions concrètes" de l'exécutif, a déclaré lundi à la sortie de cette rencontre le président de la FNSEA Arnaud Rousseau. "On attend du Premier ministre que dans la semaine, il puisse faire un certain nombre de déclarations qui fassent bouger les lignes sensiblement", a-t-il précisé. Gabriel Attal veut "aller vite", "dans la semaine" pour certaines annonces, a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, qui s'est exprimé après la FNSEA et le syndicat Jeunes agriculteurs au sortir de la réunion.

Le premier syndicat agricole français, la FNSEA, a remporté depuis plusieurs années de nombreux arbitrages auprès du gouvernement, comme sur les taxes sur l'eau ou les pesticides, mais la masse des agriculteurs continue de se plaindre de crouler sous les normes et de ne pas gagner assez bien sa vie. Parmi les multiples revendications entendues sur le terrain : des simplifications administratives, pas de nouvelle interdiction de pesticides, arrêter d'augmenter le prix du gazole pour les tracteurs, être indemnisé plus vite après des calamités ou encore la pleine application de la loi censée obliger les industriels et les grandes surfaces à mieux payer les agriculteurs. Gabriel Attal avait déjà promis samedi de "faciliter la vie" des agriculteurs en réduisant les "paperasseries".

Blocages routiers

Les blocages routiers ont commencé en Occitanie où, depuis jeudi soir, l'A64 entre Toulouse et Bayonne est coupée à la circulation au niveau de Carbonne (Haute-Garonne), à 45 km de Toulouse. Elle devrait le rester mardi. Depuis lundi, l'A62 est bloquée au niveau d'Agen dans les deux sens. Les agriculteurs ont aussi déversé des pneus sur les voies ferrées à l'entrée de la gare d'Agen, où la circulation est bloquée depuis 18h15 environ. Et le mouvement pourrait faire tâche d'huile : les Jeunes agriculteurs de l'Oise ont annoncé à l'AFP un blocage de l'autoroute A16 mardi en début d'après-midi au niveau de Beauvais.

Mais "aucune évacuation des blocages par les forces de l'ordre n'est prévue à ce stade car il n'y a pas de dégradations", a assuré le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. "On n'envoie pas les CRS sur des gens qui souffrent", a ajouté auprès de l'AFP l'entourage du ministre.

Crise des prix

Le gouvernement craint un embrasement car, des Pays-Bas à la Roumanie en passant par la Pologne ou l'Allemagne, les agriculteurs multiplient les actions contre les hausses des taxes et le "Pacte vert" européen. Le tout sur fond d'inflation et de concurrence des importations ukrainiennes et avant les élections européennes en juin. Selon une source policière, à ce stade "quelques centaines" d'agriculteurs sont mobilisés mais "s'il n'y a pas de réponse des autorités, il pourrait y avoir une radicalisation des actions". Cette source note que leur mouvement reste "populaire" dans l'opinion, d'autant qu'ils ne "font pas de faute", avec plutôt des "actions péages gratuits, neutralisation des radars automatiques".

Le gouvernement tente pourtant de ménager la profession depuis des années. En décembre, la Première ministre Elisabeth Borne avait ainsi annoncé à la FNSEA et aux JA l'abandon de hausses de taxes sur les pesticides et l'irrigation, au grand dam des associations environnementales et d'acteurs de l'eau. "Pour nous la vraie crise est autour du prix" des productions agricoles et "du revenu", a déclaré à l'AFP Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole français, classé à gauche. Elle l'impute aux "politiques mises en œuvre depuis des décennies, à l'ultralibéralisme", selon elle "mis en œuvre avec une connivence entre les gouvernements successifs et la FNSEA".

En Vendée, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a dit vouloir accélérer les constructions de réserves, qualifiées de "mégabassines" par leurs détracteurs écologistes. En visite au salon de l'agriculture allemand, le chancelier allemand Olaf Scholz a promis lundi aux agriculteurs de réduire la bureaucratie et "rendre la vie de ceux qui travaillent et vivent dans les fermes, plus facile". Des propos qui font écho à ceux de Gabriel Attal samedi. Un éleveur de veaux breton, Sébastien Sachet, a expliqué à l'AFP devoir passer "environ une heure chaque jour" à remplir et classer des documents purement administratifs.

"Retard à l'allumage"

Le porte-parole du Rassemblement national (RN) Sébastien Chenu a estimé lundi sur TF1 que le gouvernement accusait un "retard à l'allumage" face à des doléances anciennes. Droite comme gauche ont demandé à l'exécutif de renoncer à alourdir le coût du carburant des tracteurs.

Le ministère de l'Economie et la FNSEA se sont mis d'accord l'été dernier sur une réduction progressive de la niche fiscale sur le gazole non routier (GNR), en échange de compensations. Arnaud Rousseau avait précédemment défendu une "trajectoire supportable", négociée par le syndicat "en responsabilité".