Edouard Philippe, un (presque) inconnu à Matignon

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A 46 ans, Edouard Philippe n'est pas un novice en politique. Mais malgré son statut du député-maire du Havre, il n'est pas connu du grand public. © CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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Le nouveau Premier ministre est député-maire du Havre, membre des Républicains après des débuts au PS. Et il n’a jamais connu d’expérience gouvernementale.

Son nom revenait avec insistance depuis quelques jours. Edouard Philippe a été officiellement nommé Premier ministre, lundi à 14h53, et ce n’est, du coup, qu'une demi-surprise. Sauf que rarement, sinon jamais, un homme ne sera entré à Matignon en bénéficiant d’une notoriété aussi faible. Mais si Emmanuel Macron a fait ce choix, c’est qu’il cochait toutes les cases : de droite, mais pas trop ; plus âgé (46 ans contre 39), mais pas trop ; bon connaisseur des arcanes de la politique, mais pas assez connu pour faire de l’ombre au nouveau président de la République, officiellement investi dimanche. On vous en dit plus.

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  • Rocardien pendant ses études

Né en 1970 à Rouen de profs de français classés à gauche, Edouard Philippe milite deux ans au Parti socialiste pendant ses études à Science-Po Paris, en 1991-1992, pour soutenir Michel Rocard. "J'avais grandi dans un milieu plutôt à gauche où l'on votait socialiste, et il y avait chez lui un côté social-démocrate assumé qui m'allait bien", expliquait-il au Point après le décès de l’ancien Premier ministre en juillet 2016. Mais dans les années qui suivent, et notamment à l’ENA, dans la promotion Marc Bloch (1995-1997) il glisse vers le centre, sans sectarisme toutefois. "C'était un vrai centriste, drôle et sympathique, ami aussi bien avec des gens de gauche que de droite", assurait dans Challenges Julien Carmona, ancien camarade de promotion à l’ENA et actuel directeur général délégué de Nexity.

  • Dans le giron de Rufenacht et de Juppé

Pendant plusieurs années, il travaille au Conseil d’Etat. Il y développe une grande appétence pour le droit, mais la politique le titille. La rencontre avec Antoine Rufenacht, le maire du Havre, en 2001, fait office de tournant dans sa vie. Les deux hommes s’entendent immédiatement, et après les municipales de 2001, il devient maire adjoint du Havre, chargé des affaires juridiques. Par l’entregent de ce fidèle chiraquien, il rencontre Alain Juppé, qui lui propose de participer à la création, en 2002, de l’UMP, alors Union pour une majorité présidentielle, un grand parti de droite et du centre pour soutenir Jacques Chirac.

Sous la présidence du maire de Bordeaux, il devient Directeur général des services de l’UMP, poste opérationnel stratégique qu’il quitte en même temps que son nouveau mentor. A l’entendre, cette expérience aura été enrichissante mais mouvementée. "Deux ans et demi de stress, de coups bas et de fortes turbulences. Ce fut également une expérience très enrichissante sur le métier", confiait-il au Point en décembre 2010.

  • Bref passage dans le privé puis maire du Havre

Haut fonctionnaire et homme politique, Edouard Philippe veut goûter au privé sans quitter la vie publique. Il devient ainsi en 2004 avocat au sein du cabinet Debevoise et Plimpton LLP et la même année conseiller régional de Haute-Normandie. En 2007, il rejoint le groupe Areva en tant que directeur des affaires publiques. Le tout sans quitter la politique, puisqu’en 2002, il est élu conseiller général de Seine-Maritime. Il délaisse définitivement sa carrière privée en 2010, quand il est élu par le conseil municipal maire du Havre après la démission d’Antoine Rufenacht. A 39 ans, l’âge qu’a Emmanuel Macron aujourd’hui.

  • Député et juppéiste

En 2012, il poursuit son ascension politique en entrant à l’Assemblée nationale, élu député dans la septième circonscription de Seine-Maritime. Deux ans après, ce père de trois enfants, très discret sur sa vie privée, est réélu maire du Havre lors des municipales de 2012, dès le premier tour, avec 52,04% des voix. Mais Edouard Philippe reste largement méconnu. Ce n’est qu’à l’occasion de la primaire de la droite qu’il rencontre un peu de notoriété. Il est en effet le porte-parole du favori Alain Juppé. Mais ce dernier est balayé par François Fillon, candidat d’une ligne dure. Il profite des déboires judiciaires de l’ancien Premier ministre pour prendre du champ et se recentrer sur sa ville. Une discrétion qui lui permet de rester un candidat crédible à  Matignon parmi les personnalités de droite. Et lui vaut finalement d’être choisi par Emmanuel Macron.

  • Féru de lettres et… écrivain

Avec le président de la République, il partage plusieurs points communs. Celui d’être énarque bien sûr. Celui, aussi, d’être pro-européen et d’obédience libérale sur le plan économique. Par ailleurs, alors que l'un a été élu président sans avoir connu de mandat électif auparavant, l'autre est Premier ministre sans jamais avoir été ministre.

Enfin, les deux hommes, qui forment désormais le tandem exécutif, sont férus de littérature. La nouveau Premier ministre a même écrit deux romans, à quatre mains avec Gilles Boyer, autre soutien indéfectible d’Alain Juppé : L’Heure de vérité, sorti en 2007 et Dans l’ombre, publié en 2011. Un titre qui lui colla longtemps à la peau. Mais qui n’est plus d’actualité, tant Edouard Philippe est désormais entré dans la lumière.