Covid-19 : pourquoi l'exécutif refuse de reporter l'élection présidentielle

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Nicolas Beytout , modifié à
Face à la propagation du variant Omicron, le gouvernement a écarté mercredi tout report de l'élection présidentielle de 2022, conformément à ce que souhaite le président Emmanuel Macron selon le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Pour l'éditorialiste Nicolas Beytout, cette décision reste très délicate politiquement.
EDITO

Un sujet politique très délicat pour Emmanuel Macron. Malgré la propagation du Covid-19, renforcée par le variant Omicron, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a exclu mercredi en sortie de conseil des ministres un report de l'élection présidentielle de 2022. L'éditorialiste Nicolas Beytout souligne la difficulté pour l'exécutif de prendre la décision de repousser une telle élection en France.

Une épidémie qui a déjà bouleversé des échéances électorales

Le président est donc intervenu lors du conseil des ministres mercredi pour écarter un report. Une déclaration faite dans un cadre solennel pour tenter de tordre le cou à une rumeur qui enflait depuis trois jours. La raison, c’est évidemment la montée en puissance très rapide de la cinquième, ou de la sixième vague, on ne sait plus trop, du Covid-19.

A deux reprises déjà, cette épidémie avait bousculé un rendez-vous électoral en France : la première fois, c’était en 2020 pour les municipales. Le premier tour s’était déroulé dans des conditions surréalistes de quasi-confinement, et le second tour avait été repoussé de plusieurs mois. Un scénario qui s’est répété à l’occasion des élections régionales, qui devaient se tenir en mars dernier mais qui ont été décalées à deux reprises, mi-juin puis fin-juin.

Une discussion sur les "modalités de scrutin"

Alors pourquoi pas cette fois pour la présidentielle, si les conditions sanitaires ne sont pas davantage remplies ? Cette hypothèse a pris de la consistance lorsque le journal Le Parisien a révélé que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui est en charge de l’organisation des élections, avait sollicité le Conseil constitutionnel pour, dit-on dans son entourage, "discuter des modalités de scrutin dans le contexte sanitaire". Tiens, les modalités de scrutin ?

C’est donc qu’il y a un projet caché, en ont immédiatement conclu quelques esprits affûtés et soupçonneux. Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, avait eu beau démentir, à deux reprises en des termes sans équivoque, la rumeur était là. Il a donc fallu l’intervention du chef de l’Etat pour y mettre fin et tuer dans l’œuf tout ce qui pourrait laisser penser que le gouvernement fuirait le débat politique et la campagne.

La complexe révision de la Constitution

Mais, en l'état actuel du droit, juridiquement, cela ne semble pas être une possibilité. La Constitution prévoit trois cas de report total ou partiel de l’élection présidentielle, mais à chaque fois, c’est lié à une indisponibilité ou à la disparition d’un candidat. Cela veut dire que pour le contourner, il faudrait réviser en extrême urgence la Constitution, autant dire que ce serait tout un barnum. Et surtout, cela deviendrait instantanément un énorme sujet de polémique politique.

Les candidats qui sont déjà lancés dans leur campagne verraient leurs plannings bouleversés, et celui qui ne s’est pas encore déclaré - Emmanuel Macron - aurait tout le bénéfice de celui qui contrôle la situation et reste au pouvoir au-delà de la fin de son mandat. Parce que, bien sûr, prolonger le mandat d’un maire ou d’un conseiller régional, comme on l’a fait ces 2 dernières années, ça n’a pas la même portée que de laisser un chef de l’Etat en place. Ce serait un énorme défi démocratique.

La France aussi démunie que pour les élections municipales

Si la France était complètement hors d'état de voter, par exemple avec un confinement ou d'autres restrictions sanitaires, ce serait aussi un problème politique. Le pays est aujourd’hui aussi démuni qu’il l’était pour les municipales et les régionales. Rien n’a été fait pour envisager cette hypothèse, et à part quelques essais à l’occasion du vote des Français de l’étranger, rien de consistant n’a été fait pour étudier des solutions alternatives.

Elles existent pourtant, et sont pour la plupart appliquées dans des grands pays démocratiques. Je pense au vote par anticipation, au vote par correspondance, ou au vote par internet. Pour le moment, la France a toujours repoussé l’examen sérieux de ces pistes, en considérant que la technologie présentait trop de risques. Voilà donc un pays dans lequel un nombre incalculable de citoyens gèrent leur compte en banque, payent leurs impôts, font une partie de leurs démarches par Internet, mais qui seraient incapables de voter pour tel ou tel ?

Tout le monde n’a pas Internet, explique-t-on. C'est vrai, alors le vote par correspondance peut éviter les files d’attente devant les bureaux de vote. La réalité, c’est que pour ce sujet comme pour tout ce qui relève de la réforme des institutions, Emmanuel Macron n’a pas concrétisé ses promesses. Il ne s’est rien passé dans ce domaine de tout le quinquennat. Et le Covid risque de nous le faire payer.