Ce que l’attitude de Le Pen et de Macron a révélé d’eux pendant le débat

Marine Le Pen Emmanuel Macron
Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont débattu pendant 2h30 mercredi soir. © STRINGER / AFP
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Pour les spécialistes de l'analyse de la gestuelle et de la communication politique, le candidat d'En Marche! a commencé par être dominé avant de prendre l'avantage sur Marine Le Pen.
ON DÉCRYPTE

Quelques gestes en disent-ils autant que mille mots ? Pour Europe1.fr, Stephen Bunard, conférencier et synergologue, et Arnaud Mercier, spécialiste de communication politique et professeur à l'université Paris 2 Panthéon-Assas, analysent les sourires, les mimiques et les mouvements de tête d'Emmanuel Macron et Marine Le Pen pendant le débat d'entre-deux tours. Avec un constat : le premier a fini par se tailler un costume de présidentiable. Quand la seconde s'est posée en élément perturbateur.

Acte 1 : Marine Le Pen "dominante" face à Emmanuel Macron "petit garçon"

Tirée au sort pour commencer le débat, Marine Le Pen a tapé fort très vite, abattant en quelques minutes à peu près toutes ses cartes contre Emmanuel Macron (traité de banquier complaisant avec l'islamisme piloté par François Hollande pour organiser l'uberisation de la société). Avec une gestuelle clairement "dominante", note Stephen Bunard. "Elle avait les coudes sur la table, un plissement des yeux, ce qui est un signe de séduction." Le spécialiste a également noté son "corps penché vers la droite" et ses "mains jointes", geste qui traduit la volonté de "rassembler son énergie pour mieux convaincre".

MLP+sourire

À l'inverse, "Emmanuel Macron a adopté une position basse, avec des moues d'agacement et beaucoup d'auto-contact [il se touche le visage], ce qui accentuait le côté petit élève". Arnaud Mercier, de son côté, a noté un point commun aux deux débatteurs : leur utilisation répétée de l'ironie. "Normalement, ce procédé est utilisé de temps en temps, à titre ponctuel, pour déstabiliser l'autre", explique le spécialiste en communication politique. "Là, c'était un débat entre deux ironistes. L'un et l'autre en ont joué pour éviter de paraître colérique."

Acte 2 : Emmanuel Macron inverse la tendance

Pour Stephen Bunard, Emmanuel Macron, paradoxalement en difficulté sur ses sujets de prédilection que sont l'économie et l'emploi, a repris le dessus lorsqu'ont été abordées les thématiques sécuritaires. "On l'a alors beaucoup plus vu avec des sourcils levés, ce qui montre la volonté de convaincre. Il avait, à son tour, les mains jointes." Mais ses "hochements de tête et ses mimiques" traduisaient néanmoins, selon Arnaud Mercier, un certain "mépris". "Emmanuel Macron avait une posture un peu arrogante, avec parfois un complexe de supériorité visible."

À l'inverse, Marine Le Pen a perdu du terrain au fur et à mesure. "Cela se voyait à sa rigidité, sa façon de se frotter les mains, comme si elle était constamment en train de se justifier", analyse Stephen Bunard. Qui a également aperçu un "retrait labial" révélateur dès que la candidate frontiste s'en prenait à son adversaire, "comme si elle hésitait sur les effets de ses propres attaques".

Acte 3 : Emmanuel Macron remporte le match

La dernière partie du débat, lorsqu'ont été abordées les questions internationales et européennes, a permis à Emmanuel Macron de prendre définitivement l'ascendant sur Marine Le Pen. "On l'a même vue se gratter la tête ou jouer avec son stylo", note Stephen Bunard, qui a également relevé que la candidate frontiste, main devant la bouche, semblait se préparer aux attaques d'Emmanuel Macron.  Arnaud Mercier, lui, pointe sa tendance à dire, à plusieurs reprises, qu'elle "attendait de voir" ce que pourraient bien donner les propositions du fondateur d'En Marche!. "Autrement dit, elle était déjà dans la reconnaissance de sa propre défaite", analyse-t-il. "Elle ne se projetait pas. Finalement, elle était dans la droite ligne de son père : plus un élément perturbateur du système qu'une réelle alternative."

Macron

"Emmanuel Macron, lui, plissait les yeux et bougeait beaucoup les épaules pour montrer qu'il était à la hauteur, un peu comme Nicolas Sarkozy", estime Stephen Bunard. Et il ne faut pas voir là une tentative d'imiter l'ancien président de droite. "Cette tête qui dodeline pour montrer l'adaptabilité, ces gestes élevées pour attirer l'attention, cette posture de pouvoir, mains écartées sur la table, on les retrouve chez tous les présidentiables."