Assurance chômage pour les démissionnaires : que reste-t-il de la promesse d’Emmanuel Macron ?

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Pendant la campagne présidentielle, le candidat d'En Marche! voulait faire de l'assurance chômage "une protection universelle". © PHILIPPE WOJAZER / AFP
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Romain David
L’Assemblée nationale a débuté lundi l’examen du second volet de la réforme du Travail, qui prévoit notamment d’élargir le droit à l’assurance chômage à certains salariés démissionnaires.

"Nous ouvrirons les droits à l'assurance-chômage aux salariés qui démissionnent". La promesse, inscrite noir sur blanc dans le programme du candidat Macron, avait fait grand bruit pendant la campagne présidentielle. "Tous les cinq ans, chacun y aura le droit", précisait encore le programme, en écho aux déclarations du fondateur d’En Marche!, qui lors d’un meeting à Lille le 14 janvier 2017 avait insisté sur la nécessité de faire de la protection contre le chômage, "une protection universelle, étendue à ceux qui n’y ont pas le droit aujourd’hui". Un peu plus d’an plus tard, cet engagement est sur le point de trouver sa transcription législative. Murielle Pénicaud, la ministre du Travail, a ouvert lundi le débat à l’Assemblée nationale sur son projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel". Ce texte de 66 articles, flanqué de plusieurs milliers d'amendements, entend aussi, outre la réforme de l’assurance chômage, s’attaquer à la transformation du système de la formation professionnelle.

Une universalité… très conditionnée. L’article 27 prévoit donc la mise en place d’un droit à l’assurance chômage pour certains démissionnaires, à faire valoir après cinq ans d’emploi ininterrompu. Il stipule que le salarié qui quitte volontairement son emploi et souhaite toucher l’assurance chômage devra avoir un projet de "reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’une entreprise". Le caractère "réel et sérieux" de cette reconversion devra être reconnu par une commission regroupant des représentants des organisations syndicales et des employeurs. Aucune précision toutefois quant aux critères qui seront retenus par ces commissions. Néanmoins, l’accord préalable conclu début mars par les partenaires sociaux évoquait un projet qui réponde "aux besoins du marché du travail".  

Enfin, à l’issue de la démission du salarié, et dans les six mois suivant l’ouverture du droit à l’allocation d’assurance, un contrôle de Pôle emploi sanctionnera le maintien de cette dernière. Le cas échéant, le démissionnaire bénéficiera d’une assurance d’un montant et d’une durée équivalente à celle des bénéficiaires de droit commun.

 

Un dispositif trop coûteux. Le projet de loi semble donc avoir quelque peu passé au rabot la portée universelle de la promesse d’Emmanuel Macron, puisque les différentes restrictions apportées par le texte présenté lundi au Palais Bourbon aboutissent à un dispositif qui ne concernera plus que "20.000 à 30.000 personnes", de l’aveu même de Muriel Pénicaud au Parisien. Loin donc du million de salariés français qui ont démissionné en 2016, selon un pointage réalisé par l’Unédic. Cette ambition sérieusement revue à la baisse s'explique aussi par le coût que pouvait engendrer une telle mesure : si le candidat Macron avait chiffré sa proposition à un peu plus d’un milliard, les calculs du ministère du Travail sont montés jusqu’à 14 milliards pour la première année, selon une information des Echos. Or, les partenaires sociaux se sont accordés sur un plafond de 180 millions par an.

Alors qu'une partie de la gauche a dénoncé un rétropédalage, Pascal Pavageau, le nouveau leader de FO, a taclé auprès du Monde "une réformette". "C’est un sujet important mais le cœur du sujet, c’est la bataille des compétences", a tenté d’évacuer la ministre du Travail lundi matin sur BFM Business, mettent en avant le volet formation du texte, quand Aurélien Tâché, le député LRM du Val-d’Oise, et rapporteur du volet chômage, reconnaît auprès du Figaro qu’il s’agit bien d'"une question de fond", susceptible de nourrir les débats dans l’hémicycle.

Faire valoir une dimension sociale. D'autant plus que huit mois après la signature des ordonnances réformant le code du Travail, l’exécutif présente ce projet de loi comme le volet protection de sa réforme du Travail, destiné cette fois à sécuriser les parcours professionnels après avoir "libéré" les entreprises. L’enjeu pour le gouvernement est donc de faire valoir la portée sociale de son texte à l’heure où de nombreuses voix, jusqu’au sein des marcheurs de la première heure, demandent à Emmanuel Macron de muscler sa jambe gauche. "Il est vrai que la mesure sur l’assurance-chômage est plus limitée que prévu, mais on y tient et on souhaite la rendre plus performante avec le temps", promet au Monde une source gouvernementale.