Taïwan : qui est Lai Ching-te, élu président et vu comme un «grand danger» par la Chine ?

Lai Ching-te
Lai Ching-te prendra ses fonctions à partir du 20 mai prochain. © ANNABELLE CHIH / GETTY IMAGES ASIAPAC / GETTY IMAGES VIA AFP
  • Copié
avec AFP / Crédit photo : ANNABELLE CHIH / GETTY IMAGES ASIAPAC / GETTY IMAGES VIA AFP
Ce samedi, Lai Ching-te, candidat du Parti démocrate progressiste (DPP), a été élu président de Taïwan avec 40,1% des voix. Vice-président depuis quatre ans, ce fils de mineur, âgé de 64 ans, a étudié à Harvard aux États-Unis et a d'abord été médecin à l'hôpital de Tainan, dans le sud-ouest de l'île. Portrait.

Il s'est décrit, par le passé, comme un "artisan pragmatique de l'indépendance de Taïwan", mais a depuis adouci son discours : Lai Ching-te, élu samedi président de l'île, est considéré comme un "grave danger" par Pékin, qui revendique la souveraineté du territoire. "Nous disons à la communauté internationale qu'entre la démocratie et l'autoritarisme, nous serons du côté de la démocratie", a-t-il clamé samedi soir après l'annonce de son élection, devant la foule de ses partisans. Il a toutefois promis de "poursuivre les échanges et la coopération avec la Chine".

Fils de mineur

Vice-président depuis quatre ans, ce fils de mineur, âgé de 64 ans, a étudié à Harvard aux États-Unis et a d'abord été médecin à l'hôpital de Tainan, dans le sud-ouest de l'île. D'origine modeste, à l'inverse de la majorité de la classe politique taïwanaise, il a été élevé par sa mère après le décès de son père quand il était enfant. Décrit comme pugnace et combatif, Lai Ching-te, qui se fait aussi appeler William Lai, se décide à entrer en politique en 1996, quand Pékin effectue des tirs d'essai de missiles autour de Taïwan au moment de la première élection présidentielle démocratique.

"J'ai décidé qu'il était de mon devoir de participer à la démocratie taïwanaise et d'aider à protéger cette expérience naissante de ceux qui lui voulaient du mal", avait-il témoigné l'an passé dans le Wall Street Journal. D'abord député puis maire de Tainan, il devient ensuite Premier ministre en 2017, pour le Parti démocrate progressiste (DPP). Pékin l'a qualifié, lui et sa colistière Hsiao Bi-khim, ancienne représentante de Taipei à Washington, de "dangereux duo pro-indépendance".

"Volonté de continuité"

Déjà, depuis l'élection de la présidente sortante DDP, Tsai Ing-wen, en 2016, la Chine a coupé toute communication de haut niveau avec Taïwan, qu'elle considère comme une de ses provinces. Et elle a fait monter la pression diplomatique et militaire à l'approche du scrutin. Lors de la campagne, Lai Ching-te a affirmé que l'élection était un choix entre "démocratie et autocratie", et a promis un soutien "inébranlable" au maintien du statu quo dans le détroit de Taïwan. Il a aussi dénoncé "le principe chinois d'une seule Chine", car "la paix sans la souveraineté, c'est juste comme Hong Kong", ancienne colonie britannique où Pékin a réduit les libertés démocratiques.

Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie à l'Institut Montaigne, note chez lui "l'affichage très fort d'une volonté de continuité après Tsai Ing-wen", avec "une position assez mesurée, en promettant (qu'il n'y aurait) aucune mauvaise surprise". "Il veut rassurer avant tout". "Mais il y a des doutes très forts du côté de la Chine sur ses convictions profondes, elle le voit comme pro-indépendance". Pékin a d'ailleurs qualifié cette semaine Lai Ching-te de "grave danger" pour les relations entre la Chine et Taïwan. "S'il arrive au pouvoir, il continuera à promouvoir les activités séparatistes liées à l'indépendance de Taïwan", a affirmé un porte-parole du bureau chinois responsable des relations avec l'île, Chen Binhua.

"Féroce"

"Sur la question de l'indépendance, Tsai Ing-wen a eu une tactique beaucoup plus subtile politiquement, sans revendiquer, même à long terme, l'indépendance, mais plutôt en s'affirmant comme dès aujourd'hui indépendant", note Marc Julienne, responsable des activités Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Cela a aussi été la position adoptée par Lai Ching-te durant la campagne. "La question est de savoir à quel point Lai Ching-te peut maintenir la voie prudente et modérée tracée par Tsai Ing-wen", s'interroge Amanda Hsiao, du centre de réflexion International Crisis Group.

Pour Sarah Liu, chercheuse à l'université d'Edimbourg, Lai Ching-te poursuivra la recherche d'une "moindre dépendance économique envers la Chine". "En renforçant sa position internationale, Taïwan gagnera davantage d'alliés pour consolider sa démocratie", estime-t-elle. Espérant séduire les jeunes électeurs, dont beaucoup sont déçus après huit ans de pouvoir du DPP, Lai Ching-te a promis d'augmenter les salaires, de réduire les impôts et de créer davantage de logements sociaux. 

Dans un spot de campagne, Tsai Ing-wen a fait référence à sa pugnacité. "Vous êtes beaucoup plus féroce que moi... vous vous levez et vous vous battez avec les autres", lui dit-elle dans cette publicité au montage soigné, où on les voit tous les deux dans une voiture. "Je l'ai fait pour la sécurité de mon pays... parce que la protection de la démocratie taïwanaise c'est le plus important", lui répond M. Lai, avant que la présidente sortante ne lui remette le volant. Lai Ching-te est marié et père de deux enfants.