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Maréva Laville avec AFP / Crédit photo : PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP
Les nouveaux députés élus lors des élections de juillet en Espagne donnent jeudi le coup d'envoi d'une session parlementaire qui s'annonce rude et indécise, sept députés indépendantistes catalans, dont la position sera décisive, gardant toujours le secret sur leur vote.

Jour J pour l'Espagne. Sera-t-elle à gauche ou à droite ? Lors des élections législatives, on pensait que la droite l'emporterait. Mais c'est finalement une égalité entre les deux bords qui gagne les bancs du Parlement. Alors au moment d'élire le nouveau président ou la nouvelle présidente de l'assemblée, première étape avant l'investiture du Premier ministre, le pays est dans l'expectative. Ironie de l'histoire, c'est de la Catalogne dont il dépend. 

Première manche d'une bataille

La première tâche des 350 membres du Congrès des députés, qui se retrouveront à 10 heures (08H00 GMT), sera d'élire le nouveau président ou la nouvelle présidente de l'assemblée. 

Le vote est très attendu, non pas parce qu'il s'agit du troisième personnage de l'État, mais parce que son résultat donnera une indication claire sur la possibilité du Premier ministre sortant, le socialiste Pedro Sánchez, d'être reconduit dans ses fonctions lors d'un vote d'investiture qui pourrait avoir lieu fin août ou début septembre.

Le vote de ce jeudi est donc la première manche d'une bataille dont l'issue est, à ce stade, imprévisible, car elle dépend de ce que décidera le parti indépendantiste catalan Junts per Catalunya (JxCat, Ensemble pour la Catalogne). Ou plus exactement son leader Carles Puigdemont, exilé en Belgique et recherché par la justice espagnole depuis 2017 et l'échec d'une tentative de sécession de la Catalogne.

Dans les rues de Barcelone, l'inconnue et l'impatience se font sentir. "Les conversations sont incroyables et je pense que réellement, on ne peut pas savoir quelle sera la décision. Moi, je pense qu'ils arriveront à un accord", "Honnêtement, je ne sais pas du tout ce que vont faire les indépendantistes. En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il va négocier le plus possible. On verra bien", témoignent ces Espagnols au micro d'Europe 1. 

Ce paradoxe découle des résultats renversants des élections législatives du 23 juillet, qui ont vu une victoire beaucoup moins large que prévu du Parti populaire (PP, droite) d'Alberto Núñez Feijóo, les deux blocs, celui du gouvernement sortant de gauche et celui de la droite et de l'extrême-droite, semblant pouvoir compter sur 171 voix chacun.

Une situation inattendue

Cette situation inattendue a donné le rôle central à JxCat, qui a le pouvoir de décider si Pedro Sánchez continuera à diriger l'Espagne ou, dans le cas contraire, si le pays devra organiser de nouvelles élections dans les prochains mois. Les tractations ont continué mercredi, dans le plus grand secret, pour convaincre ces sept députés indépendantistes catalans de voter pour la candidate socialiste à la présidence de l'assemblée.

Qu'un parti indépendantiste, qui considère l'Espagne comme un État étranger et "oppresseur", soit amené à décider de son sort n'est pas pour déplaire à Carles Puigdemont, qui veut voir si la situation peut lui permettre de faire avancer sa cause. Ses deux revendications fondamentales -- un référendum d'autodétermination et une amnistie pour toutes les personnes poursuivies après l'échec de la tentative de sécession -- ne peuvent être satisfaites telles quelles par Pedro Sánchez, pour des raisons à la fois juridiques et politiques.

Mercredi, Carles Puigdemont a durci le ton en rappelant sur le réseau X (anciennement Twitter) qu'il n'avait "aucune confiance dans les partis politiques espagnols" et en affirmant qu'il ne pouvait y avoir d'accord "sur la base de promesses formulées par des personnes qui ne les tiennent jamais". "Par conséquent, des faits vérifiables sont nécessaires avant de s'engager sur un quelconque vote", a-t-il lancé.

Faire des langues régionales des langues de travail au Congrès et au Sénat

Pour Pedro Sánchez, la barre est donc très haute. En public, la gauche s'est contentée, jusqu'à présent, de petits gestes et d'appels du pied à l'égard de Junts. Le Premier ministre sortant a continué dans cette voie mercredi en s'engageant à utiliser la présidence tournante du Conseil de l'UE, que l'Espagne occupe jusqu'à la fin de l'année, pour tenter d'obtenir que le basque, le catalan et le galicien soient utilisés dans les institutions européennes au même titre que l'espagnol.

La ministre sortante du Travail, Yolanda Díaz, qui dirige Sumar, la coalition de gauche radicale alliée à Pedro Sánchez, avait déjà proposé récemment de faire de ces langues régionales des langues de travail au Congrès des députés et au Sénat.

Le choix de la candidate du Parti socialiste à la présidence du Congrès constitue lui aussi une main tendue aux indépendantistes catalans, puisqu'il s'agit de Francina Armengol, ancienne présidente de l'archipel des Baléares, une région culturellement proche de la Catalogne, et qui parle couramment le catalan. Ces gestes restent toutefois très éloignés de ce que réclame Carles Puigdemont.