Donbass 2:39
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avec AFP , modifié à
Au 93e jour de la guerre en Ukraine, les forces russes intensifient leur offensive dans le Donbass, semblant près d'achever l'encerclement d'une importante agglomération de cette région de l'est du pays tandis que les forces séparatistes prorusses revendiquaient la prise de la localité-clé de Lyman.
L'ESSENTIEL

Alors que les bombardements se sont intensifiés dans certaines zones, les forces russes progressent dans l'est de l'Ukraine. Sur son compte Telegram, l'état-major de la défense territoriale de l'autoproclamée "république" séparatiste prorusse de Donetsk a indiqué avoir "pris le contrôle complet" de Lyman avec "l'appui" des forces armées russes. Ni l'armée russe ni l'armée ukrainienne n'ont immédiatement commenté cette information, que l'AFP n'a pu vérifier de source indépendante.

Les principales informations :

  • Les séparatistes prorusses revendiquent la prise de Lyman
  • Au moins cinq morts près de Severodonetsk
  • Les forces russes frappent Dnipro et Kharkiv
  • Un pont ferroviaire est mis en place par l'Allemagne pour "surmonter la crise alimentaire"

Les séparatistes prorusses revendiquent la prise de Lyman

Après leur offensive infructueuse sur Kiev et Kharkiv au début de la guerre, lancée par la Russie le 24 février, les forces de Moscou concentrent leurs forces dans l'est de l'Ukraine, avec l'objectif affiché de prendre le contrôle total du bassin minier du Donbass, que des séparatistes prorusses contrôlent partiellement depuis 2014.

La prise de Lyman leur ouvrirait la route vers les centres régionaux de Sloviansk, puis Kramatorsk, tout en leur permettant de s'approcher d'un encerclement total de l'agglomération formée par les villes de Severodonetsk et Lyssytchansk, plus à l'est.

Au moins cinq civils tués près de Severodonetsk

Les forces russes continuent parallèlement à pilonner Severodonetsk, dont les autorités ukrainiennes ont averti qu'elle pourrait connaître le même sort que Marioupol, grand port du sud-est dévasté par des semaines de siège. Au moins cinq civils ont été tués en 24 heures dans la région : quatre à Severodonetsk et un autre à Komychouvakha, à 50 kilomètres de là, a indiqué vendredi le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï.

"Les habitants de Severodonetsk ont oublié ce que c'est qu'un cessez-le-feu d'au moins une demi-heure", a-t-il écrit sur Telegram. "Les Russes pilonnent sans cesse les quartiers résidentiels". La dernière vraie route permettant de quitter l'agglomération depuis Lyssytchansk est devenue ces derniers jours un champ de bataille, rendant quasi-impossible la sortie des habitants, a constaté l'AFP.

Le manque de cessez-le-feu prive les habitants de ravitaillement

Pour rejoindre le reste de l'Ukraine depuis ces deux villes ou chercher du ravitaillement, il ne reste plus qu'une route de campagne poussiéreuse, que même des chars ou des camions militaires équipés de pneus géants peinent à naviguer.

"Les gens sont prêts à prendre tous les risques pour de l'eau et de la nourriture", a indiqué à l'AFP Oleksandr Kozyr, responsable du principal centre de distribution d'aide de Lyssytchansk. "Ils sont si déprimés qu'ils n'ont plus peur. Tout ce qu'ils veulent, c'est trouver à manger".

"Nous pensons que les forces russes ont pu s'emparer de la majeure partie du nord-est de Severodonetsk, même si des combats sont toujours en cours", a indiqué à Washington un haut-responsable du Pentagone.

Un "génocide" a lieu dans le Donbass selon Zelensky

Le président ukrainien a accusé jeudi soir Moscou de mener un "génocide" dans le Donbass. "L'actuelle offensive des occupants dans le Donbass pourrait vider la région de ses habitants", a affirmé Volodymyr Zelensky dans son message vidéo quotidien, accusant les Russes de chercher à "réduire en cendres" Severodonetsk et d'autres villes de cette vieille région minière. Les forces russes y procèdent à des "déportations" et des "tueries de masse de civils", a-t-il poursuivi.

En avril, le Parlement ukrainien avait déjà adopté une résolution qualifiant de "génocide" les agissements de l'armée russe, et avait exhorté tous les pays étrangers et organisations internationales à faire de même. Le président américain Joe Biden a lui-même employé cette expression, tandis que son homologue français Emmanuel Macron s'y refuse.

De son côté, Moscou a justifié son invasion de l'Ukraine lancée le 24 février par un "génocide" que mèneraient les Ukrainiens contre la population russophone du Donbass.

Un schisme orthodoxe

Vendredi soir, la branche moscovite de l'Église orthodoxe ukrainienne a rompu ses liens avec la Russie à cause de la position du patriarche moscovite Kirill, qui soutient Vladimir Poutine. À l'issue d'un concile, consacré à "l'agression" russe, a été prononcée "la pleine indépendance et l'autonomie de l'Église orthodoxe ukrainienne", selon un communiqué, qui précise que les relations de l'Église ukrainienne avec sa direction moscovite étaient "compliquées ou inexistantes" depuis le début du conflit.

 

Quant à Kirill, "non seulement il n'a pas condamné l'agression militaire de la Russie, mais il n'a pas non plus trouvé de mots pour le peuple ukrainien qui souffre", s'est indigné un porte-parole. Cette initiative est le second schisme orthodoxe en Ukraine en quelques années. Une partie de l'Église ukrainienne, représentée par le patriarcat de Kiev, avait déjà rompu avec Moscou en 2019 à cause de l'ingérence du Kremlin dans le pays.

Sur son compte Telegram, le porte-parole de l'Église orthodoxe russe, Vladimir Legoïda, a indiqué: "Étant donné que l'Église orthodoxe russe n'a pas reçu d'adresse de l'Église orthodoxe ukrainienne, nous ne pouvons réagir". L'Ukraine est centrale pour l'Église orthodoxe russe, dont certains des monastères les plus importants sont situés dans ce pays.

Des frappes sur Dnipro et Kharkiv

Mais la guerre se poursuit aussi dans le reste de l'Ukraine. Des missiles russes ont visé vendredi une installation militaire de la grande ville de Dnipro, dans le centre-est de l'Ukraine sur le fleuve Dniepr, selon les autorités locales. "On déplore une dizaine de morts et entre 30 et 35 blessés", a déclaré à une chaîne locale Guennadi Korban, responsable de la défense de la ville, laissant entendre que les victimes étaient toutes militaires.

À Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine située à 50 km de la frontière russe dans l'est du pays, les sirènes d'alerte aérienne ont à nouveau retenti vendredi à l'aube. Des bombardements la veille ont fait neuf morts et 19 blessés, tous des civils, selon le président ukrainien, alors que la ville tentait depuis la mi-mai de revenir à la normale.

Les autorités ukrainiennes demandent plus d'armes aux Occidentaux

Dans ce contexte, les autorités ukrainiennes ont à nouveau réclamé aux Occidentaux davantage d'armes vendredi : "Certains partenaires évitent de donner les armes nécessaires par peur de l'escalade. Escalade, vraiment ? La Russie utilise déjà les armes non nucléaires les plus lourdes, brûlent les gens vivants. Peut-être qu'il est temps (…) de nous donner des (lance-roquette multiples) MLRS?", a tweeté Mykhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne.

Aucune solution négociée n'est en vue. Moscou a rejeté jeudi un plan de paix italien qui prévoyait, sous garantie de l'ONU, un cessez-le-feu et le retrait des troupes, l'entrée de l'Ukraine dans l'UE mais pas dans l'Otan, et un statut d'autonomie au sein de l'Ukraine pour le Donbass et la Crimée.

Un pont ferroviaire mis en place par l'Allemagne

Alors que l'Ukraine, grande puissance agricole, ne peut plus exporter ses céréales en raison du blocage de ses ports, le président Vladimir Poutine a affirmé jeudi être prêt à aider à "surmonter la crise alimentaire" que cela entraîne - mais à condition que les sanctions occidentales draconiennes contre Moscou soient préalablement levées, ce qui lui a valu immédiatement des accusations de chantage.

La Russie a indiqué viser 50 millions de tonnes de céréales exportées dans la saison à venir, contre 37 millions attendues pour la saison en cours qui se termine fin juin. Pour aider Kiev à contourner le blocus russe, l'Allemagne a mis sur pied un "pont ferroviaire" avec l'Ukraine, a indiqué le prochain chef des forces américaines en Europe, le général Chris Cavoli.

La Russie consolide son emprise à Zaporijjia et Kherson

Dans le sud de l'Ukraine, la Russie s'affaire à consolider son emprise sur les territoires conquis depuis trois mois. Elle a notamment annoncé qu'elle allait permettre aux habitants des régions de Zaporijjia et de Kherson de demander un passeport russe via "une procédure simplifiée".

L'Ukraine a dénoncé un octroi "forcé" de la nationalité russe démontrant la volonté de Moscou de mener une annexion pure et simple de ces territoires.