Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (à droite) s'exprimera ce lundi devant les dirigeants européens réunis à Bruxelles. 1:47
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avec AFP , modifié à
Alors que le 96e jour de la guerre en Ukraine approche, Kiev a annoncé avoir repris du terrain sur les Russes dans la région de Kherson dans l'est du pays. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky doit s'adresser ce lundi aux dirigeants européens réunis à Bruxelles pour un sommet extraordinaire.
L'ESSENTIEL

Forces russes et ukrainiennes s'affrontaient lundi au cœur de Severodonetsk, selon le gouverneur de cette région de l'est de l'Ukraine, alors que le président Volodymyr Zelensky devrait s'adresser aux dirigeants européens réunis à Bruxelles pour discuter notamment d'un nouveau paquet de sanctions contre la Russie. Severodonetsk et la cité voisine de Lyssytchansk sont des villes-clé du Donbass encore sous contrôle ukrainien. Les forces russes visent à contrôler intégralement ce bassin minier, dont des forces séparatistes prorusses appuyées par Moscou ont pris le contrôle partiel en 2014.

Les principales informations à retenir : 

  • L'Ukraine a annoncé avoir repris du terrain sur les Russes près de Kherson dans le sud-est du pays, même si son armée se trouve dans une situation "très difficile".
  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky doit prendre la parole en visioconférence ce lundi devant les dirigeants européens réunis à Bruxelles. 
  • Il sera question des nouvelles sanctions à prendre contre la Russie, bien que la Hongrie, largement dépendante des livraisons de pétrole russe, n'y soit pas favorable.
  • Les négociations sont au point mort entre Moscou et Kiev
  • Le chef adjoint de l'Otan Mircea Geoana a déclaré que l'Otan n'a désormais plus "aucune restriction" pour se doter d'une "posture robuste sur le flanc est".

"Les querelles internes doivent cesser", lance Zelensky aux pays de l'UE

"Les querelles internes doivent cesser", a lancé lundi le président ukrainien Volodymyr Zelensky aux pays de l'Union européenne, les appelant à une "plus grande unité" pour permettre "l'adoption" d'un sixième paquet de sanctions contre Moscou. "L'Europe doit montrer sa force. Car la Russie ne perçoit que la force comme argument. (...) Il est temps que vous ne soyez plus divisés mais un tout uni", a-t-il déclaré dans un message vidéo diffusé lors d'un sommet extraordinaire de l'UE à Bruxelles.

"Ce n'est que par une grande plus grande unité que l'on pourra trouver des réponses efficaces à tout ce que la Russie fait contre nous et contre vous", a appuyé M. Zelensky. Le président ukrainien a encouragé les Vingt-Sept à faire voter un nouveau paquet de sanctions contre la Russie, "y compris sur le pétrole, pour que la Russe paye le prix pour ce qu'elle fait contre l'Ukraine, contre l'Europe, pour que vous deveniez enfin indépendants des armes énergétiques russes, au moins (en ce qui concerne) le pétrole". "Il est évident qu'il doit y avoir des progrès dans les sanctions contre l'agression (russe)", a-t-il fait valoir.

La ville de Kherson assiégée

Les forces ukrainiennes ont affirmé néanmoins regagner du terrain dans le sud, notamment dans la région autour de Kherson, ville proche de la Crimée passée sous contrôle russe dès le début de la guerre en mars. Dans son point de situation publié dans la nuit de dimanche à lundi, l'armée ukrainienne affirme notamment progresser près de Biloguirka, à une centaine de kilomètres au nord de Kherson. Kiev a également affirmé que les forces russes construisaient des "lignes défensives" autour de Kherson et avaient fait venir des forces spéciales dans la ville voisine de Mykolaïv, pour "récupérer du terrain perdu". "Kherson, tiens bon, nous sommes proches !", a affirmé l'état-major ukrainien sur sa page Facebook.

Les forces russes tentent d'encercler cette agglomération et d'en prendre le contrôle depuis plusieurs semaines, dans une offensive qui s'est intensifiée ces derniers jours, face à laquelle le président Zelensky a reconnu que l'armée ukrainienne était en difficulté. "Les Russes avancent vers le milieu de Severodonetsk. Les combats se poursuivent, la situation est très difficile", a indiqué sur Telegram Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région de Lougansk. Il a ajouté que la route reliant Severodonetsk à Lyssytchansk, puis à celle de Bakhmout plus au sud, était trop "dangereuse" pour permettre l'évacuation des civils et le transport d'aide humanitaire.

Moscou compte délivrer aux habitants un passeport russe 

Moscou n'a pas confirmé ces informations. Mais elle a évoqué des combats dans cette région, en indiquant avoir détruit des équipements militaires ukrainiens avec des tirs d'artillerie sur un chantier naval de Mykolaïv, et détruit en vol des roquettes ukrainiennes près de Tchornobaïvka, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Kherson.

Ces combats dans la région de Kherson interviennent alors que les nouvelles autorités prorusses de cette ville à l'embouchure du fleuve Dniepr ont exprimé le souhait d'être rattachées à la Russie, laquelle a annoncé qu'elle délivrerait aux habitants un passeport russe via "une procédure simplifiée".

À Melitopol, autre ville du sud ukrainien occupée par les Russes, dans la région de Zaporijjia, l'administration prorusse a rapporté qu'une voiture piégée avait explosé lundi matin, faisant deux blessés. "C'est un acte terroriste cynique du régime de Kiev, un acte destiné à effrayer les habitants de notre ville, un acte dirigé contre les civils", a accusé Galina Daniltchenko, la nouvelle maire de la cité installée par Moscou, citée par l'agence russe Ria Novosti. "Le régime de Kiev ne peut se faire à l'idée que les habitants de Melitopol ne veulent plus avoir à faire avec ce pouvoir de Kiev", a-t-elle affirmé.

Réunion des Vingt-Sept sur les sanctions à l'encontre de la Russie

Dans ce contexte, le président ukrainien doit s'adresser lundi après-midi en visioconférence aux dirigeants européens réunis en sommet à Bruxelles. De nouvelles sanctions contre Moscou sont au menu de cette réunion des Vingt-Sept. Ils devraient notamment rediscuter du projet d'embargo progressif sur le pétrole russe, jusqu'ici bloqué par la Hongrie. Ils devraient examiner une nouvelle proposition qui exclurait temporairement le pétrole acheminé via l'oléoduc Droujba, qui approvisionne notamment la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque, a-t-on indiqué dans l'entourage de la Commission européenne.

La Hongrie, pays enclavé sans accès à la mer, qui dépend pour 65% de sa consommation du pétrole acheminé de Russie par Droujba, avait rejeté une première offre d'une dérogation de deux ans. Budapest a réclamé au moins quatre ans et près de 800 millions d'euros en financements européens pour adapter ses raffineries. "J'espère que nous pourrons arriver à un accord demain, mais je ne suis pas certain, cela dépendra des dirigeants eux-mêmes", a estimé dimanche un diplomate européen. L'adoption des sanctions requiert l'unanimité des Vingt-Sept.

Outre l'embargo pétrolier, le sixième paquet de sanctions préparé par l'UE vise l'exclusion de la plus importante banque russe, Sberkank (37% du marché), et de deux autres établissements bancaires du système financier international Swift, ainsi qu'un élargissement de la liste noire de l'UE à une soixantaine de personnalités. Les dirigeants doivent aussi discuter de la nécessité d'assurer des liquidités à l'Ukraine pour continuer à faire fonctionner son économie ainsi que de la sécurité alimentaire, en raison notamment du blocage des exportations de céréales ukrainiennes, alors que le continent africain redoute une crise. La Commission a notamment proposé une aide à l'Ukraine allant jusqu'à 9 milliards d'euros en 2022.

 

Première visite d'un haut responsable français depuis le début du conflit

Plus de trois mois après le début de l'invasion russe, les tentatives de médiation entre Moscou et Kiev sont au point mort. Ce week-end encore le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz ont eu un entretien téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine, l'enjoignant d'entamer des "négociations directes sérieuses" avec Kiev. 

Dans ce contexte, la nouvelle ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, s'est rendue lundi en Ukraine, première visite d'un responsable français de ce niveau depuis le début du conflit. Elle a entamé sa journée par une visite à Boutcha, dans la banlieue de Kiev, ville symbole des massacres de civils dont les troupes russes sont accusées par les autorités ukrainiennes. "Cela ne devrait pas arriver, il ne faut pas que ça recommence", a-t-elle déclaré après s'être rendue dans une église orthodoxe où étaient exposées des photos des exactions. "La France est à leurs côtés (des Ukrainiens) avec ses amis, ses alliés, elle va faire tout son possible pour que la paix revienne", a-t-elle affirmé.

Une "posture plus robuste" de l'Otan sur le flanc est ?

Les Occidentaux continuent par ailleurs à revoir leurs politiques de défense face à la menace russe. Le chef adjoint de l'Otan, Mircea Geoana, a estimé dimanche que l'Alliance n'était plus tenue par ses anciens engagements envers Moscou de ne pas déployer ses forces en Europe orientale. Dans l'Acte fondateur sur les relations entre l'Otan et la Russie, signé il y a 25 ans, les Russes s'étaient "engagés à ne pas agresser les voisins, c'est ce qu'ils sont en train de faire, et à tenir des consultations régulières avec l'Otan, ce qu'ils ne font pas", déclaré Mircea Geoana.

Selon lui, l'Acte fondateur "ne fonctionne simplement pas, à cause de la Russie", et l'Otan n'a désormais plus "aucune restriction" pour se doter d'une "posture robuste sur le flanc est". Et en Allemagne, gouvernement et opposition conservatrice ont trouvé dimanche soir un accord pour faire une entorse aux règles budgétaires imposées par la constitution, afin de débloquer 100 milliards d'euros pour moderniser l'armée.