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Nicolas Tonev avec AFP , modifié à
Au 317e jour de l'invasion russe en Ukraine, les tirs d'artillerie se sont poursuivis ce vendredi des deux côtés du front à Bakhmout, malgré la proposition de cessez-le-feu de Vladimir Poutine pour le Noël orthodoxe. La sincérité de l'initiative avait été mise en doute par Kiev, mais aussi les États-Unis.
L'ESSENTIEL

Les tirs d'artillerie se poursuivaient vendredi des deux côtés du front à Bakhmout, l'épicentre des combats dans l'est de l'Ukraine, malgré l'entrée en vigueur d'une trêve unilatérale annoncée plus tôt par Moscou, ont constaté des journalistes de l'AFP. Des tirs côté ukrainien comme côté russe se faisaient entendre après le début du cessez-le-feu dans cette ville aux rues en grande partie détruites et désertées, mais leur intensité était moindre par rapport aux jours précédents.

Au lendemain de l'annonce par la France d'envoi de chars légers en Ukraine, États-Unis et Allemagne ont promis à Kiev, dans un communiqué conjoint, la livraison de blindés d'infanterie, de type Bradley côté américain et de modèle Marder côté allemand. Berlin s'est aussi engagé à fournir une batterie de défense antiaérienne Patriot, comme l'a déjà fait Washington. Volodymyr Zelensky a aussitôt salué "une décision très importante", en remerciant les dirigeants américain et allemand.

Les principales informations à retenir :

  • Les États-Unis annoncent une aide de 3 milliards de dollars à l'Ukraine.
  • L'Union européenne a dénoncé l'"hypocrisie" du cessez-le-feu, le jugeant "pas crédible".
  • Volodymyr Zelensky ne croit pas au bien-fondé de la proposition de cessez-le-feu de Vladimir Poutine, dénonçant une "excuse dans le but d'au moins arrêter l'avancée de (ses) troupes dans le Donbass"
  • Les États-Unis, qui dans un communiqué ont annoncé une nouvelle livraison de blindés d'infanterie, ont également critiqué ce cessez-le-feu, qui permet à Poutine de "se donner de l'air"
  • Au moins quatre civils ukrainiens ont été tués dans de nouvelles frappes près de Kherson et Zaporijjia

Les États-Unis fournissent une nouvelle aide militaire de 3 milliards de dollars

Les États-Unis fourniront une nouvelle aide militaire de 3 milliards de dollars pour l'Ukraine, ce qui constitue l'enveloppe la plus importante jusqu'à maintenant, a annoncé vendredi la Maison Blanche. Cette assistance, dont le détail sera donné par le Pentagone plus tard dans la journée, doit aussi inclure des véhicules blindés d'infanterie et de transport de troupes ainsi que des obusiers, a précisé la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.

Washington et Berlin avaient déjà annoncé jeudi qu'ils livreraient à Kiev des blindés d'infanterie, de type Bradley côté américain et de modèle Marder côté allemand, mais n'avaient pas indiqué les modèles. En service depuis les années 1970, les Marder sont des blindés légers destinés au transport de troupes. Leur armement principal est un canon de 20 mm.

Les Bradley sont des engins plus ou moins de la même famille, en service depuis le début des années 1980. Dans le modèle M2, ils sont équipés d'un canon de 25 mm ainsi que d'un lanceur de missile antichar, et peuvent transporter, en plus de l'équipage, six combattants. Le Bradley "n'est pas un char d'assaut, c'est un tueur de chars d'assaut", a noté jeudi le général Ryder, porte-parole du Pentagone. "Nous sommes convaincus que cela va beaucoup aider (les forces ukrainiennes) sur le champ de bataille", a-t-il ajouté.

Le cessez-le-feu critiqué par l'Union européenne

Le chef de la diplomatie de l'Union européenne (UE) Josep Borrell a qualifié vendredi d'"hypocrisie" le cessez-le-feu annoncé par Moscou en Ukraine, à l'occasion du Noël orthodoxe, le jugeant "pas crédible". "Le Kremlin manque tout à fait de crédibilité et cette déclaration d'une volonté de cessez-le-feu unilatéral n'est pas crédible", a déclaré Josep Borrell à la presse en marge d'une visite à Fès, au Maroc. "La réponse qui nous vient à tous à l'esprit, c'est le scepticisme face à tant d'hypocrisie", a-t-il estimé.

Vladimir Poutine a ordonné jeudi à son armée d'observer un cessez-le-feu "sur toute la ligne de contact entre les parties en Ukraine" les 6 et 7 janvier, la première trêve d'ampleur depuis le début de l'invasion russe il y a près d'un an. Malgré cette annonce, des duels d'artillerie se sont poursuivis vendredi.

Pour que le cessez-le-feu puisse être considéré comme valable, "il faut avoir un arrêt complet des attaques militaires. Il faut avoir le retrait des troupes (russes) et de leur matériel militaire du territoire ukrainien", a expliqué M. Borrell, après avoir rencontré des étudiants de l'Université euro-méditerranéenne.

"En l'absence de telles actions concrètes, un cessez-le-feu unilatéral apparaît comme une tentative de la Russie de gagner du temps pour regrouper ses troupes et essayer de restaurer sa réputation internationale qui est bien endommagée", a souligné M. Borrell.

Début supposé du cessez-le-feu décrété par la Russie en Ukraine

Le cessez-le-feu décrété unilatéralement par le président russe Vladimir Poutine en Ukraine à l'occasion du Noël orthodoxe est censé avoir commencé vendredi à midi (9 heures GMT), une initiative dont la sincérité a été mise en doute par Kiev. Selon les termes de cette trêve annoncée la veille, la première d'ampleur en Ukraine depuis le début de l'offensive de Moscou, les troupes russes cesseront les combats jusqu'à samedi à minuit (21 heures GMT).

Une "excuse" pour ralentir les troupes ukrainiennes selon Zelensky

Volodymyr Zelensky a aussi fustigé le cessez-le-feu unilatéral annoncé par Vladimir Poutine pour le Noël orthodoxe, qui n'est, selon lui, qu'une "excuse dans le but d'au moins arrêter l'avancée de nos troupes dans le Donbass et apporter équipements, munitions, et rapprocher des hommes de nos positions". "Quel sera le résultat ? Plus de morts", a-t-il affirmé.

Dans la journée, le président russe avait annoncé ce cessez-le-feu, après un appel en ce sens du patriarche orthodoxe russe Kirill, mais aussi une proposition du chef de l'État turc Recep Tayyip Erdogan, qui a téléphoné à Vladimir Poutine dans la matinée.

"Compte tenu de l'appel de Sa Sainteté le patriarche Kirill, je charge le ministre russe de la Défense d'introduire un régime de cessez-le-feu sur toute la ligne de contact entre les parties en Ukraine à partir de midi le 6 janvier de cette année jusqu'à minuit le 7 janvier", a dit le président russe, cité dans un communiqué du Kremlin.

Un cessez-le-feu pour "se donner de l'air"

Il a en outre appelé les forces ukrainiennes à respecter cette trêve afin de donner la possibilité aux orthodoxes, la confession majoritaire en Ukraine comme en Russie, d'"assister aux offices la veille de Noël, ainsi que le jour de la Nativité du Christ".

Ce cessez-le-feu constitue la première trêve à caractère général depuis le début de la guerre, seuls des accords locaux ayant été jusqu'alors conclus comme par exemple pour l'évacuation des civils de l'usine Azovstal à Marioupol (sud-est) en avril. "La Russie doit quitter les territoires occupés, c'est alors seulement qu'il y aura une 'trêve temporaire'. Gardez votre hypocrisie", a réagi sur Twitter un conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak.

Pour le président américain, Vladimir Poutine cherche "à se donner de l'air". Il "était prêt à bombarder des hôpitaux, des crèches et des églises (…) le 25 décembre et lors du Nouvel an", a ironisé Joe Biden. Ce cessez-le-feu "ne fera rien pour faire avancer les perspectives de paix", a réagi le ministre britannique des Affaires étrangères James Cleverly, en réclamant un retrait définitif des forces russes. Une telle trêve n'apportera "ni liberté ni sécurité" en Ukraine, a abondé la diplomatie allemande.

Dans sa conversation téléphonique avec Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan avait proposé un "cessez-le-feu unilatéral" destiné à soutenir "les appels à la paix et les négociations entre Moscou et Kiev". La Russie est prête à un "dialogue sérieux" avec l'Ukraine à condition que celle-ci se plie aux exigences russes et accepte les "nouvelles réalités territoriales" nées de l'invasion de ce pays en février, a fait valoir Vladimir Poutine.

Plusieurs civils tués

Moscou a revendiqué en septembre l'annexion de quatre régions occupées au moins partiellement par son armée en Ukraine, malgré de multiples revers militaires sur le terrain, sur le schéma de celle de la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014. Volodymyr Zelensky insiste pour un retrait total des forces russes de son pays, Crimée comprise, avant tout dialogue avec Moscou. Dans le cas contraire, il promet de reprendre par la force les territoires occupés.

À l'occasion de ses discussions avec Erdogan, Poutine a accusé les Occidentaux de "gaver le régime de Kiev d'armes et d'équipements militaires et de lui fournir des informations opérationnelles et de ciblage". La trêve russe est proposée moins d'une semaine après une frappe ukrainienne dans la nuit du Nouvel An qui a fait au moins 89 morts à Makiïvka, dans l'est de l'Ukraine. Un bombardement particulièrement meurtrier que l'armée russe a dû reconnaître, fait extrêmement rare, et qui a suscité des critiques en Russie à l'encontre du commandement militaire.

Sur le front en Ukraine, les bombardements se sont poursuivis jeudi avec notamment la mort d'une femme et de son fils de 12 ans dans un bombardement russe à Beryslav, près de Kherson, dans le sud, selon le chef adjoint de l'administration présidentielle Kyrylo Tymochenko.

Deux personnes ont également été tuées et trois autres blessées dans une frappe sur un village dans la région de Zaporijjia, également dans le sud, selon le gouverneur Oleksandre Staroukh. Des habitants de la ville de Tchassiv Iar, dans l'est, ont raconté jeudi à l'AFP qu'un missile russe avait touché un immeuble avant l'aube, blessant un homme et une femme.

L'Allemagne livrera 40 blindés "Marder"

L'Allemagne va envoyer à l'armée ukrainienne 40 blindés "Marder" au premier trimestre 2023, a affirmé vendredi le gouvernement, au lendemain de l'annonce, par Berlin et Washington, d'une nouvelle phase dans le soutien militaire à Kiev qui a provoqué le courroux de Moscou. "Quarante véhicules seront prêts au premier trimestre, et pourront être envoyés à l'Ukraine", après une "formation de huit semaines" dispensée à l'armée ukrainienne, a déclaré Steffen Hebestreit, le porte-parole du gouvernement allemand, au cours d'un point-presse régulier vendredi.

Le président américain Joe Biden et le chancelier allemand Olaf Scholz ont annoncé jeudi l'envoi de véhicules de combat d'infanterie pour appuyer les troupes ukrainiennes contre l'armée russe, mais n'avaient encore précisé, ni leur nombre, ni le calendrier de ces livraisons. Ces nouvelles ont provoqué la colère de l'ambassade de Russie à Berlin, qui a condamné ces livraisons, estimant qu'elles contribuaient à une "escalade du conflit en Ukraine". Sur son site internet, elle a qualifié cette démarche de "particulièrement cynique" car elle a lieu l'avant-veille du Noël orthodoxe.

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit sur Twitter avoir remercié au téléphone le chancelier Scholz pour ces nouvelles armes. "Le moment est venu de livrer des chars de protection de technologie occidentale", a expliqué vendredi M. Hebestreit, évoquant des "discussions intenses depuis mi-décembre" entre alliés, ayant abouti à cette décision qui marque un saut qualitatif dans les livraisons d'armes à l'Ukraine.