Frappes en Syrie : qu'est-ce que la "légitimité internationale" avancée par Macron ?

Après les frappes menées tôt, samedi, la France veut trouver une réponse politique à la crise syrienne.
Après les frappes menées tôt, samedi, la France veut trouver une réponse politique à la crise syrienne. © FRANCOIS GUILLOT / AFP / POOL
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Pour justifier les frappes françaises en Syrie, dans la nuit de vendredi à samedi, le chef de l’État s’est appuyé sur un concept juridique aux contours flous. 

Lors de son interview télévisée, dimanche soir, Emmanuel Macron a revendiqué "la pleine légitimité internationale" de la coalition entre les Français, les Américains et les Britanniques pour lancer les frappes sur la Syrie, samedi matin. "La résolution dite 2118 rappelle l’interdiction d’utilisation d’armes chimiques. Nous sommes intervenus dans le cadre strict de cette légitimité internationale", a-t-il indiqué. Pourtant, l’opposition ne cesse de dénoncer une action inopportune et illégale, menée sans un mandat de l’ONU.

Cette "légitimité internationale" repose-t-elle sur un texte précis ?

Pas tout à fait. Pour cette intervention, c’est le droit international incarné par l’ONU qui s’applique. Or, celui-ci, via le chapitre 7 de la Charte des Nations unies, mentionne entre autres trois cas dans lesquels un pays peut user de la force vis-à-vis d'un autre. Première possibilité, il faut que ce dernier le demande à un autre, comme la Syrie l’a demandé à la Russie pour lutter contre les forces rebelles. Deuxième cas, si le pays s’estime en position de légitime défense, il peut riposter, ce qui n’est pas le cas dans le dossier syrien. Enfin, cela peut passer par un mandat de l’ONU et ce fameux chapitre 7. "Le chapitre 7 a un sens clair, c'est le recours à des mesures militaires pour contraindre ceux qui menacent la paix et la sécurité internationale", a expliqué Jean-Yves Le Drian dans le Journal du dimanche.

Sur quelle base juridique les trois États ont-ils agi ?

Les responsables de l’opposition ont abondamment critiqué l’absence de mandat de l'ONU pour lancer des frappes en Syrie. En réalité, il n’y a eu aucun vote à l’ONU avant les frappes. La Russie, alliée de Bachar al-Assad, l’aurait très vraisemblablement bloqué. Emmanuel Macron s’appuie donc sur la violation par la Syrie de la résolution 2118, votée en septembre 2013 par le Conseil de sécurité des Nations unies.

À l’époque, cette résolution visait à contraindre le président syrien à détruire l’arsenal chimique du régime. Sauf qu’elle ne permettait pas, en soi, de déclencher l’usage de la force par la coalition occidentale en cas de non-respect de cette injonction : une autre résolution était nécessaire pour cela. Autrement dit, dans l’urgence, le gouvernement s'est appuyé sur une résolution vieille de cinq ans et incomplète pour agir. Autre problème : la résolution 2118 prévoyait une action du Conseil de sécurité, et non des États membres.

Comment l’exécutif se justifie-t-il ?

Pour gagner la bataille de l’opinion, l’exécutif met depuis en avant le blocage diplomatique de la Russie. "La France veut un multilatéralisme efficace. Or, l’attitude d’obstruction d’un État n’a pas permis à cette démarche collective d’aboutir. La Russie a posé 12 veto sur le dossier syrien dont 6 sur le seul dossier chimique", a dénoncé Édouard Philippe lors du débat sans vote à l’Assemblée nationale, lundi après-midi. Dans le même temps, l’exécutif s’est félicité du "rejet massif" par le Conseil de sécurité des Nations unies, samedi, du projet de la Russie de condamner l’intervention de la coalition. Dimanche soir, Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé que c'était "la communauté internationale qui est intervenue" en Syrie, samedi.

Parallèlement, la France tente de mener à bien un nouveau projet de résolution qui pourrait inclure la Russie. Selon Le Monde, le texte encore provisoire viserait à relancer un mécanisme d’enquête indépendant et impartial sur la présence d’armes chimiques en Syrie. Il reprend aussi en partie les termes de deux autres résolutions, 2401 (pour une trêve immédiate et la reprise de l’aide humanitaire) et 2254 (pour une nouvelle Constitution et des élections libres en Syrie), a expliqué lundi après-midi Édouard Philippe.

Une situation comparable à l'Irak en 2003 ?

La France aurait-elle dû refuser d'intervenir en Syrie, comme elle l'avait fait en 2003 ? À l'époque, l'exécutif avait refusé de se joindre aux frappes américaines en Irak, dont le régime était accusé par Washington de détenir des armes de destructions massives. "On sait, avec des preuves françaises, qu'il y a utilisation d'armes chimiques. (…) La comparaison est tout simplement ridicule. Dans le cas de l'Irak, il n'y avait pas eu d'agression. Dans le cas présent, c'est totalement différent. Il y a agression : contre le peuple syrien, avec des armes chimiques, et contre le droit le plus fondamental, le droit international qui interdit le recours à ces armes", a répondu lundi sur Europe 1 Bruno Le Maire, alors que l'opposition notamment de droite dénonce une intervention inopportune.