Angela Merkel 9:16
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et Julien Froment, édité par Céline Brégand
Angela Merkel, qui a déjà autorisé la reprise de la Bundesliga à la mi-mai, a annoncé, après une visio-conférence avec les ministres-présidents de régions, de nouvelle mesures de déconfinement mercredi. Une nouvelle qu'il ne faudrait pas "fêter avant l'heure", selon Hans Stark, le conseiller pour les relations franco-allemandes à l'IFRI, invité d'Europe 1 mercredi.
INTERVIEW

En Allemagne, un déconfinement accéléré s'opère, en corrélation entre les Länder et le pouvoir central. La chancelière Angela Merkel a pris la parole mercredi après-midi pour donner un feu vert définitif de Berlin pour ce grand redémarrage général orchestré par les régions. Un grand jour pour l'Allemagne ? Il faut encore rester nuancé.

La quasi-totalité des mesures de restriction levées

Forte de derniers chiffres d'infection "très satisfaisants", l'Allemagne a décidé mercredi de franchir de nouvelles étapes dans le déconfinement qui, des écoles au football, annoncent un retour progressif à la normale en mai. "Les derniers chiffres" sur l'évolution de la pandémie de nouveau coronavirus "sont très satisfaisants", a salué la chancelière à l'issue d'une réunion avec les dirigeants régionaux du pays. "Nous sommes donc arrivés à un point où nous pouvons dire que nous avons atteint l'objectif de ralentir la propagation du virus", a annoncé Mme Merkel lors d'une conférence de presse.

L'Allemagne prévoit en conséquence de lever la quasi-totalité des restrictions imposées à partir de mi-mars à la première économie européenne pour freiner la contagion. Exceptions notables : la fermeture des frontières et l'interdiction des grandes manifestations sportives, festives ou culturelles avec du public.

Dans le domaine sportif, alors qu'en France il a été arrêté prématurément et que les autres pays européens continuent de s'interroger, le championnat de football allemand va pouvoir reprendre à partir de mi-mai. Les rencontres se dérouleront à huis clos. La voie est libre aussi pour le secteur de la gastronomie et des hôtels, sinistré par l'impact du coronavirus. Il va recommencer selon les régions à fonctionner à partir de la semaine prochaine. "Nous devons toujours être conscients que nous sommes encore au début de la pandémie et que nous avons encore un long chemin à parcourir pour lutter contre le virus", a toutefois mis en garde Angela Merkel.

"L'Allemagne sera 'sous surveillance' "

Interrogé sur Europe 1, Hans Stark, le conseiller pour les relations franco-allemandes à l'IFRI et professeur de civilisation allemande à la Sorbonne, partage la prudence de la chancelière allemande. "Tout le monde pense évidemment qu'une deuxième ou une troisième vague même à l'été ou à l'automne n'est pas du tout à exclure", rappelle-t-il. "Il ne faut pas trop fêter avant l'heure. Le reconfinement restera possible", prévient Hans Stark. "Les responsables politiques l'ont souligné, il est hors de question de revenir à la 'situation normale' d'avant le mois de mars 2020 et des mesures ponctuelles de reconfinement local sont tout à fait possibles", ajoute le professeur. 

Angela Merkel a donné deux seuils : on reconfinera si les nouvelles contaminations de coronavirus dépassent de nouveaux les 35 cas pour 100.000 habitants en ville, et les 54 cas pour 100.000 à la campagne. Actuellement, la ville de Berlin est autour de sept contaminations pour 100.000 habitants.

"Cela veut dire que l'Allemagne sera 'sous surveillance' à la fois pour ce qui concerne la reproduction du virus mais aussi le comportement de ses citoyens", souligne Hans Stark. Les Allemands, même déconfinés, devront en effet se plier à quelques restrictions comme le port du masque dans les magasins et les transports et le respect des gestes barrières, notamment la distance d'un mètre cinquante entre les gens. De plus, tout rassemblement de plus de 5.000 personnes sera interdit, vraisemblablement jusqu'à la fin de l'été. 

En théorie, tout peut reprendre, tout peut rouvrir : les musées, les cinémas, les plages, les écoles, les restaurants avec une TVA abaissée à 7% pendant un an. Ce sera ensuite aux Länder de fixer le calendrier et les règles à suivre comme le taux de remplissage maximal des hôtels, le nombre d'enfants par salle de classe, etc. 

Angela Merkel a-t-elle perdu son bras de fer avec les Länder ?

Alors que la chancelière allemande misait sur un déconfinement prudent et progressif, les régions ont poussé pour un déconfinement accéléré. Angela Merkel aurait-elle perdu le bras de fer avec les Länder comme certains le laissent entendre ? Pour Hans Stark, il n'y a pas de bras de fer. "Les affaires de santé et de sécurité intérieure sont l'affaire des Länder constitutionnellement donc il n'était absolument pas question qu'Angela Merkel puisse agir comme le fait le président de la République en France. Elle n'en a pas les moyens dans ces dossiers-là", souligne-t-il. 

"On a surtout constaté que les Länder sont très inégalement touchés par cette crise du coronavirus. Le taux d'infection est notamment très bas en Allemagne de l'Est et c'est là que les premières mesures de déconfinement ont été prises", observe-t-il. "La densité en Allemagne de l'Est est très faible, elle représente 15% de la population allemande. Et sur ces 15% ils sont très peu concernés car le taux d'infection en Allemagne de l'Est est, proportionnellement, situé entre 5 et 6% de la population", appuie Hans Stark.

La gestion de la crise du coronavirus pourrait politiquement changer les choses en Allemagne. "La CDU d'Angela Merkel a pris dix points dans les sondages. L'AfD, le parti d'extrême-droite, a perdu pratiquement un quart de leur électorat, ce qui est plutôt une très bonne chose. Et le gouvernement actuel, qui était en dessous de 50% dans les sondages, retrouve aujourd'hui une majorité pour pouvoir gouverner le pays", note Hans Stark. "C'est une chose positive, ça veut dire qu'en tant de crise, les Allemands ne se tournent pas vers les voix populistes mais plutôt vers les partis dits traditionnels qui ont l'habitude de gérer les crises politiques et économiques comme ce fut le cas dans le passé", estime le professeur.