Pologne 2:40
  • Copié
Isabelle Ory, édité par Manon Fossat
C'est un conflit ouvert entre l'Union européenne et la Pologne. En cause, le rejet par Varsovie de la suprématie du droit européen. Un désaccord qui s'impose à l'agenda du sommet des dirigeants des Vingt-Sept, réunis ce jeudi et vendredi à Bruxelles, et qui vont tenter de faire plier l'inflexible Premier ministre polonais.

La crise avec la Pologne est plus vive que jamais. Depuis que Varsovie a remis en cause un principe fondamental de l’Union européenne, à savoir la primauté du droit européen, les dirigeants des pays membres tentent de faire plier le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, qui reste inflexible et dénonce de son côté le "chantage" de l'UE. La situation a même conduit certains Etats, dont les Pays-Bas, à demander à ce que le sujet soit abordé lors de la réunion qui se tient à Bruxelles ce jeudi et vendredi.

Trouver un terrain d'atterrissage

Les dirigeants ne peuvent en effet pas laisser passer l'affront, trop grave. Mais ils ne veulent pas non plus aggraver encore la crise et risquer la paralysie européenne. Ce sommet constitue donc un moment clé très politique. "Il va falloir faire preuve de finesse", souligne un diplomate. "Le Premier ministre polonais a l'air sûr de lui. Il faut maintenant qu'il entende les autres", explique une autre source. Mais certains comptent carrément monter au créneau et demander des comptes frontalement, comme le Premier ministre des Pays-Bas.

En coulisses, d'autres essayent de réparer les dégâts. Angela Merkel et Emmanuel Macron vont essayer d'avoir un tête-à-tête avec Mateusz Morawiecki. L'objectif est de lui permettre de sauver la face en douceur et de trouver un terrain d'atterrissage. Pendant ce temps, la Commission européenne prépare le bâton et la riposte juridique. Elle n'a en effet toujours pas donné son feu vert au plan de relance polonais. De quoi faire céder peut-être le chef du gouvernement de Varsovie. Mais de ce côté là rien n'est moins sûr. Sous le communisme, ce dernier n'avait rien lâché à la police du régime, même lorsqu'elle lui avait fait creuser sa propre tombe. 

"Rester mais dans les mêmes conditions"

Mais alors que la Commission européenne retient plus de 30 milliards d'euros de fonds destinés au pays, certains habitants qui dépendent totalement de l'Europe sont inquiets. Car beaucoup sont attachés à l'UE et y voient l'avenir de leur pays. Dans le village de campagne de Gozdowo, à deux heures au nord de Varsovie, les avis sont partagés. Ici, le drapeau européen s'affiche partout, du terrain de jeu à la station d'eau potable en passant par les panneaux solaires. Car sans argent européen, pas d'investissements dans le village, explique le maire Darius Galkowski. "Nous espérons vraiment qu'un compromis va être trouvé et que les fonds européens seront versés, car nous avons d'autres projets comme des canalisations pour les égouts, des routes ou encore des projets sociaux."

 

Dans cette commune rurale de 6.000 habitants, plus de six électeurs sur dix ont voté pour le parti PiS au pouvoir. Et beaucoup n'aime pas que Bruxelles se mêle des affaires polonaises. C'est le cas d'Anthony, mécanicien dans une ferme. "La Pologne veut rester mais dans les mêmes conditions que lorsqu'elle est entrée. Il ne faut pas que les choses changent et que l'attitude de l'Union européenne empire. Si elle ne nous donne pas plus d'argent, alors là oui, nous pouvons partir", affirme-t-il. 

Pour Yann, fermier dans le village, les choses ne sont pas si tranchées. Plus partagé, il vote une fois pour le pays, et une fois pour les pro-européens. Car s'il tient aux valeurs traditionnelles, il veut avant tout regarder devant. "Le plus important c'est l'avenir. Et à mon avis, l'avenir de la Pologne se trouve dans l'Europe", juge-t-il. Selon les enquêtes d'opinion, huit Polonais sur dix veulent aujourd'hui rester dans l'Union européenne.