"Polexit" ? : la justice polonaise se prononce contre la suprématie du droit européen 1:39
  • Copié
Isabelle Ory, édité par Clément Perruche avec AFP
Jeudi, la plus haute juridiction polonaise s'est prononcée contre la suprématie du droit européen sur le droit national. Une décision historique, qui remet en question le fondement même de l'Union européenne et qui fait planer la menace d'un "Polexit". Les tensions entre Varsovie et Bruxelles sont plus fortes que jamais.

Après le Brexit, faut-il s'attendre un "Polexit" ? Jeudi, la plus haute juridiction polonaise s'est prononcée contre la suprématie absolue du droit communautaire européen, une décision historique, qui pourrait menacer le financement par l'UE de la Pologne, voire son appartenance à l'UE. La Cour a déclaré que certains articles du traité de l'UE étaient "incompatibles" avec la Constitution polonaise et a enjoint aux institutions européennes de ne pas "agir au-delà du champ de leurs compétences" en interférant avec le système judiciaire polonais.

Une décision explosive

Pour les juges polonais, la Constitution nationale doit avoir le dernier mot. Or, la base de l'Union européenne, c'est que le droit européen prime sur le droit national. Les arrêts de la justice européenne s'imposent à tous. La décision prise par la Pologne est donc explosive. 

La situation est d'autant plus tendue que cela fait des années que la Pologne et Bruxelles se disputent autour de l'indépendance de la justice polonaise. L'UE est notamment en désaccord avec les réformes judiciaires introduites par le parti conservateur nationaliste Droit et Justice (PiS), qui, selon Bruxelles, menacent la démocratie et l'état de droit dans le pays.

Réaction rapide de la Commission

La Commission européenne, à travers son commissaire Didier Reynders, a rapidement réagi. "Ce qui arrive en ce moment, c'est la remise en cause d'un certain nombre de principes qui fondent notre union et qui justifient dès lors des actions de la Commission européenne en tant que gardienne des traités. Nous allons utiliser tous les moyens à notre disposition pour faire en sorte que le respect des principes soit de nouveau d'application", a-t-il affirmé. Une réaction aussi rapide de la Commission est inhabituel. C'est le signe que l'heure est grave. 

Mais il faut d'abord attendre la réaction du gouvernement polonais. Bruxelles n'a pas encore livré à la Pologne sa part du plan de relance anti-covid de 23 milliards d'euros. Est-ce que cela est susceptible de forcer le gouvernement polonais à bouger ? Les Polonais sont devant un choix politique énorme, souligne un diplomate : "le cœur de leurs contradictions, c'est qu'ils veulent l'argent européen et une souveraineté nationale totale. Il va bientôt falloir choisir".