Couple de policiers tués : ce que l'on sait de Larossi Abballa, le suspect

L'auteur présumé du double meurtre, Larossi Abballa, a revendiqué son acte dans une vidéo qu'il a diffusé sur sa page Facebook.
L'auteur présumé du double meurtre, Larossi Abballa, a revendiqué son acte dans une vidéo qu'il a diffusé sur sa page Facebook. © Capture d'écran de sa page Facebook
  • Copié
Alain Acco, Didier François, Martin Feneau et , modifié à
Le jeune homme de 25 ans, déjà condamné dans un dossier djihadiste, a été abattu par le Raid au domicile du couple où il s'était retranché. 

Au lendemain du double assassinat d'un couple de fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, à Magnanville, dans les Yvelines, on en sait un peu plus sur l'auteur présumé de cet "acte incontestablement terroriste", selon les mots du président de la République. D'après les informations d'Europe 1, le tueur se nomme Larossi Abballa. Âgé de 25 ans et originaire de Mantes-la-Jolie, il habitait à deux kilomètres seulement du commissariat où travaillait la femme du commandant de police en tant que secrétaire administrative. Le Raid l'a abattu lors de l'assaut au domicile du couple, dans la nuit de lundi à mardi.

De la petite délinquance... Né le 28 mars 1991 à Meulan-en-Yvelines, ce jeune homme était loin d'être inconnu des services de police : vols, violences, chantages et recels... Mais c'est en 2011 que les services antiterroristes le découvrent. Cette année-là, Larossi Abballa est arrêté avec sept autres membres d'une filière djihadiste pakistano-afghane. A l'époque, c'est le juge antiterroriste Marc Trévidic qui interroge et met en examen Larossi Abballa avec ses comparses.

Le magistrat se souvient, auprès du Figaro.fr, d'un "bonhomme comme il en pullule dans les dossiers islamistes, imprévisible, dissimulateur". Et d'affirmer : "Il voulait faire le djihad, c'est certain". Larossi Abballa s'était entraîné en France non pas militairement, mais physiquement. "Mais concrètement, à part ses mauvaises fréquentations et quelques joggings pour entretenir sa forme, il n'y avait pas grand-chose à lui reprocher", rapporte Marc Trévidic. 

Condamné pour sa participation à une filière de recrutement. Cette implication dans une filière vaut au jeune homme, en septembre 2013, une condamnation à trois ans de prison, dont six mois avec sursis et deux ans de mise à l'épreuve, pour "association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes". Mais Larossi Abballa est libéré à l'issue de son procès, ayant déjà effectué l'intégralité de sa peine en détention provisoire. Pendant sa détention, le prévenu s'était notamment fait remarquer par l'administration pénitentiaire pour "son prosélytisme d'islamisme radical", a indiqué le procureur mardi après-midi.

Mais à sa sortie de prison, Larossi Abballa se fait discret. Suivi dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve, il a toujours suivi les obligations fixées par la justice. Les conseillers du service pénitentiaires d'insertion et de probation notent juste "un discours lisse sur les faits commis", assorti d'"une pratique religieuse assidue". Selon les informations d'Europe 1, il faisait alors toutefois l'objet d'une surveillance discrète de la DGSI et d'une fiche "S". Mais les écoutes administratives n'ont rien donné. 

Placé sur écoute... sans résultats. Après s'être fait oublier pendant deux ans, Larossi Abballa refait brusquement surface sur les écrans radars des services antiterroristes, selon nos informations. Il apparaît en effet dans une procédure d’information judiciaire, ouverte le 11 février 2016, sur une filière de départs vers la Syrie, a confirmé le procureur de la République de Paris, François Molins, lors d'une conférence de presse.

Il n'est pas visé directement, mais il fait partie de l'entourage d'un homme parti en Syrie récemment. Dans le cadre de ces investigations, un juge d'instruction ordonne donc qu'il soit placé sous écoutes judiciaires. Là encore, celles-ci n'ont rien donné, excepté la confirmation qu'il s'était bien radicalisé, qu'il était toujours un islamiste convaincu… ayant du mal à trouver une épouse. 

Allégeance à l'EI. Alors que l'Etat islamique a revendiqué le double assassinat du couple de fonctionnaires de police, et que Larossi Abballa a prêté allégeance à l'organisation terroriste dans une vidéo de revendication, Didier François, spécialiste du terrorisme à Europe 1, décrypte : "Comme pour la fusillade à Orlando, on n'est pas obligatoirement dans du pilotage depuis la Syrie, mais on est dans de l'inspiration. L'EI a la certitude absolue que la personne qui a agi lui a fait son allégeance".

Aux policiers du Raid, le jeune homme qui a déclaré être "musulman pratiquant" et "faire le ramadan", a indiqué avoir répondu à l'appel de "cheikh Abou Mohammed Al-Adnani", le porte-parole de l'EI, lancé en amont du ramadan, et qui incite à tuer les mécréants et leurs familles. Comment Larossi Abballa avait-il repéré le commandant de police ? A-t-il agit avec des complicités ? Trois de ses "relations" ont été placées en garde à vue, mardi. Parmi elles, deux avaient été condamnées avec lui dans le dossier de la filière pakistano-afghane.  

Une vidéo de revendication sur Facebook. Larossi Abballa a même pris soin d'utiliser les réseaux sociaux pour revendiquer son geste. Le procureur de la République, l'a confirmé mardi après-midi, le meurtrier a diffusé une vidéo sur Facebook Live, tournée en direct depuis le pavillon des victimes, ainsi que deux tweets, depuis un compte ouvert le 8 juin dernier. Tous ont été suspendus depuis.

Dans la vidéo de revendication de 12 minutes, le terroriste promet "des surprises" et met en garde que "l'Euro sera un cimetière". Il appelle également à tuer "les policiers, les gardiens de prisons, les journalistes, les rappeurs" et cite explicitement quelques noms. Le journaliste et spécialiste des mouvements djihadistes David Thomson, qui faisait partie des abonnés sans toutefois le connaître personnellement, a rapporté sur son compte Twitter le contenu glaçant de cette vidéo. 

Un projet parfaitement dissimulé. Mais Larossi Abballa possédait aussi un autre profil Facebook, à son vrai nom cette fois. Sur celui-ci, le jeune homme montre un tout autre visage. Ses publications laissaient à penser que le jeune homme, qui avait lancé son entreprise en janvier, avait des projets sur le long terme. Il se montrait fier de "Dr.Food", son entreprise de livraison nocturne de "burgers" et "escalopes forestières" à domicile, et semblait avoir de nombreuses idées pour celle-ci, basée aux Mureaux. Larossi Abballa avait ainsi posté une photo lors d'un rendez-vous avec son banquier pour obtenir un terminal de paiement électronique ou encore un sondage, pour élargir sa gamme de restauration, le 28 avril dernier.

DRFOOD1

Capture d'écran Facebook de l'entreprise "Dr Food" lancée par le futur terroriste. 

Dans le quartier où il a grandi, Lila, une voisine, n'en revient pas : "J'aurais jamais imaginé ça... Il était gentil, il était brave, il aidait. C'était un enfant adorable. C'était un gosse qui était gentil avec tout le monde." Même surprise pour Sabeth, l'un de ses copains de quartier : "Moi je l'ai connu, les vols, compagnie et tout... On était dedans, on était impliqués. C'est passé tout ça, on était jeunes". "C'était un mec toujours souriant, qui rigolait toujours, on ne s'imaginait pas…", confie celui qui faisait partie de la même bande que le terroriste. Une image bien loin de celle du jeune homme qui ordonne, après avoir énuméré une liste de professions ciblées : "tuez-les, tuez-les".