Hyper Cacher : le récit du policier à la tête de l'assaut

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Le 9 janvier dernier, Antoine s'est retrouvé seul, pendant plus de trente secondes, face à Amedy Coulibaly, le preneur d'otages de la porte de Vincennes.

"Je ne suis pas un héros". Ces mots sont ceux d'Antoine*, l'homme qui a été le tout premier à pénétrer dans l'Hyper Cacher pour y mener l'assaut contre Amedy Coulibaly. Le 9 janvier dernier, ce policier d'élite s'est d'ailleurs retrouvé seul, pendant plus de trente secondes, face au preneur d'otages de la porte de Vincennes. Aujourd'hui, celui qui avait déjà participé au siège du domicile de Mohamed Merah, revient humblement sur cet assaut mené par les forces de police du Raid.

Dépêché pour les frères Kouachi. Dès le mercredi 7 janvier, jour de l'attentat à Charlie Hebdo, Antoine était en alerte. Il a d'ailleurs d'abord participé à la traque des frères Kouachi, en Seine-et-Marne, avant que sa section soit démobilisée le jeudi soir. En apprenant le lendemain matin que les deux terroristes ont été identifiés à Dammartin-en-Goële, Antoine ressent donc "une certaine frustration". Et un "soulagement" aussi, de savoir, d'expérience, que les deux frères seraient "neutralisés d'une manière ou d'une autre", confie-t-il au Parisien.

"Mon chef m'a dit que j'allais prendre la tête". La mission qui l'attend ensuite sera tout aussi périlleuse. Il l'apprend pendant la pause déjeuné, lorsque les bipeurs de ses collègues sonnent à l'unisson pour un rapatriement immédiat au Raid. "Dans ces cas-là, on a juste quelques minutes pour rassembler nos armes et notre équipement personnels. On a filé en convoi jusqu'à la porte de Vincennes", confie-t-il au Parisien.

S'en suivent ensuite trois heures d'attente, au cours desquelles les forces de police apprennent qu'Amedy Coulibaly est lourdement armé, qu'il retient une vingtaine d'otages, dont trois ont été  tués. "Chacun d'entre nous, Raid, BRI, BI, s'est vu confier un rôle précis. C'est à ce moment-là que mon chef de groupe m'a dit que j'allais prendre la tête de la première colonne d'assaut à l'entrée principale du magasin", raconte-t-il.

Pas de quoi affoler le policier, qui a déjà pris plusieurs fois la tête de colonnes d'assaut, notamment dans des affaires de grand banditisme. "Cela dit, ce poste n'a rien de spécifique. C'est une action de groupe, nous intervenons ensemble, soudés et déterminés. Ce sont les chefs de groupes qui décident du rôle de chacun", détaille modestement Antoine.

"Il avance alors vers moi en continuant à tirer". L'objectif premier du policier d'élite est d'abord de protéger son collègue chargé d'ouvrir le rideau métallique de l'entrée, avant de s'engouffrer, seul, dans le magasin. "En fait, l'idée est simple : une fois le rideau levé, il faut analyser le maximum d'éléments en un minimum de temps, puis s'adapter, sachant que la vie des otages prime sur tout le reste. C'est pour cette raison que la colonne d'assaut casse, et que l'on ne rentre pas tous ensemble au même moment", explique-t-il.

Antoine décrit alors son face à face avec le preneur d'otages. "Tout va très vite. Je rentre dans le magasin, j'aperçois les otages sur ma gauche. Il tire ses premières balles qui viennent se loger dans mon bouclier. Je continue à avancer en ripostant, puis je me décale dans l'allée vers la droite, à l'opposé des otages afin qu'ils ne soient pas pris pour cible. Il avance alors vers moi en continuant à tirer et je reçois une balle", détaille-t-il.

"Un certain temps à trouver le sommeil". La suite est connue de tous. D'autres membres du Raid pénètrent dans l'Hyper Cacher pour poursuivre l'assaut. Amedy Coulibaly, lui, s'avance obstinément vers l'entrée. Et s'écroule, roué de balles, devant le magasin. "On est tous rentrés au Raid pour un rapide débriefing. C'est surtout un moment de décompression, où l'on se parle beaucoup. Puis, on est allés faire un bon dîner avec des collègues, car on avait besoin de nous retrouver entre nous. Comme eux, j'ai mis un certain temps à trouver le sommeil. On se refait le film des événements, en essayant de voir ce qu'on aurait pu faire mieux. Et puis je pense à ma famille et à mes proches, à qui je cause de fortes inquiétudes. Sans eux, je n'en serais pas là", reconnaît-il.

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