TF1 et M6 pourrait fusionner à la fin de l'année 2022, créant un vrai séisme, en tout cas à l'échelle de la télévision française. 1:36
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Emmanuel Duteil et Nicolas Barré, édité par Rémi Duchemin , modifié à
Les groupes TF1 et M6 ont annoncé lundi soir leur volonté de fusion. Une déflagration dans le paysage audiovisuel français, qui donnerait naissance, pas avant la fin 2022 et sous réserves d’autorisations de l’Autorité de la concurrence, à un géant au niveau national. Mais à un nain au niveau mondial.
ANALYSE

Koh Lanta et Top chef à l'heure de la réunification. Le groupe TF1 et le groupe M6 - qui détient aussi la radio RTL - vont se rapprocher, une révolution dans le monde des médias. TF1 aura 30% du nouvel ensemble, le propriétaire de M6 16% et le reste sera coté en bourse. Et c'est Nicolas de Tavernost, l'actuel patron de M6, qui prendrait la tête de l'ensemble. Mais attention : il reste beaucoup à faire. Et, surtout, la nouvelle entité sera certes un géant au niveau national, mais pèsera encore bien peu au niveau mondial.

Un groupe gigantesque, des obstacles à lever

Sur le papier, c'est certes le deal du siècle dans le monde des médias en France. A l'heure de la concurrence de Netflix et d'Amazon, c'est la naissance d'un groupe gigantesque présent sur tous les marchés :  la radio avec RTL, la production de séries, 10 chaines gratuites - dont TF1, M6, TMC ou encore Gulli -, des sites internet comme Doctissimo, des sites de replay, de VOD, etc.

C'est d’ailleurs là que les problèmes commencent. Car la loi est claire : il n'est pas possible pour un même groupe d'avoir plus de sept chaines. Il va donc falloir en vendre trois. Officiellement, le choix n'est pas encore fait. Le nouvel ensemble va représenter environ un tiers de part d'audience télé et les trois quarts du marché publicitaire. Là aussi, ça pourrait faire tiquer. L'autorité de la concurrence doit se décider à l'été 2022. Si cette opération historique devait être finalisée, le rapprochement aurait lieu fin 2022.

M6 et TF1, des nains à l'échelle mondiale

Et si le big bang a bien lieu, ce ne serait finalement qu’une déflagration au niveau national. Il faut élargir la focale. A l'échelle de ce qu'est le paysage des médias aujourd'hui, cette opération n'est pas un big bang, c'est un tout petit bang. La preuve : lundi aux Etats-Unis, ATT annonçait le mariage de Warner, sa branche média, rachetée 85 milliards de dollars il y a trois ans, avec Discovery, autre empire des médias. Les deux combinés valent 130 milliards de dollars. TF1 vaut 2 milliards de dollars, M6, 2,5 milliards. Même réunis, ce sont des nains à l'échelle mondiale.

L'enjeu de la bataille n'est d’ailleurs plus au niveau national. Si l’on assiste au même moment à ce mariage de géants de la télévision aux Etats-Unis, c’est pour tenir tête à ces autres géants que sont Netflix et Disney. Et pour rivaliser avec eux dans le streaming, le marché en forte croissance et qui, lui, est mondial. Pour avoir un ordre de grandeur : ce nouveau groupe américain Warner-Discovery dépense 20 milliards de dollars par an dans les contenus et Netflix, 17 milliards. Autrement dit, chacun d'eux dépense, dans la production de programmes ou l'achat de droits, à peu près 10 fois la valeur de TF1 !

Le marché français bientôt dominés par des groupes étrangers

En fait, le véritable enjeu, c'est que pour la première fois dans notre histoire, les médias dominants sur le marché français seront étrangers. Ça, c'est un big bang. Les centres de décision des médias qui dominent le marché européen aujourd'hui sont à Los Gatos ou à Burbank en Californie, les sièges de Netflix et de Disney.

Le rapprochement de TF1 et M6 arrive peut-être même trop tard pour éviter cette domination. A moins qu'il soit le prélude à d'autres rapprochements sur le marché européen.