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Nicolas Bouzou
Depuis des mois, le Covid-19 occupe la totalité l'espace médiatique. Une monopolisation qui n'est pas près de s'arrêter, avec 200.000 cas en moyenne ces derniers jours. Pourtant, d'autres sujets socio-économiques, d'une importance majeure, sont passés sous silence. Une situation invraisemblable, à 75 jours de l'élection présidentielle. Nicolas Bouzou nous livre son analyse.
EDITO

Je ne vais pas commenter cette petite phrase du président (NDLR : sur les non-vaccinés). Ça a déjà été assez fait, trop fait d'ailleurs, parce que ça nous empêche de parler, au fond, de choses extrêmement importantes. J'aimerais quand même rappeler que le premier tour de l'élection présidentielle, c'est le 10 avril. C'est dans trois mois. On peut enlever les vacances de février. Ça signifie qu'il reste 75 jours pour débattre. Or, du point de vue économique, on ne parle de rien. Pourtant, tous les sondages nous montrent que la première préoccupation des Français, c'est le pouvoir d'achat. Eh bien, on ne parle pas des salaires, on ne parle pas de la formation continue, on ne parle quasiment pas de la participation. Rien sur l'emploi et on ne parle même plus de plein emploi. Rien sur la dette.

Alors certains candidats annoncent des suppressions de postes de fonctionnaires. Mais on ne connaît pas la méthode et il n'y a aucun débat sur la place de l'Etat, aucun chiffrage des programmes. Pourtant, dans cette fameuse interview du Parisien, le président de la République a dit des choses intéressantes, par exemple sur l'autonomie des écoles, le temps de travail des enseignants. Qui l'a relevé. Qui en a parlé? J'entendais Valérie Pécresse qui veut limiter à 30% les logements sociaux dans certains quartiers. Voilà une proposition très forte, très intéressante, mais qui en débat? Personne.

"Après l'élection, pour le gagnant, le pays sera ingouvernable"

On pourrait penser que c'est lié au Covid, mais en même temps, on peut utiliser les circonstances du Covid pour avoir des débats de fond tout à fait passionnants. Je vous donne quelques exemples. Quelle réforme pour l'hôpital? On a mis en place le Ségur de la santé au début du mois d'octobre, avec des augmentations de salaire importantes. Il n'y a jamais eu autant de départs d'infirmiers, d'infirmières, de l'hôpital. On débat sur le rôle des mutuelles. Eh bien, quelle politique de prévention ? Comment redonner de la compétitivité à nos industries de santé dans un contexte de révolution thérapeutique ? Pleins de choses intéressantes mais de ça on n'en parle pas non plus. On ne débat pas.

Il y a quatre principaux défis économiques pour la France. Le défi de puissance, c'est-à-dire dans quelle mesure on peut devenir ou redevenir un grand pays d'innovation. Le défi social, c'est la question des salaires, du pouvoir d'achat, mais aussi du logement. Le défi financier, la dette, bien évidemment, et la réforme de l'Etat providence, réforme des retraites, réforme de la Sécurité sociale. Et puis, le défi environnemental, par exemple, combien d'EPR construit-on en France? Quand et à quel coût pour l'électricité à terme? Si on ne débat pas de tout cela avant, y compris de manière un peu conflictuelle, eh bien je peux vous dire qu'après l'élection, pour le gagnant, quel qu'il soit, le pays sera ingouvernable.