Loi Travail : ce que les candidats à la présidentielle veulent en faire

La loi Travail avait engendré de nombreuses manifestations en France.
La loi Travail avait engendré de nombreuses manifestations en France. © LOIC VENANCE / AFP
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Clément Lesaffre , modifié à
Une majorité des candidats à l’élection présidentielle veut supprimer la loi Travail promulguée l’été dernier et chacun imagine des solutions de remplacement.

La loi Travail a beau avoir été promulguée et certaines de ses dispositions déjà entrées en vigueur, les syndicats ne désarment pas. Mardi, six syndicats (CGT, FSU, Solidaires, Unef, UNL, Fidl) lancent une plateforme revendicative contre la loi El Khomri, fruit de deux mois de réflexion sur les questions de la rémunération, du temps de travail, de la négociation collective, etc. Ils formulent des propositions destinées, notamment, aux candidats à l’élection présidentielle et espèrent peser dans le débat. Parmi les onze prétendants à l’Élysée, plusieurs pourraient être sensibles aux arguments de l’intersyndicale contre la loi Travail. Europe 1 fait le point sur la position de chacun.

Celui qui veut la conserver telle quelle

Ministre de l’Économie au moment où la loi El Khomri était conçue, débattue et contestée dans la rue, Emmanuel Macron est l’un des artisans du texte. Le candidat d’En Marche ! est cohérent avec lui-même : il souhaite conserver la loi Travail telle quelle. Il propose toutefois que les accords de branche et d’entreprise prennent le pas sur la loi. Ainsi, il veut que le temps de travail puisse être modulé au plus près des besoins des secteurs d’activité, des entreprises. Voire même des travailleurs puisqu’il envisage par exemple que les plus de 50 ans aient un temps de travail allégé par rapport aux jeunes.

Celui qui veut aller encore plus loin

François Fillon promet que s’il est élu, il fera voter rapidement une "grande loi Travail". Le Code du Travail sera limité aux normes sociales fondamentales et priorité sera donnée à la négociation collective, si possible directement au niveau de l’entreprise. Cette nouvelle mouture de la loi Travail comprendra la suppression de la durée légale du travail à 35 heures, charge aux entreprises de fixer la durée qui leur convient par le biais d’un accord (sans dépasser la limite légale de 48 heures sur une semaine ou 44 heures en moyenne sur 12 semaines).

Parmi les autres mesures envisagées par le candidat Les Républicains : rénovation du contrat de travail, introduction du motif de réorganisation de l'entreprise dans les procédures de licenciement collectif, le plafonnement des indemnités prud’homales, le doublement des seuils sociaux pour faciliter l’embauche dans les petites entreprises…

Celui qui veut la réécrire

Lors de la primaire de la gauche, Benoît Hamon proposait d’"abroger immédiatement la loi Travail" et de "rétablir la hiérarchie des normes afin que notre Code du Travail continue de prévaloir sur les accords négociés par les branches et les entreprises, sauf lorsque les accords apportent une protection supplémentaire aux salarié.e.s".

Désormais candidat du PS à l’élection présidentielle, Benoît Hamon ne parle plus explicitement d’abrogation de la loi El Khomri mais plutôt d’une réécriture. "Nous remplacerons la loi Travail par une nouvelle loi, qui, en concertation avec les partenaires sociaux, encouragera la poursuite de la réduction collective du temps de travail sur la base du volontariat et par la négociation, renforcera le compte pénibilité et le compte personnel d’activité, confortera le droit à la déconnexion, rétablira le principe de faveur", détaille-t-il dans son projet présidentiel. Ce nouveau texte conserverait certains points de la loi Travail jugés positifs par Benoît Hamon, le droit à la déconnexion par exemple.

Ceux qui veulent l’abroger

  • Jean-Luc Mélenchon

Sans surprise, Jean-Luc Mélenchon compte abroger la loi Travail dès son arrivée au pouvoir. Son objectif est de "rétablir la hiérarchie des normes sociales" et le principe de faveur afin d’assurer aux salariés la meilleure protection possible. Pour le candidat de la France insoumise, "l’accord d’entreprise ne doit primer que s’il est plus favorable aux salariés" que l’accord de branche ou la loi.

Jean-Luc Mélenchon veut faire graver dans le marbre le CDI en tant que norme du contrat de travail, empêcher les licenciements boursiers et donner plus de poids aux salariés dans la prise de décisions stratégiques pour l’entreprise.

  • Philippe Poutou et Nathalie Arthaud

Tous deux étaient dans les cortèges des manifestations contre la loi Travail et sont donc logiquement en faveur de la suppression du texte. Philippe Poutou estime dans son programme que la loi El Khomri n’a fait qu’"accentuer la précarité au travail". Le candidat du Nouveau parti anticapitaliste milite pour que le CDI devienne le seul contrat possible et que les licenciements soient interdits.

Nathalie Arthaud estime, elle, que la loi Travail a été "dictée par le grand patronat français". Le programme de Lutte ouvrière en la matière est identique à celui de Philippe Poutou, avec une particularité puisque Nathalie Arthaud réclame un "contrôle des travailleurs sur l’entreprise".

  • Marine Le Pen

Le programme de Marine Le Pen est clair. La candidate Front national veut "Retirer la loi Travail (dite loi El Khomri)", purement et simplement. Lors des débats du printemps 2016, elle estimait que le texte, modèle de "précarisation et de dérégulation du travail" était dicté par Bruxelles. Elle ne compte pas laisser un espace vide pour autant.

Marine Le Pen est favorable à un allègement de la "complexité administrative et fiscale pesant sur les TPE-PME". Elle compte notamment créer un "chèque emploi" pour les petites entreprises et remplacer le compte pénibilité par une évaluation personnalisée.

  • François Asselineau

Comme Marine Le Pen, François Asselineau, candidat de l’UPR, entend lui aussi abroger la loi Travail, au motif qu’elle est une "application servile des exigences de Bruxelles". Il veut garantir une "protection accrue du statut du salariat" et "rendre la réglementation du travail intelligible aussi bien pour l’employeur que pour le salarié", en réduisant "substantiellement" le nombre de normes.

Ceux qui n’en font pas un cheval de bataille

  • Jean Lassalle

Alors que la contestation contre la loi Travail battait son plein l’an dernier, Jean Lassalle avait surpris son monde à l’Assemblée en rendant hommage à l’action de la CGT pour proposer une vision différente du droit du travail. Le député centriste avait également signé la motion de censure contre le gouvernement en mai.

Jean Lassalle est opposé à la loi Travail, il l’a fait savoir dans l’hémicycle, au titre qu’elle favorise les grosses entreprises. Mais son programme présidentiel est plus flou puisqu’il ne mentionne jamais une éventuelle abrogation de la loi Travail.

  • Nicolas Dupont-Aignan

Le président de Debout la France ! avait vivement critiqué le gouvernement à l’époque des débats sur la loi Travail. Il jugeait le texte inutile et regrettait que les ministres n’écoutent pas la protestation de la rue. Cependant, Nicolas Dupont-Aignan n’évoque pas ce qu’il compte faire de la loi Travail s’il est élu.

Son projet présidentiel présente malgré tout plusieurs mesures pour réformer le travail : égalité hommes/femmes au bout de cinq ans, retour de la "participation gaullienne" des salariés, relèvement des seuils sociaux de 50%, simplification des démarches administratives…

  • Jacques Cheminade

S’il est élu, Jacques Cheminade demandera au Parlement d’abroger la loi El Khomri et maintiendra la durée légale du travail à 35 heures. Les heures supplémentaires seront rémunérées "avec une hausse de 25 % du salaire jusqu’aux huit premières heures hebdomadaires" et défiscalisées.

Mais le président du parti Solidarité et progrès évoque aussi la possibilité de "faire le tri" dans la loi El Khomri, après l’avoir "examinée de près". L’abrogation ne figure pas au programme de ses 100 premiers jours à l’Élysée, ni dans les tracts présentant son programme présidentiel.