Renault connaît d'importantes difficultés financières. 3:40
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Antoine Terrel avec , modifié à
Invité vendredi d'Europe 1, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a indiqué qu'il attendait de Renault, qui connaît d'importantes difficultés financières, d'être "en pointe" dans la fabrication de véhicules électriques. Mais "ces voitures coûtent plus cher, et sont moins rentables pour les constructeurs", rappelle un spécialiste du secteur sur Europe 1.
DÉCRYPTAGE

En laissant entendre que son aide à Renault pourrait être accordée sous certaines conditions, le gouvernement a durci le ton face au constructeur automobile en détresse, alors que, selon les informations d'Europe 1, le constructeur va fermer au moins trois sites : Choisy-le-Roi, les Fonderies de Bretagne et l'usine de Dieppe, dans le cadre d'un vaste plan d'économies. Après avoir rappelé dans LeFigaro qu'il n'avait "pas encore signé" le prêt bancaire d'environ 5 milliards d'euros garanti par l'État français, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a en effet prévenu vendredi sur Europe 1 qu'il attendait notamment des engagements sur la construction de véhicules électriques. 

Qu'à dit Bruno Le Maire ? 

Invité vendredi de la matinale d'Europe 1, le ministre de l'Économie a réaffirmé son souhait de voir Renault s'engager plus fortement dans la production de véhicules électrique. "La stratégie qui nous parait la bonne, comme État actionnaire, est de faire de Renault un des constructeurs les plus avancés technologiquement de la planète, et qui soit en pointe sur le véhicule électrique", a-t-il indiqué au micro de Sonia Mabrouk. Mais, a-t-il ajouté, "cela suppose de réorganiser sa chaîne de production en France et dans le monde, pour pouvoir être plus efficace".

Pour cela, a conclu le ministre, "nous avons besoin d'engagements clairs, notamment sur l'alliance des batteries électriques, qu'on a créé avec Peugeot et Total. Nous souhaitons que Renault devienne actionnaire a part entière de cette alliance". "Renault peut disparaître, les grands constructeurs industriels peuvent disparaître, il faut être lucide", a encore martelé le ministre sur notre antenne. 

Un intérêt stratégique pour un gouvernement en quête de relocalisations

Cette mise sous pression de la part du gouvernement doit notamment permettre à l'exécutif de ne pas perdre la face, à l'heure où il ne cesse d'afficher ses objectifs de plus de souveraineté économique. "On voit bien l'embarras du gouvernement", note Axel de Tarlé, éditorialiste économie d'Europe 1. "Il parle de 'made in France', de relocalisations, de souveraineté économique, et aide Renault, qui lui ferme ses usines. Ce n'est pas très cohérent avec tout ce discours sur la localisation de l'outil industriel."

Axel de Tarlé rappelle également qu'avant l'épidémie de coronavirus, le ministre de l'Économie avait lancé "un Airbus des batteries", avec son alliance des batteries électriques, que l'Allemagne à vocation à rejoindre, et que "Renault avait refusé de s'y associer". "Bruno Le Maire a donc un moyen de pression avec cette aide de 5 milliards d'euros, et il peut dire : 'Je la signerai dès que vous accepterez de rejoindre Total et Peugeot pour fabriquer en France des batteries'", analyse Axel de Tarlé.

Économiquement, "ce n'est pas neutre", dit encore notre éditorialiste, car la batterie "représente 40% de la valeur d'une voiture. Donc on comprend bien que l'Europe, si elle perd les batteries, perd la maîtrise de cette filière automobile", alors qu'"aujourd'hui, toutes les batteries sont fabriquées en Asie". 

Les voitures électriques "coûtent plus cher pour les constructeurs" 

Mais l'électrique est-il vraiment ce qu'il faut à Renault ? Au micro d'Europe 1, Flavien Neuvy, directeur de l'observatoire Cetelem de l'automobile, se montre lui sceptique sur les chances du groupe d'avancer rapidement sur ce sujet. S'il rappelle que Renault "avait pris un coup d'avance sur l'électrique, en lançant la 'Zoé' il y a quelques années, quand personne n'y croyait", il indique aussitôt que depuis, "Renault n'a pas lancé de nouveau modèle 100% électrique". Par ailleurs, ajoute ce spécialiste, "la concurrence s'est renforcée du côté des constructeurs germaniques qui ont prévu de lancer énormément de modèles". 

Alors que le lancement d'un modèle électrique est très cher, "avec les difficultés que rencontre Renault et l'industrie automobile dans son ensemble, investir des centaines de millions d'euros dans des modèles électriques, c'est compliqué", explique encore Flavien Neuvy. "En France, les pouvoirs publics poussent les constructeurs à fabriquer des véhicules électriques, mais ces voitures coûtent plus cher, et sont moins rentables pour les constructeurs". Et de conclure : "Pour le moment, la technique progresse, mais elle n'est pas encore suffisamment mature pour permettre aux constructeurs d'avoir les mêmes marges que sur les véhicules thermiques."