"Il y a trop peu de modèles féminins" : dans les start-up, les femmes cherchent du soutien

Station F
En 2020, 4% des start-up ont été fondées par des équipes exclusivement féminines. © BERTRAND GUAY / AFP
  • Copié
, modifié à
La parité en entreprise progresse en France mais certains secteurs sont en retard. C'est le cas de la tech, où seule une start-up sur cinq compte une femme parmi les fondateurs. En cette journée internationale des droits des femmes, Europe 1 donne la parole à Lara Khanafer, qui a fondé sa start-up et veut servir de modèle aux jeunes filles.
TÉMOIGNAGE

Le 8 mars marque traditionnellement la journée internationale des droits de la femme. Et parmi ces droits, il y a celui à une représentation et un traitement paritaire en entreprise. Cette problématique progresse année après année en France, même si cela reste assez lent dans les grands groupes. La tech est régulièrement pointée du doigt pour son retard. Seulement 4% des start-up fondées en 2020 l'ont été par des femmes, et 17% par des équipes mixtes, selon le baromètre annuel de Sista et du Boston Consulting Group. "C'est dommage qu'il y ait très peu de femmes dans la tech", déplore Lara Khanafer, fondatrice de la start-up Kara.AI. Au micro d'Europe 1, elle appelle les jeunes filles à la rejoindre.

Une situation qui s'améliore lentement

Aujourd'hui âgée de 35 ans, Lara Khanafer a derrière elle un long parcours dans l'écosystème de la tech française : import-export de matériel informatique, chasseuse de tête, passage par des sociétés éditrices de logiciels professionnels... "J'ai toujours travaillé avec beaucoup plus d'hommes, je faisais toujours partie des 10% de femmes dans les endroits où je suis passée. En tant que tel, ça n'a pas été un problème pour moi. Le seul moment où je l'ai ressenti c'est quand j'ai eu un enfant. Là, on sent qu'on est une femme", retrace l'entrepreneure. 

De fait, si le bilan 2020 de Sista est meilleur qu'en 2019 dan la tech, il est encore loin d'être satisfaisant. "Ce qui évolue c'est qu'on parle de plus en plus de la place des femmes. On en parle entre nous, il y a beaucoup de solidarité entre femmes mais aussi entre hommes et femmes dans ce milieu", note Lara Khanafer. Finalement, il y a deux ans, elle a décidé de créer sa start-up, une société qui fournit des logiciels de gestion des ventes pour les commerciaux. "Ça permet d'avoir de l'influence car la voix de l'entreprise, quand on communique, c'est la mienne, celle d'une femme", affirme-t-elle.

Trop peu de modèles d'entrepreneures à succès

L'entrepreneure a créé une start-up florissante, composée aujourd'hui de sept personnes : la cofondatrice, ses deux associés et quatre employés. Lara Khanafer est la seule femme. Ce qui ne l'a pas empêché de développer son business et de réussir une levée de fonds. "Quand j'ai monté ma boîte, le plus gros obstacle a été de ne pas avoir de modèle féminin. C'est important d'avoir des gens qui nous ressemblent, auxquels on peut s'identifier. Et il y a très peu de femmes dont on peut s'inspirer dans la tech", regrette-t-elle. "Les femmes qui m'inspirent le plus, je les trouve dans la littérature..."

Là où les hommes peuvent s'inspirer de Steve Jobs, Bill Gates, Mark Zuckerberg, Elon Musk et des tas d'autres patrons glorifiés pour leurs succès, les femmes, elles, doivent se contenter de Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook et l'une des rares figures de proue de la tech au féminin. "C'est trop peu et trop loin pour nous. Moi, je connais bien ce milieu, j'en maîtrise les codes. Mais ce n'est pas les cas de celles qui débutent. En créant ma start-up, je voulais aussi remédier à ce problème de modèles. Je veux montrer aux jeunes filles que la tech est un monde accessible", martèle Lara Khanafer.

Un débat de société nécessaire pour l'avenir de la tech

La patronne de Kara.AI veut aussi battre en brèche les clichés qui entourent parfois le monde des start-up. "Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas beaucoup de femmes que c'est un milieu machiste. Je ne connais aucune entreprise qui n'a pas envie de recruter des femmes, au contraire", assure-t-elle. Pour l'entrepreneure, la place des femmes est un débat qui va bien au-delà du monde du travail. "Plutôt que de pointer du doigt les entreprises, il faut s'interroger au niveau de la société pourquoi il y trop peu de femmes dans certains secteurs ou à des postes de direction", estime Lara Khanafer. 

Pour elle, le manque de femmes dans la tech engendre des biais. "Les applications que l'on utilise tous les jours ne sont pensées que par des hommes, c'est problématique. C'est là que le présent est en train de se faire, et le futur aussi. Ce serait vraiment dommage que la moitié de la population n'y participe pas", déplore la patronne. "Globalement, il faut plus de diversité de genre mais aussi d'origine sociale dans tous les discours que l'on entend."

Alors que dirait-elle à une jeune fille qui hésite à créer sa start-up ? "Je lui conseillerais de tuer la peur d'être seule, de tuer la peur de ne pas être aimée, de ne pas hésiter à demander de l'aide, de se faire confiance sur ce qu'elle croit, sur ce qu'elle décide de faire, dans quel ordre et avec qui. Et qu'elle n'hésite pas à échanger avec des femmes ET des hommes. S'il y a une curiosité, il ne faut pas se restreindre", enjoint Lara Khanafer. "Que toutes ces jeunes filles viennent me parler sur LinkedIn. Je serai ravie de les aider et je ne suis pas la seule."