Emploi : quels enseignements tirer de l'embellie du marché du travail ?

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Nicolas Bouzou
Lors de l'année 2021, 650.000 emplois ont été créés dans le secteur privé. Si ce chiffre semble être une bonne nouvelle, pour notre éditorialiste Nicolas Bouzou, il cache d'autres réalités : les entreprises créent beaucoup d'emploi par rapport à leur activité, le halo du chômage reste élevé et les emplois peu qualifiés, eux, ne progressent pas.
EDITO

En 2021, l'économie française a créé 650.000 emplois dans le secteur privé. Il faut remonter à l'année 2001 pour retrouver un tel chiffre. C'est vraiment un exploit. Ce qu'on peut remarquer, quand même, c'est que le bilan est bon. 300.000 emplois salariés - des équivalents temps-plein - ont été créés dans le secteur privé. 

C'est une performance remarquable. Alors quand on regarde les chiffres attentivement, beaucoup de ces emplois sont de l'intérim. Mais ce phénomène est habituel lors des périodes de reprise. Même l'emploi industriel reprend. Pour être tout à fait précis, nous n'avons pas retrouvé le niveau d'avant crise en matière d'emplois industriels, mais le nombre d'emplois remonte quand même depuis un mois.

Qui l'aurait cru il y a douze mois ?

Si on vous avait dit, il y a un an, que nous traverserions la crise économique la plus grave depuis huit décennies et que nous retrouverions, douze mois plus tard, un marché du travail à un niveau record, avec de surcroît des pénuries de main d'oeuvre, est-ce que vous l'auriez cru ? Non, assurément.

Cette progression de l'emploi est surprenante car l'économie française n'a pas retrouvé son niveau de 2019. Ces chiffres sont donc presque trop beaux. Ce que je veux dire par là, c'est que l'emploi va plus vite que l'activité économique. Techniquement, ça veut dire que la productivité des emplois diminue, et qu'elle est basse. 

Les entreprises créent beaucoup d'emplois par rapport à leur activité

En fait, les entreprises créent énormément d'emplois par rapport à leur activité. Cela signifie deux choses pour les trimestres et les années qui viennent. La première, c'est qu'on va probablement avoir un ralentissement du rythme de ces créations d'emplois. Il faut s'y attendre. Le deuxième enseignement de ce phénomène, c'est que ces emplois créés ne sont pas très bien payés. Et ça, c'est un souci pour le pouvoir d'achat.

C'est la raison pour laquelle on peut penser que le pouvoir d'achat va devenir le sujet économique et social numéro un, avant même la crainte du chômage. Dans le Journal du dimanche du 6 février, Agnès Verdier-Molinié exprimait ses doutes sur les chiffres du chômage. Elle a affirmé que le "halo du chômage" restait élevé.

Elle a tout à fait raison. Le halo du chômage, ce sont les personnes sans emploi qui ne sont pas disponibles ou qui ne cherchent pas véritablement un emploi et qui ne sont pas comptabilisées correctement. Cela représente à peu près 1,9 million de personnes. Mais selon l'Insee, ce halo a baissé très vite au troisième trimestre de 2021. Il a baissé de 175.000 personnes. 

On a un problème sur le marché du travail qui est celui des personnes les moins qualifiées qui n'ont pas eu la chance d'avoir une bonne formation initiale. Là, on a un taux d'activité qui est incroyablement faible. Ça devrait être la priorité pour le prochain quinquennat. Mais globalement, on a fait depuis quinze ans de très bonnes réformes sur le marché du travail. On l'a rendu plus flexible, et ça marche : le marché du travail est incroyablement dynamique après une crise incroyablement grave.