Elisabeth Borne 1:09
  • Copié
avec AFP
L'année 2021 aura été un très bon cru pour les créations d'emplois: avec près de 650.000 créations nettes, le niveau d'emploi du privé dépasse de près de 300.000 emplois son niveau d'avant-crise, selon l'estimation provisoire publiée vendredi par l'Insee.

L'année 2021 aura été un très bon cru pour les créations d'emplois: avec près de 650.000 créations nettes, le niveau d'emploi du privé dépasse de près de 300.000 emplois son niveau d'avant-crise, selon l'estimation provisoire publiée vendredi par l'Insee. Le secteur privé a enregistré précisément 648.200 créations nettes de postes sur un an à la fin de l'année 2021 (+3,3%), selon l'Institut national de la statistique et des études économiques.

Une "reprise exceptionnelle"

Au total, fin 2021, l'emploi salarié privé dépasse de 1,5% (soit +297.300 emplois) son niveau d'avant-crise, fin 2019. La ministre du Travail Elisabeth Borne a aussitôt salué sur Twitter une "reprise exceptionnelle".

C'est "un peu supérieur" à ce qui avait été anticipé, explique à l'AFP Sylvain Larrieu, chef de la division Synthèse et conjoncture du marché du travail de l'Insee.

Il note que la création de quelque 650.000 emplois sur un an est "inédite" en nombre, même si en pourcentage, avec 3,3%, la progression était "encore plus dynamique en 2000" avec 3,9%. Mais, ajoute l'expert de l'Insee, la situation est "assez différente car la hausse de 3,3% représente le rebond par rapport à l'année 2020, qui était une année de crise, alors qu'en 2000", cela suivait une année de "très forte croissance".

En 2020, l'emploi salarié privé avait perdu quelque 350.000 postes (-1,8%), rappelle M. Larrieu, se fondant sur des chiffres révisés. "On est agréablement surpris par le dynamisme de l'emploi", salue également Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, notant que "cela retrace ce que l'on voit du côté du chômage avec une tendance à la baisse et les tensions sur le recrutement".

Pour le seul dernier trimestre de 2021, l'emploi du privé a augmenté de 0,5% (+106.700), comme au trimestre précédent. Il est "fortement tiré par l'emploi intérimaire", qui enregistre "un vrai bond de 9,1%" (+71.100 emplois), souligne M. Larrieu. Cela représente "les deux-tiers de la hausse totale" sur le trimestre.

Fin 2021, l'emploi intérimaire se situe ainsi 8,2% au-dessus de son niveau d'avant-crise (+64.500 emplois). Pour l'expert de l'Insee, ce boom peut être lié à des facteurs "très conjoncturels", par exemple des personnes absentes de leur emploi pour "congé maladie, ou à l'isolement", ces personnes étant toujours comptabilisées mais ayant peut-être nécessité de recruter "des contrats courts pour les remplacer".

"Retrouver nos petits"

Hors intérim, l'emploi salarié privé dépasse son niveau d'avant-crise dans tous les secteurs sauf l'industrie, où il reste inférieur de -1,2% par rapport à fin 2019 (-38.200 emplois). Dans le tertiaire marchand hors intérim, secteur très marqué par les mesures de restrictions sanitaires, il dépasse son niveau de fin 2019 de 1,3% (soit +154.300 emplois).

Dans la construction, l'emploi salarié privé se stabilise (0%), mais reste largement au-dessus de son niveau d'avant-crise: +4,5% (+65.000). Enfin, dans le tertiaire non marchand, il baisse légèrement au 4e trimestre (-0,2%), dépassant de 2% son niveau de fin 2019 (+49.900).

Pour la suite, un ralentissement est "probable", selon M. Larrieu. Mathieu Plane souligne qu'avoir un niveau d'emploi salarié privé "300.000 au dessus de son niveau d'avant-crise, est une très bonne performance", mais note que "ça interroge sur le contenu en emploi". Dans la construction, exemple "le plus frappant", le niveau d'emploi a ainsi augmenté de 4,5% et la valeur ajoutée de seulement 1,4%, ce qui traduit "des pertes de productivité", explique-t-il.

"On a du mal à retrouver nos petits. Il y a une forme de déconnexion dans certains secteurs entre le niveau de valeur ajoutée et l'emploi", insiste l'économiste.

Il évoque plusieurs explications possibles: des dispositifs d'aide assez généreux dans certains secteurs ayant favorisé les embauches, le fait que les contraintes sanitaires désorganisent les entreprises et font qu'il y a "besoin de plus de personnes pour faire la même chose", ou encore que les tensions sur le marché du travail font que les entreprises conservent des emplois "par précaution".

Et de souligner que "la question pour l'après, est: est-ce que les entreprises vont chercher à récupérer cette perte de productivité?".