Axa a été condamné dans certains jugements face à des restaurateurs mais l'a également emporté dans d'autres dossiers. 1:34
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Un restaurateur des Bouches-du-Rhône a obtenu du tribunal de commerce de Tarascon qu'il condamne l'assureur Axa qui refusait de l'indemniser. L'argument d'Axa, selon lequel la pandémie de Covid-19 ne colle pas à la définition d'une épidémie telle qu'elle est inscrite dans le contrat, a été jugé caduc. Le jugement pourrait faire jurisprudence.
DÉCRYPTAGE

C’est une décision de justice qui devrait intéresser tous les restaurateurs pénalisés par le Covid-19. Le tribunal de commerce de Tarascon a condamné lundi l’assureur Axa à indemniser un restaurateur des Alpilles pour ses pertes liées au coronavirus. Jean-Michel Alazard, le propriétaire de La Bergerie, à Mouriès, dans les Bouches-du-Rhône, avait attaqué son assureur, estimant que son contrat lui permettait d'être couvert en cas d'épidémie. Mais Axa se défendait en invoquant une acception différente du terme. Le jugement pourrait faire jurisprudence alors que plusieurs restaurateurs ont porté leur cas devant la justice.

Un "soulagement" pour le restaurateur

Dans ce dossier, tout est question d’interprétation. Jean-Michel Alazard a attaqué son assureur Axa, qu’il accuse de n’avoir pas respecté ses engagements. Le contrat qui les lie prévoyait en effet l'indemnisation des pertes d'exploitation due à une fermeture "prise par une autorité administrative compétente", fermeture qui serait notamment "la conséquence d'une épidémie". Sauf qu’Axa a fait jouer une clause d'exclusion de garantie inscrite dans le contrat, écartant l’indemnisation dans le cas où la décision de fermeture concernerait au moins un autre établissement dans le même département que celui de l'établissement assuré.

Une situation qui s'est évidemment produite lors du confinement national en mars. Mais le tribunal a jugé que la clause en question "aurait nécessairement pour effet de vider de sa substance la garantie due par Axa". Autrement dit, qu'elle n'est pas compatible avec la notion d’épidémie. Il a donc condamné l'assureur à verser 114.105 euros au restaurateur. "Je suis soulagé et très heureux. Enfin la boule au ventre est partie", réagit Jean-Michel Alazard au micro d'Europe 1. "On a perdu énormément pendant ces trois mois de fermeture, là c'est compliqué de travailler quasiment pour rien. Cette somme d'argent va nous permettre de reprendre des forces avant d'attaquer la deuxième partie du Covid."

Vers une jurisprudence en faveur des restaurateurs ?

L'avocat du restaurateur, Me Jean-Pierre Tertian espère désormais que la décision fera jurisprudence, alors qu'Axa est poursuivi par plusieurs restaurateurs, dont certains ont été déboutés. "Si j'ai engagé cette action, c'est parce que je pense qu'effectivement un assureur ne peut pas garantir une perte d'exploitation suite à fermeture pour épidémie et limiter cette épidémie au seul établissement concerné", affirme-t-il. "Le tribunal a considéré que la notion d'épidémie, tant qu'elle n'est pas définie contractuellement, devait être la plus commune, c'est-à-dire la propagation en très grand nombre d'une maladie contagieuse. On ne parle donc plus de listériose ou de légionellose."

"Moi, ça va aider mon entreprise. Mais j'espère que ça va aussi sauver des confrères à moi", avance Jean-Michel Alazard. "On fait un beau métier, on essaye d'assurer une belle prestation même avec les mesures sanitaires. On veut retrouver la dynamique qu'on avait avant le Covid. Donc j'espère que ce jugement va aider énormément de monde", ajoute-t-il.

Un propriétaire de plusieurs établissements parisiens et un couple de restaurateurs du Beaujolais avaient déjà obtenu gain de cause devant la justice avant l'été, pour des dossiers similaires. En revanche, le chef étoilé Michel Sarran, à Toulouse, a été débouté mi-août. Et c'est pourquoi il faut rester prudent vis-à-vis d'une éventuelle jurisprudence. Dans la foulée du jugement de Tarascon, un autre a été rendu à Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, pour un cas similaire. Et le restaurateur, également assuré par Axa, a été débouté.

Deux tribunaux, deux interprétations d'une même clause

Le tribunal de Bourg-en-Bresse a estimé que la clause d'exclusion de garantie "définit les conditions précises de son champ d'application et restreint le périmètre géographique au même département que l'établissement concerné". "Le tribunal relève également que les termes employés dans la clause d'exclusion sont parfaitement compréhensibles et permettaient à l'assuré de connaître les limites de la couverture qui lui était octroyée", note-t-il aussi dans son jugement.

"Nous prenons acte avec satisfaction du jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse qui vient confirmer la validité de la clause d'exclusion de notre contrat standard de façon extrêmement claire et motivée", a réagi une porte-parole d'Axa auprès de l'AFP. "Notre contrat prévoit très explicitement que les fermetures administratives affectant plusieurs établissements pour la même raison dans un même département ne sont pas couvertes", a-t-elle rappelé.