La France a-t-elle déjà perdu son triple A ?

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Politiques et économiste divergent : l’indignation des premiers contraste avec l’analyse des seconds.

L'agence de notation Standard and Poor's (S&P) a provoqué un tollé jeudi en annonçant par erreur que la France avait perdu son précieux "triple A", qui permet d’emprunter sur les marchés de l’argent aux meilleurs conditions. L’agence de notation a depuis corrigé le tir et s’est excusé de "cet incident".

Mais si le gouvernement et la majorité ont vivement contesté cette annonce, plusieurs observateurs ont jugé la dégradation crédible et répété qu’il ne s’agissait que d’une question de temps. Faut-il alors voir dans la dégradation de la note française une simple erreur technique ou une annonce communiquée trop tôt ?

Les politiques se veulent rassurant

La fausse annonce de S&P rendue publique, les ministres français des Finances et du Budget François Baroin et Valérie Pécresse ont aussitôt dénoncé "des propos irresponsables car ils sont faux : aujourd'hui nous faisons tout pour garder ce triple A".Le patron de l'UMP Jean-François Copé leur a emboité le pas en fustigeant une "situation d'imprécision et de non professionnalisme", avant de lancer : "c'est un peu un festival !".

Le commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier, y a lui aussi vu un "incident grave" avant de rappeler que "les acteurs de ces marchés doivent faire la preuve d'une rigueur et d'un sens particulier de la responsabilité". La président du Medef a elle aussi rejoint le concert des indignés, jugeant sur Twitter cette erreur "scandaleuse" avant d’estimer "urgent de penser une instance internationale de contrôle des agences de notation".

Pour François Hollande, pas de doute : "les marchés ont déjà anticipé" une dégradation de la note française, a-t-il affirmé vendredi. "Nous payons nos emprunts d'Etat avec un taux d'intérêt supérieur aux Allemands. D'une certains façon, c'est comme si nous étions déjà dégradés". "Mais nous ne sommes pas encore", a-t-il poursuivi, ajoutant qu'il ne le souhaitait pas.

"10 ans que la France ne mérite plus son triple A"

Les économistes, eux, ne sont pas vraiment surpris par cette affaire."Cela fait 10 ans que la France ne mérite plus son triple A, il faut être clair : en termes de dérapages budgétaires, on ne mérite pas notre triple A depuis déjà une dizaine d’années", a affirmé de manière abrupte Marc Touati, économiste chez Assya Compagnie financière.

"Comme la croissance n’est pas au rendez-vous et qu’on a continué à augmenter la dette publique, évidemment que notre triple A est menacé, sachant que les agences de notation ont été très conciliantes à notre égard", a-t-il poursuivi sur Europe 1, avant de conclure : "la question n’est donc pas de savoir si la France va perdre le triple A, c’est quasiment fait, la question est quand ?"

"On emprunte déjà comme si nous n'étions plus triple A"

"Quelle est la conséquence de la baisse d’une notation ? C’est le fait qu’on emprunte plus cher. On emprunte déjà comme si nous n'étions plus triple A mais simplement double A", a renchéri Jacques Attali, vendredi matin sur Europe 1.

"Toutes ces rumeurs sur le triple A de la France, c'est n'importe quoi", a nuancé vendredi sur Europe 1 Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE et enseignant à Paris IX - Dauphine. "Il n'y a strictement aucun risque que des pays comme l'Italie, l'Allemagne ou la France puissent ne pas régler leurs dettes publiques", a-t-il ajouté, avant de conclure : "le monde la finance joue à faire de la volatilité pour gagner de l'argent au détriment des États".

Au-delà du débat sur le contrôle des agences de notation, cette alerte n’est pas la première. L’agence Moody’s a déjà prévenu à la mi-octobre : elle se donne trois mois pour déterminer si la France mérite toujours son triple A. De nombreux économistes n’ont donc pas été surpris par l’erreur de S&P et considèrent que ce n’est qu’une question de temps.