Le festival de l'île de Wight, 50 ans après : Richie Havens, l'homme qui a ouvert Woodstock

Le concert de Richie Havens à Woodstock a été un tournant crucial dans sa carrière. © Capture d'écran Youtube
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Jean-François Pérès , modifié à

Chaque soir cet été, Europe 1 vous emmène en 1970, sur l'île de Wight, qui accueille alors un immense festival de musique pour la troisième année consécutive. Un an après Woodstock, cette édition restera gravée dans les mémoires avec des prestations et des groupes inoubliables. Dans ce quinzième épisode, coup de projecteur sur celui qui va clôturer cinq jours de musique et de chaos : Richie Havens.

Le festival de l’Île de Wight, créé en 1968, connaît son apogée en 1970, lorsque près de 600.000 spectateurs se rassemblent sur ce bout de terre au sud du Royaume-Uni. Cinquante ans après, Europe 1 revient sur les différents concerts donnés pour ce qui fut, un an après Woodstock, l'un des derniers grands rendez-vous hippies. Ce vendredi, Europe 1 s'intéresse à Richie Havens, musicien génial propulsé par Woodstock.

Aucun enregistrement de son passage à Wight

À Woodstock l’année précédente, il avait été "à jamais le premier", celui qui avait ouvert le festival, seul avec sa guitare et ses deux compères. Cette fois, symboliquement, c’est lui qui clôture cinq jours de musique et de chaos. Nous sommes le lundi 31 août 1970 aux alentours de 6 heures du matin (eh oui, les grands festivals de rock, c’est comme chez le médecin : le dernier arrivé subit tous les retards accumulés).

Alors que des centaines de milliers de spectateurs reprennent le chemin de la maison ou de l’errance, le grand homme noir s’avance sous un ciel plombé. Aucun enregistrement n’existe de ce concert qui va durer environ une heure, et c’est dommage, car les témoins disent tous avoir vécu un moment d’exception. 

On sait tout de même les morceaux qui ont été joués. Parmi eux, l’un de ses plus célèbres, une reprise des Beatles qu’il aime tant : "Here Comes The Sun". Le jour se lève une dernière fois sur le festival de l’île de Wight…

Musicien technique et reprises 

Une voix à la fois chaude, profonde et râpeuse, une technique de guitare incroyable avec un pouce qui coulisse sur le manche à la place des autres doigts, un pied gauche qui lui sert de métronome… Richie Havens était un musicien et un homme à part.

Aîné d'une famille de 9 enfants dans le Brooklyn de la seconde guerre mondiale, pionnier avec Bob Dylan et d'autres du Greenwich Village à New York, là où tous les jeunes poètes et musiciens beatniks se rencontraient et jouaient dans des cafés, il publie son premier véritable disque en 1967 sur le mythique label Verve.

Un disque avec déjà des reprises - ce sera sa marque de fabrique -, mais qu’il retravaille à sa façon et se réapproprie comme s’il s’agissait de ses propres compositions, avec toujours beaucoup d’émotion et de sincérité. En voilà un autre magnifique exemple : "Just Like a Woman", un classique de Bob Dylan.

Propulsé par Woodstock

Quasi inconnu avant Woodstock, Richie Havens accède à une notoriété qu'il n'a pas forcément voulue. Il fonde sa propre maison de disques au nom déjà très écolo, Stormy Forest, "la forêt sous l’orage", fonde un musée océanographique dans le Bronx à New York et passe beaucoup de temps auprès des enfants pour leur enseigner la responsabilité environnementale et les menaces qui planent sur le climat, déjà dans les années 1970 !

Extrêmement respecté dans le milieu des artistes, il sort régulièrement des disques d'une qualité jamais démentie. Le Dalaï-Lama lui-même lui réclame une chanson un soir à Los Angeles. Et puis en France, on l'a un peu oublié, il participe à la cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes en 2008 pour son ami Sean Penn : présenté comme une légende par Édouard Baer, il interprète son morceau fétiche, "Freedom", toujours aussi fidèle à ses idéaux.

Une trentaine d'albums

Richie Havens s'éteint chez lui, en 2013 à 72 ans. Il laisse une trentaine d'albums derrière lui, en studio ou en concert, où il excellait : en voici une nouvelle preuve avec un moment toujours très attendu de son répertoire, capté en 1972, "High Flyin' Bird".

En 1999, Richie Havens avait publié sa biographie, They Can't Hide Us Anymore, "ils ne peuvent plus nous cacher". Il y racontait son expérience presque mystique de chanter devant des centaines de milliers de personnes pour délivrer un message de paix et de fraternité. Son héritage musical et politique fait de lui un artiste unique, qu’il ouvre ou referme une série de portraits comme celle qui s’achève ce vendredi.

Après cette troisième édition chaotique et ruineuse pour ses organisateurs, il n’y aura plus de concert sur l’île de Wight pendant plus de 30 ans. L’histoire a repris dans les années 2000, de nouveau interrompue cette année pour cause de crise sanitaire, mais de retour en 2021 avec des têtes d’affiche déjà connues comme Lionel Richie, Duran Duran, les Happy Mondays ou encore Supergrass.