Didier Raoult commission d'enquête parlementaire 1:17
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Mathilde Durand, avec AFP
Face aux députés, le professeur Didier Raoult a accusé les membres du Conseil scientifique de conflit d'intérêts. Il annonce avoir observé "une obsession de vouloir traiter les gens avec le remdesivir", médicament fabriqué par le laboratoire Gilead, au détriment de l'hydroxychloroquine. 
DÉCRYPTAGE

C'est une polémique qui enfle depuis l'audition de Didier Raoult face aux députés mercredi après-midi. Face à la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion de la crise sanitaire du Covid-19, le professeur a accusé à plusieurs reprises les membres du Conseil scientifique d'entretenir des liens financiers avec les laboratoires pharmaceutiques. Des liens qui auraient influencé la gestion de l'épidémie de coronavirus, en poussant selon lui l'utilisation du médicament remdesivir, du laboratoire Gilead, au dépend de l'hydroxychloroquine, bien moins chère.

D'où vient cette polémique ? 

Auditionné par la commission d'enquête parlementaire, Didier Raoult n'a pas hésité à pointer du doigts certains membres du Conseil scientifique, qu'il accuse de conflit d'intérêts. L'infectiologue a également indiqué avoir observé "une obsession de vouloir traiter les gens avec le remdesivir". 

"Je ne dis pas qu'ils ont été achetés pour ça", a-t-il tempéré, évoquant "un écosystème", des "relations de familiarité" "de nature à changer le jugement des choses". Il a assuré avoir lui-même fait l'objet de menaces provenant de "celui qui avait reçu le plus d'argent de Gilead depuis six ans", sans le nommer.

De quels traitements parle-t-on ? 

Le remdesivir est un antiviral fabriqué par le laboratoire pharmaceutique Gilead utilisé contre la fièvre hémorragique Ebola. Son efficacité contre le Covid-19 reste modeste, mais a été prouvée dans un essai clinique de taille importante. L'agence européenne des médicaments a recommandé l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle du remdesivir.

Cette procédure permet de vendre pendant un an, à titre dérogatoire, un traitement dont l'évaluation n'est pas encore complète. Le prix de vente n'a pas encore été fixé et la Commission européenne doit encore approuver cette décision.

Du côté de la chloroquine et de son dérivé l'hydroxychloroquine, anti-paludéens vivement défendus par Didier Raoult, les résultats ne sont pas plus encourageants. Après la polémique autour de l'étude très critique parue dans la revue The Lancet, qui avait entraîné la suspension des prescriptions et des essais dans plusieurs pays, d'autres résultats ont été publiés.

Dans The New England Journal of Medecine, les auteurs relèvent des effets neutres de l'administration du traitement à des patients contaminés par le Covid-19. Plus récemment, une étude mise en ligne samedi mais pas encore publiée démontre les effets positifs de l'hydroxychloroquine sur le retour à la maison des patients, mais pas sur la mortalité.

La prescription de l'hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 pour les médecins de ville a été interdite pendant le confinement, étendue le 27 aux hôpitaux, sauf dans le cadre des essais cliniques. 

Que répond le gouvernement ? 

Les accusations de partialité du Conseil scientifique ont vivement fait réagir. Interrogé sur Europe 1 ce vendredi, Olivier Véran a nié avoir eu une recommandation du Conseil scientifique sur la question du remdesivir. "Il faut revoir encore davantage les liens entre l'industrie pharmaceutique et les médecins", a reconnu le ministre de la Santé. Mais pour autant, ajoute-t-il aussitôt, "aujourd'hui vous avez un encadrement par la loi, avec les déclarations publiques d'intérêt, qu'ont signé tous les membres du Conseil scientifique et sont par définition publiques". "Je ne laisserai pas salir la science par tel ou tel au prétexte qu'on veut faire valoir ses arguments", a ajouté le responsable politique. 

Face aux députés de la Commission, l'infectiologue Karine Lacombe a également démenti les accusations du professeur Raoult. "Je n'ai jamais eu le sentiment qu'il y ait eu un médicament plus poussé qu'un autre", a-t-elle affirmée.