Insep 4:50
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Laetitia Drevet
Alors que le patinage français est secoué par de récentes accusations de violences sexuelles, d'autres fédérations sportives entament elles aussi leurs introspections. Hélène Romano, qui a travaillé à l'Institut national du sport entre 1992 et 1994, témoigne vendredi au micro d'Europe 1 d'incidents ayant eu lieu à l'époque, et de l'inaction des responsables.
TÉMOIGNAGE

Alors que le patinage artistique est secoué par les révélations de Sarah Abitbol, qui accuse son ancien entraîneur Gilles Beyer de l’avoir violée à de multiples reprises, beaucoup de sportifs issus d’autres fédérations espèrent que la libération de la parole s’étendra à toutes les disciplines. Car l’affaire Abitbol pourrait bien être représentative d’une omerta plus globale dans le sport de haut niveau.

Hélène Romano, docteure en droit et psychopathologie, témoigne au micro d’Europe 1 de "choses glauques" et d'incidents signalés au sein de "l’environnement très particulier" de l'Insep, le prestigieux Institut national du sport, de l'expertise et de la performance, sorte de pépinière à talents du sport français. Elle y a travaillé en tant qu’attachée de séjour dans le service surveillance d’accueil, entre 1992 et 1994, et ses alertes sont restées lettres mortes.

"Une forme de toute-puissance"

Hélène Romano évoque au micro d'Europe 1 un "endroit extraordinaire", où il se passe des "choses très positives", comme des "choses glauques". "À l’époque, il était fréquent d’être interpellé en tant que surveillant par des sportifs mineurs ou de jeunes adultes qui disaient être embêtés par d’autres sportifs, ne pas vouloir aller dans tel bâtiment ou vouloir être raccompagné le soir", raconte Hélène Romano. "Ça, c’était du quotidien." Pour beaucoup de sportifs, être formé à l’Insep est une ambition de longue date. "C’est le graal, l'Insep, ce qui donne une forme de toute-puissance", affirme-t-elle, poursuivant : "Actuellement je ne sais pas, mais il y a 30 ans beaucoup de choses s’y sont passées."

" J’avais fait une note d’incident, qui avait été déchirée devant mes yeux par le responsable "

Hélène Romano se souvient notamment de multiples incidents impliquant des prostituées, que des sportifs rencontraient au bois de Vincennes, proche de l'Insep, et accueillaient dans les locaux. "On les récupérait (les prostituées) parfois dans des états pas possibles. Une fois, une jeune femme dénudée, complètement rasée de la tête aux pieds", se souvient-elle. Sur le moment, Hélène Romano donne l’alerte. "J’avais fait une note d’incident, qui avait été déchirée devant mes yeux par le responsable. Il m’a dit que les sportifs avaient le droit de décompresser, qu’il fallait bien comprendre le stress dans lequel ils étaient", témoigne-t-elle.

Une "vraie pression" sur les lanceurs d'alerte

Ce n'est pas la seule fois où les responsables de l'Insep lui ont fermé la porte. "À l’époque, j’ai alerté les responsables. Mon contrat n’a pas été renouvelé, je ne sais pas si cela a un lien, mais c’est un constat que je peux faire", souligne Hélène Romano. Elle dénonce une "vraie pression" exercée à l’époque à l'Insep sur les "lanceurs d'alerte". "De sportifs qui ont parlé n’ont pas été sélectionnés. Des entraîneurs ont été remerciés, et des contrats n’ont pas été renouvelés pour les professionnels", affirme-t-elle. À présent, Hélène Romano espère que les révélations contribueront à lever l’omerta du milieu sportif. "Des gens savaient, toutes fédérations confondues. Aujourd'hui, la parole ne peut se libérer que si l’on sait qu’il n’y aura pas de représailles."