LFP : entre "petits" et "grands", c'est la lutte des classes

Didier Quillot, le directeur général de la LFP (à gauche), a du pain sur la planche pour sortir le foot français de la crise.
Didier Quillot, le directeur général de la LFP (à gauche), a du pain sur la planche pour sortir le foot français de la crise. © PATRICK KOVARIK / AFP
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La Ligue de Football Professionnel (LFP) va tenter de sortir de la profonde crise de gouvernance qui oppose les clubs français. 

Si le spectacle n’est pas toujours à la hauteur sur les terrains de Ligue 1 et de Ligue 2, les coulisses du foot français sont en revanche nettement plus animées. La LFP (Ligue de Foot Professionnel) a réuni jeudi matin les présidents des clubs professionnels pour tenter de sortir d’une profonde crise de gouvernance. Si les clubs français ont affiché leur volonté "d'aller vers un armistice" à la sortie de cette réunion, ils n'en restent pas moins profondément divisés. 

L’élection du Conseil d’administration (C.A.) de la Ligue, le gouvernement du foot pro français, avait en effet été annulée début octobre à cause de profondes dissensions. Car une véritable "lutte des classes" oppose les "gros" d’un côté, comme le PSG, Monaco, Lyon ou Marseille, et les "petits" de l’autre côté (Auxerre, Guingamp, Lorient, Montpellier…), aux intérêts sensiblement différents.

  • Les "belligérants" : Première Ligue contre l’UCPF

A l’heure actuelle, le rapport de force penche en faveur des "petits". Seuls 11 clubs de Ligue 1 sont regroupés au sein de Première Ligue, avec notamment le PSG, Monaco, Lyon ou Marseille. Ces gros, qui "représentent 80% de l’économie du foot français" selon le syndicat, souhaitent donner davantage de moyens aux grosses écuries de Ligue 1 afin d’augmenter la compétitivité du foot français sur la scène européenne. Les "petits" (les clubs de seconde partie de Ligue 1 et les clubs de Ligue 2, soit 29), eux, sont réunis au sein de l’UCPF, le syndicat historique, qui milite pour une meilleure répartition des droits TV, et donc d’un rééquilibrage en leur faveur.

"Le foot français est à la croisée des chemins. Il va devoir choisir entre deux modèles. Soit un modèle tenant de la solidarité entre tous les clubs professionnels, défendu par l’UCPF, soit un modèle tenant de la solidarité mais uniquement entre clubs de l’élite, la Ligue 1, défendu par le syndicat Première Ligue", explique Vincent Chaudel, spécialiste en économie du sport, expert chez Wavestone, interrogé par Europe 1.

  • Le nerf de la guerre : l’argent

Au cœur du différend entre "petits" et "gros" : la répartition des droits TV du foot français. Les clubs professionnels se répartissent ainsi une manne de 748,5 millions d’euros annuels pour la période 2016-2020. A l’heure actuelle, le champion de France gagne environ quatre fois plus que le dernier, tandis qu’en Premier League ou en Bundesliga la différence n’est que de 1,5 et 2, comme le relève L’Equipe. "On souhaite une meilleure répartition des droits télé comme en Angleterre et en Bundesliga", plaide ainsi Guy Cotret, le président d’Auxerre et un des leaders des "petits", au micro d’Europe 1.

Mais ses argument sont réfutés en bloc par les "gros". Pour ces derniers, la Ligue 1, à la traîne au niveau européen, doit au contraire resserrer l’élite et favoriser l’émergence de "locomotives", de clubs capables à terme de lutter avec les géants anglais, espagnols, allemands ou italiens. "Si on veut que Marseille et Lyon retrouvent leur rang au niveau international, il faut augmenter leurs droits télé pour qu’ils puissent investir. Mais préfère-t-on voir Metz battre Marseille ou Lyon sur un match, ou que Paris, Lyon, et Marseille puissent gagner un jour la Ligue des champions ? Là est le débat", analyse Vincent Chaudel. Les clubs français devront donc choisir, schématiquement, entre ces deux modèles.  

  • Une lutte d’égos

Au-delà de deux visions diamétralement opposées du foot professionnel, les présidents des clubs français se livrent aussi une guerre d’égos qui ne dit pas son nom. Le plus connu d’entre eux, Jean-Michel Aulas, est ainsi dans l’œil du cyclone. Le président de l’Olympique lyonnais a agacé une bonne partie de ses homologues, qui lui reprochent pêle-mêle son activisme sur les réseaux sociaux (il tweete énormément), son influence en coulisses et de défendre à outrance les intérêts des "gros".

Le syndicat Première Ligue est lui aussi divisé. Olivier Sadran, le président de Toulouse, avait ainsi dénoncé dans L’Equipe un "putsch véreux" fomenté par plusieurs autres membres du syndicat, comme Loïc Féry de Lorient, Laurent Nicollin de Montpellier ou René Ruello de Rennes. Des luttes de pouvoir, des histoires d’argent, des querelles personnelles : le foot français, c’est vraiment un univers impitoyable…