Les terrains synthétiques sont-ils dangereux pour la santé ?

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On compte plus de 2.500 terrains synthétiques (ici à Nancy) en France. © JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
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Les petites billes noires en caoutchouc présentes sur les synthétiques inquiètent. 

Tous les footballeurs du dimanche qui ont déjà joué sur un terrain synthétique connaissent très bien ces petites billes noires. Elles s’infiltrent partout, dans les chaussures, les chaussettes. Elles collent aussi à la peau quand il pleut ou qu’il fait chaud. Ces petits granulés se retrouvent dans tous les terrains synthétiques pour permettre aux brins d’herbe de tenir debout. Mais, selon une enquête menée par So Foot dans son numéro de novembre, ces petites billes pourraient être extrêmement dangereuses.

De nombreux cas de cancer aux Etats-Unis. En 2009, Amy Griffin est entraîneure adjointe de l’université de Washington. En rendant visite à l’une de ses joueuses à l’hôpital qui est atteinte d’un lymphome non hodgkinien, forme de cancer, elle se rend compte que ce cas n’est pas isolé. Persuadée que les molécules contenues dans les billes noires sont nocives pour la santé, Amy Griffin a dressé une liste de 237 jeunes joueurs et joueuses de foot atteints d’un cancer. Tous ont un point commun : ils jouaient sur synthé.

Des études qui inquiètent. Selon une étude à paraître de l’Université de Yale, pas moins de 190 substances classées toxiques ou cancérigènes se retrouvent dans ces granulés en caoutchouc. Toujours aux Etats-Unis, en 2008, des chercheurs du Michigan ont également trouvé des substances toxiques (arsenic, plomb ou chrome) dans les échantillons testés. Et plus récemment, un documentaire diffusé l’année dernière aux Pays-Bas, assurait que les granulés de caoutchouc avaient été autorisés sans aucune vérification sérieuse sur leur dangerosité. Depuis, toujours selon So Foot, plusieurs villes (New York, Amsterdam) ont décidé de freiner ou d’arrêter la création de nouvelles structures de terrains synthétiques.

Mais d’où viennent ces fameuses petites billes noires ? Ce sont tout simplement de vieux pneus broyés dans la majorité des cas. Selon Aliapur, l’organisme français qui collecte et recycle les pneus, il faut environ 23.000 pneus pour construire un seul terrain de foot synthétique de onze contre onze. Contacté par Europe 1, Aliapur commence d’abord par nous expliquer que ces soupçons constituent "un vieux serpent de mer". "Croyez-vous franchement qu’on laisserait des joueurs qui coûtent des millions d’euros s’entraîner sur des terrains potentiellement dangereux ?", interroge Stéphanie Lafond, directrice de la communication d’Aliapur.

Futsal-five

Des contre-enquêtes lancées. Pour rassurer les joueurs de foot qui évoluent souvent sur synthé, la société Aliapur s’appuie, elle aussi, sur d’autres études pour prouver la non-nocivité de ses granulés. Après le magazine d’investigation diffusé aux Pays-Bas, l’Institut national de santé publique hollandais a dirigé une étude et les conclusions (à consulter ici) sont formelles : "pratiquer des sports sur des terrains synthétiques avec du remplissage en caoutchouc venant de pneu est tout à fait sécurisé".

L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) s’est saisie du sujet et a publié ses résultats en avril 2017. Là aussi, pas de preuve évidente d’un quelconque lien entre les granulés du synthé et les maladies contractées par les footballeurs. "Face à des éléments émanant d’une autorité scientifique connue et reconnue qui pourrait laisser planer des doutes, je crois qu’il serait irresponsable de ne pas appliquer le principe de précaution", souligne Hervé Domas directeur général d’Aliapur. "Aujourd’hui, on considère que toutes les études qui ont été conduites récemment sont des études qui sont rassurantes".

La FFF se montre rassurante. En France, on compte 2.590 terrains synthétiques à onze contre onze et 427 terrains réduits selon les chiffres de la Fédération française de football (FFF). Pour  la commission médicale fédérale, "il n’existe pas de preuve de risque lié à la pratique d’activité physique sur terrains synthétiques". La FFF recommande juste certaines dispositions pour l’entretien des terrains (comme une bonne ventilation pour les synthé indoor).

Des questions sans réponse. Reste des interrogations sur l’utilisation des petites billes noires : existe-t-il un risque plus important pour les joueurs sous des fortes chaleurs ? Et quand il pleut et que les granulés collent à la peau ? Les particules fines émises par ces terrains pourront-elles être bientôt mesurées ? Les blessures ou brûlures sont-elles plus importantes sur un terrain synthétique que sur un terrain classique ? Ces granulés de caoutchouc ont-ils un impact néfaste pour l’environnement ? Autant de questions que certains chercheurs veulent absolument trancher. Vasilis Vasiliou, biochimiste et spécialiste de santé environnementale à l’université de Yale, cherche actuellement des financements pour mesurer la présence de molécules nocives dans le sang des footballeurs. Avant de pouvoir lancer ses recherches, il lance un avertissement dans les colonnes de So Foot : "Je suis à peu près sûr que nous allons trouver ces substances chimiques dans le sang des joueurs". Et d’appliquer le principe de précaution à lui-même : "Je ne laisse plus mes enfants jouer sur ces terrains".