GRAND FORMAT - Vendée Globe : revivez le tour du monde de Charlie Dalin

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Le skipper d'Apivia est le premier à avoir rallié les Sables-d'Olonne mercredi soir après 80 jours d'un tour du monde haletant. Pendant ces deux mois et demi en mer, le skipper d'Apivia a raconté chaque semaine ses impressions sur la course à Europe 1, entre espoir, frustration et soulagement. Morceaux choisis d'une véritable épopée.

Il n'était au départ que l'un des 33 participants du Vendée Globe, le tour du monde à la voile en solitaire, sans escale et sans assistance, et pas vraiment celui qu'on attendait en premier à l'entrée du port des Sables d'Olonne, ce mercredi. Mais en deux mois et demi, Charlie Dalin a réussi à se faire un nom dans le monde de la voile, en occupant la tête de la course pendant de longues semaines, sur son bateau Apivia. Une ascension racontée en détails à Europe 1, chaque samedi, lors d'un carnet de bord qui l'a vu partager ses sensations sur cette compétition redoutablement exigeante, à laquelle il participait pour la première fois. Retrouvez ci-dessous les meilleurs moments de ce rendez-vous aux avant-postes de ce Vendée Globe 2020-2021 complètement fou.

1ère semaine, samedi 14 novembre : la surprise du novice

Après le grand départ des Sables d'Olonne, Charlie Dalin se retrouve très vite dans le peloton de tête, au large du Portugal, bien aidé par la défaillance de plusieurs favoris comme Jérémie Beyou (Charal), contraint de faire demi-tour pour réparer quelques jours seulement après le départ. "Je n'ai pas chômé depuis le début !", s'amuse-t-il dans ce carnet de bord inaugural. "Ce ne sont que mes cinq premiers jours de mon expérience Vendée Globe. Par rapport à mes collègues (Alex) Thomson et les autres, je n'ai pas ce vécu, cette expérience. J'essaye en tout cas de garder un bateau à 100% de son potentiel. Après, je saurai mettre le pied sur l'accélérateur, mais on m'a tellement répété que la route est longue…" La suite lui donnera raison.

2e semaine, samedi 21 novembre : en embuscade après le Pot au noir

Le navigateur prend très rapidement ses marques en tête de la course, au terme de la deuxième semaine. Les performances d'Apivia sont bonnes et le skipper négocie bien le Pot au Noir, la zone de convergence intertropicale légèrement au nord de l'équateur. "Du haut de mes quatre Pot au noir d'expérience, c'est de loin le plus simple que j'aie eu à franchir. Il a duré environ 36 heures", raconte-t-il, en embuscade derrière Alex Thomson et Thomas Ruyant au classement. "À partir de maintenant, je vais perdre à peu près un degré par jour, dans l'eau comme dans l'air." Des conditions qui ne vont pas l'empêcher de jouer les premiers rôles dans cette course.

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3e semaine, samedi 28 novembre : déjà dans le dur, mais en tête

C'est un incontournable du Vendée Globe : les Quarantièmes Rugissants, près de l'Antarctique, voient Charlie Dalin prendre la tête de la course, devant les skippers Thomas Ruyant et Jean Le Cam. Sur Apivia, les conditions météo se durcissent considérablement. "Cela faisait deux semaines que je vivais jour et nuit en short et en t-shirt. Là, je viens d'enfiler des sous-couches et une polaire", décrit-il, pas déstabilisé par cette nécessaire "période d'adaptation" et la perspective de perdre un peu d'avance sur ses poursuivants.

4e semaine, samedi 5 décembre : l'inquiétude pour Kevin Escoffier

Avant de retrouver l'océan Indien, Charlie Dalin franchit le Cap de Bonne-Espérance assez largement en tête. Ce jour-là, lundi 30 novembre, la course est marquée par le sauvetage de Kevin Escoffier par Jean Le Cam, avec lequel il passera six jours sur son bateau avant d'être pris en charge par la Marine nationale. "Comme tout le monde, je me suis mis à attendre des nouvelles. J'étais trop loin devant pour faire demi-tour, j'aurais mis trop de temps, plus de 24 heures, à revenir sur zone. Si son radeau avait été à côté, je n'aurai pas hésité une seule seconde." Dans cette course "éreintante", Charlie Dalin poursuit tant bien que mal sa progression vers l'est, certain de ne pas être au bout de ses peines.

5e semaine, samedi 12 décembre : une dépression épuisante

Lorsqu'il confie ses impressions à Europe 1, cette semaine-là, Charlie Dalin est encore marqué par la dépression secondaire qu'il vient de traverser. "Devoir affronter ce phénomène à mi-chemin, au milieu de nulle part, entre l'Afrique et l'Australie, ce n'était pas rien. (…) J'ai l'impression d'avoir gagné mes galons de marin des mers du sud grâce à cette tempête. Ça a été marquant, physiquement et moralement. Je pense qu'il m'a fallu un petit peu de temps pour me remettre de mes émotions, pour me remettre physiquement de ce passage où j'étais vraiment à la limite, sur le fil." Au large du cap Leeuwin, l'extrémité sud-ouest de l'Australie, le skipper de 36 ans sait également qu'il se "fait remonter par des bateaux" concurrents. Sans pour autant perdre espoir de reprendre la main tôt ou tard.

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6e semaine, samedi 19 décembre : un chassé devenu chasseur

La page de l'océan Indien est enfin tournée. "Jusqu’à présent, ça a clairement été la partie la plus dure", rembobine Charlie Dalin. "Le Pacifique commence très bien, mais il est encore très long." Mer assagie, soleil qui réchauffe le bateau… En deuxième position derrière Yannick Bestaven, le skipper profite de bonnes conditions de navigation pour découvrir avec gourmandise les surprises laissées par ses proches dans son calendrier de l'Avent. "Ça fait du bien de voir des amis, de la famille en photo. Je préfère les jours où ce sont des photos que les jours où ce sont des bonbons", glisse-t-il, impatient de s'attaquer au Cap Horn.

7e semaine, samedi 26 décembre : premier Noël en mer

Pour ce 25 décembre, Charlie Dalin rêvait-il d'une position de favori du Vendée Globe comme cadeau idéal ? Le skipper vit en tout cas ce "premier Noël en mer" sans l'atmosphère de fête propre à cette date. "Il n'y a aucun marqueur visuel, aucun repère qui m'indique que c'est Noël. J'étais tout de même content de marquer le coup, même si ce fut une journée assez compliquée pour moi, à cause des conditions météorologiques", relate-t-il, après un cassoulet et une tartine de foie gras en guise de menu du réveillon. Mais dans son esprit, comme celui des autres participants, la compétition n'est jamais très loin. "La journée était un peu charnière, puisque j'étais en train d'essayer de m'extirper d'un anticyclone. Mais je suis content d'avoir fait cette petite pause dans cette journée assez cruciale pour la suite de la course."

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8e semaine, samedi 2 janvier : Dalin et le "monument" du Cap Horn

Avec l'entrée dans l'océan Atlantique, Charlie Dalin devient un "cap-hornier", du nom de ces skippers qui ont réussi à franchir l'extrémité sud du continent américain. "C'est un monument, un monstre", souligne-t-il en ce début d'année 2021. Toujours deuxième derrière Yannick Bestaven, le skipper d'Apivia se projette vers la suite des événements. "Ce qui va dicter la suite, ce sont les schémas météos. Ils varient beaucoup, il y a beaucoup d'activité, d'anticyclones, de dépressions, de fronts à gérer… Il va y avoir des opportunités pour revenir, ça, j'en suis sûr. Il va juste falloir savoir les saisir et continuer à naviguer au maximum tout en préservant la machine et le marin."

9e semaine, samedi 9 janvier : dans l'Atlantique, "tout peut arriver"

Talonné par Thomas Ruyant et distancé par Yannick Bestaven, Charlie Dalin entame la remontée de l’Atlantique sud dans la peau du chasseur. "Les bateaux sont en mer depuis deux mois déjà. Les marins sont usés. Du coup, je m'accroche, je me bats. Je mets tout en ordre de marche pour aller le plus vite possible, en continuant à préserver le bateau pour aller chercher Yannick", confie-t-il, optimiste face à l'incertitude. "Il y a une expression en bateau qui dit que tant que l’on n’a pas franchi la ligne d'arrivée, tout peut arriver. Il y a eu un grand nombre de retournements de situation depuis le départ. La course est encore longue, il reste plus de 5.000 milles jusqu'aux Sables d'Olonne. Il peut encore se passer beaucoup de choses sur ce Vendée Globe."

10e semaine, samedi 16 janvier : la pression monte avant le "money time"

La détermination finit par payer sur Apivia : Charlie Dalin reprend la tête du Vendée Globe à Yannick Bestaven au large des côtes brésiliennes, dans un mouchoir de poche avec ses poursuivants. "Tout est possible, il ne faut jamais baisser les bras", insiste-t-il, les yeux rivés sur l'objectif final des Sables d'Olonne. "Avoir des bateaux côte à côte pousse à être encore plus précis sur les réglages, régulier sur les ajustements. Il ne faut pas oublier que ce n'est pas une course d'une journée, on en a encore pour deux semaines et il faut tenir la cadence." Et dans ce véritable marathon des mers, "plus personne n'est à 100%", ce qui laisse augurer d'une fin de course des plus ouvertes.

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11e semaine, samedi 23 janvier : la "dernière ligne droite" d'une aventure hors normes

"On est vraiment sur la dernière ligne droite." Au moment de franchir l'anticyclone des Açores, Charlie Dalin a bien conscience que lui et ses poursuivants "approchent du but". Et pour ces derniers jours de course, le navigateur a une pensée pour sa famille. "J'ai hâte de retrouver mon fils et ma compagne. Cela fait trois mois que je les ai laissés." Même s'il fait partie des favoris, le skipper a d'abord pour objectif de terminer la course. "J'ai toujours dit que, déjà, ce serait une réussite de finir le Vendée Globe. Un tour du monde en 2020, ça n'a rien d'anodin. On en a tous fait la preuve au fil des semaines de course, au fil des événements, des tempêtes, des avaries." Autant d'événements qui ont eu un impact sur sa carrière; voire sa vie : "Je reviens changé, je reviens transformé d'une certaine manière, après avoir vécu tant de choses, tant d'émotions", que les lecteurs et auditeurs d'Europe 1 ont pu découvrir aux premières loges.