EXCLUSIF - Hugo Lloris : «C'est important de marquer son passage»

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Colin Abgrall , modifié à
Capitaine depuis plus de dix ans et champion du monde 2018 avec les Bleus, le gardien de but Hugo Lloris est un grand nom du football français et international. À 35 ans et 137 sélections avec l’équipe de France, il se rapproche de plus en plus du record, détenu par Lilian Thuram (142). Il répond aux questions du journaliste et éditorialiste d’Europe 1 Jacques Vendroux, ainsi que de Cyrille de la Morinerie. Un entretien diffusé ce samedi, de 20 heures à 21 heures dans Europe 1 Sport avec Lionel Rosso.
EXCLUSIF

Mêlant confidences et révélations, Hugo Lloris se confie pendant près d’une demi-heure sur les grands moments de sa carrière, sur l’actualité du football international et de son club Tottenham. L’ancien portier lyonnais s’exprime notamment sur Antonio Conte, que certains voient reprendre le banc du PSG en cas de départ de Mauricio Pochettino ou encore sur sa place dans la hiérarchie des plus grands gardiens de l'histoire du football.

Le Cedac de Cimiez : "Mes premiers plongeons"

"C'est ma première licence amateur. C'est dans un des quartiers nord de Nice et c'est là où j'ai commencé à faire mes premiers plongeons, à deux pas du stade du Ray. Le terrain d'entraînement était juste à côté. A l'époque, c'était Régis Bruneton (footballeur professionnel des années 60) l'éducateur principal, ancien joueur. Ça me rappelle de très bons souvenirs."

Pourquoi être gardien de buts ? "Envie d’aller dans les pieds des copains"

"Alors, pour la petite histoire, j'ai commencé par le tennis. Et c'est dans le club de tennis que j'ai commencé à faire mes premiers plongeons. Ne me demandez pas pourquoi, j'ai eu envie d'aller dans le but et d'aller dans les pieds des copains, d'aller contrer les ballons avec la tête en avant. Et le patron du restaurant, qui était également un ancien gardien de but amateur, m'a tout de suite dit 'toi, il faut que tu ailles jouer au football' et c'est comme ça que les choses se sont faites."

L’origine de son arrivée à Nice : "Baratelli a poussé pour que je vienne"

"L'été, il y avait des stages de football à l'OGC Nice et mes grands-parents habitaient à cent mètres du centre d'entraînement de l'OGC Nice. Ma grand-mère y habite toujours. Mon grand-père m'avait amené faire ce stage. C'était des petits matchs organisés par le club et il y avait également une séance spécifique pour les gardiens de buts avec Dominique Baratelli (ancien gardien de buts de l'équipe de France, ndlr). Et du coup, l'année suivante, il a poussé pour que je vienne et je suis venu l'année d'après."

Lloris et ses débuts dans le Tennis : "Mes tout premiers pas, j’avais une raquette dans la main"

"J'ai commencé par la petite balle jaune. Mais de là à m'imaginer faire une carrière, j'en étais très loin, mais il a fallu faire un choix à l'âge de dix ans. Les contraintes des entraînements, notamment au football où on me demandait de m'entraîner quatre à cinq fois par semaine, plus les matches le week-end, donc ça rendait les choses compliquées après l'école. Et j'ai choisi cette voie. Mais le tennis, c'est quelque chose qui est toujours en moi. Et j'ai grandi en regardant mon père jouer. Ma grand-mère a également joué très longtemps au tennis. Et puis moi, quand j'ai commencé à marcher, mes tout premiers pas, j'avais une raquette de tennis dans la main. Ma principale idole, c'est quand même Pete Sampras. C'est le seul sportif que j'ai eu en poster dans ma chambre et j'étais un très grand fan. Un profil de jeu très particulier, très spécifique, un joueur attaquant avec son service volée légendaire. J'essaye d'en faire une fois par an quand je suis en vacances, pour regarder un peu la condition, je tape un peu la balle."

Son histoire avec Tottenham : "C’est toujours un plaisir"

"Le club a une histoire assez riche, même s'il est un peu moins connu en France que d'autres clubs. Mais il a une histoire assez importante. Ça va faire 10 ans que j'y suis et c'est toujours un plaisir. On fait des choix dans une carrière et on se pose toujours les bonnes questions. Mais lorsque j'ai eu cette opportunité là, après quatre ans passés à Lyon (de 2008 à 2012), j'ai eu envie de sortir un peu de mon confort, de me remettre en question et d'aller à l'encontre de nouveaux défis. C'est ce que j'ai trouvé en Premier League."

Sa saison avec Tottenham : "On est en train de franchir un palier"

"Oui, j'ai prolongé mon contrat il y a de ça un mois et demi maintenant, dans la continuité. Les choses se sont faites assez rapidement avec les dirigeants, avec beaucoup de respect et de considération. Maintenant, ça fait deux ans et demi qu'il y a un peu de hauts et de bas, un peu d'irrégularité en termes de résultats. Mais depuis l'arrivée d'Antonio Conte, on sent une réelle progression. On sent une réelle direction et même si on a connu quelques difficultés au mois de février, on a la sensation qu'on est en train de franchir un palier en tant qu'équipe et je pense qu'on sera prêts pour le sprint final, pour aller chercher les places européennes."

Sur Antonio Conte, annoncé au PSG : Les plus grands entraîneurs sont associés au PSG

"Je crois que tous les plus grands entraîneurs sont associés au PSG puisqu'ils sont à la recherche de l'élite et ils sont à la recherche d'une victoire en Ligue des champions. Et pour ça, ils essaient de faire confiance aux meilleurs. Donc on connaît l'industrie du football. Toutes ces rumeurs, toutes ces spéculations. Nous, on est dans notre bulle et on fait le maximum pour notre club."

Ses relations avec ses entraîneurs : "Beaucoup de choses à apprendre d’eux"

"J'ai appris de tous. Je me suis construit en tant que joueur, mais aussi en tant qu'homme, à travers ses hommes et ses entraîneurs. Je crois que Frédéric Antonetti (Son entraineur à l'OGC Nice), c'était une relation assez différente parce que j'étais très jeune et il y avait cette forme de respect. Il y avait ce côté également paternel parce que il a toujours, partout où il est passé, fait confiance aux jeunes joueurs. Il en a lancé énormément. Peut-être qu'il n'est pas assez reconnu. C'est un entraîneur de très grande qualité. Ensuite, j'ai eu mon passage à Lyon avec Claude Puel, que j'ai croisé plusieurs fois sur les terrains anglais. J'ai également une expérience avec Rémi Garde lors de ma quatrième année avec Lyon. J'avais des liens importants avec lui puisque c'est lui qui est venu me chercher à Nice à l'époque, dans les bureaux de l'OGC Nice. Mes premières visites de la ville de Lyon ont été faites avec Rémi Garde. Donc, il y a ce lien également important. À Tottenham, j'ai eu l'expérience André Villas-Boas. Ensuite, une expérience très courte avec Tim Sherwood. Et surtout, il y a eu cette expérience avec Mauricio Pochettino. Pour moi, ça dépasse le cadre du football, il y a une relation d'amitié qui s'est créée. Même si on a su faire la part des choses, j'ai beaucoup appris à ses côtés. Il y a eu également José Mourinho et Antonio Conte maintenant. Il y a beaucoup de choses à apprendre d'eux. Et puis, il y a également les sélectionneurs. Raymond Domenech, Laurent Blanc et surtout Didier Deschamps, avec qui ça fait de nombreuses années qu'on partage ses responsabilités avec l'équipe de France."

Le record de sélection en équipe de France : "Jamais été une obsession"

"Les records sont faits pour être battus, mais ça n'a jamais été une obsession. Je suis davantage demandeur et focalisé sur le jeu, sur la compétition et c'est ce qui me guide au quotidien depuis de nombreuses années. Mais encore une fois, on s'en rapproche, avec toujours autant de fierté, avec autant d'honneurs. Mais la priorité et l'objectif bien précis, c'est cette Coupe du monde au Qatar en fin d'année."

Le rôle de gardien de but : "Le principal, c’est d’être efficace en tant que gardien"

"Je crois que c'est l'évolution du jeu qui amène le gardien de but à être davantage complet que par le passé. Il a fallu travailler. La demande d'un gardien de but était différente il y a 15 ans, quand j'ai démarré, qu'aujourd'hui. Mais à force de travail, en s'adaptant par rapport à la demande de nos entraîneurs, les choses se passent bien. Et même si on n'est jamais à l'abri d'une erreur parce que ça fait partie de la vie d'un gardien de but, il ne faut pas oublier aussi que le principal, c'est d'être efficace en tant que gardien de but. Ensuite, on y amène cette touche supplémentaire, au pied, en étant le premier relanceur et en ayant cette responsabilité de casser les premières lignes de pressing de l'adversaire par la passe. Fabien (Barthez), déjà à son époque, avait eu ce petit truc différent. Il était très à l'aise au pied. Il jouait très haut. On le voyait beaucoup intervenir en dehors de sa surface de réparation, avec le pied, avec la tête parfois. J'ai beaucoup appris en le regardant jouer plus jeune. Et c'est une légende du poste en France et une grande référence également avec Joël Bats. J'ai beaucoup d'admiration pour lui."

Sur son rôle de capitaine : "On est là pour animer le vestiaire"

"Ça fait quelques années maintenant. Encore une fois, ça n'a jamais été un objectif bien précis. Le brassard, on nous le confie. Lorsqu'on a cette responsabilité là, on essaie de tout mettre en œuvre pour répondre favorablement aux attentes des entraîneurs et des sélectionneurs. Après, j'ai toujours aimé les relations naturelles avec beaucoup de passion également. Parce que le football, c'est avant tout un sport qui demande beaucoup de passion mais également des échanges naturels et simples avec ses coéquipiers. La compétition guide tout ça. Il y a un cadre défini et ensuite la responsabilité. Bien sûr, elle ne dépend pas uniquement d'un seul homme. Il y a le capitaine mais il y a également quatre, cinq joueurs qui font partie des cadres. On est là pour animer ce vestiaire, pour véhiculer les bonnes valeurs et les messages forts. Et ensuite, on a également cette responsabilité de leaders sur le terrain en répondant présent par les performances. Donc, il y a cette présence dans le vestiaire, dans la vie de groupe mais encore une fois, le plus important, c'est le rectangle vert et les performances."

Hugo Lloris, un des plus grands gardiens de l'histoire ? "C’est important de marquer son passage"

"On ne pense pas à ces choses là. On vit tous à travers nos générations. J'essaie de donner le meilleur de moi-même avant tout pour moi, pour rendre fiers mes proches, ma famille, mes amis et ensuite, pour mes équipes, pour mes coéquipiers. Après le reste, c'est de la littérature. Je n'ai aucune revendication. Je suis là pour prendre un maximum de plaisir, pour en donner et pour être performant. Je crois quand même que c'est important de marquer son passage, d'être reconnu. Faire une hiérarchie, faire une liste, ce n'est pas mon rôle. Par contre, comme comme tout sportif, lorsqu'on se lance dans une carrière professionnelle, on a envie de marquer le coup et je suis très fier d'avoir pu le faire avec le maillot des Bleus."