Bras de fer entre Adrien Rabiot et le PSG : comment en est-on arrivé là ?

Adrien Rabiot avec le PSG à Belgrade (1280x640) FRANCK FIFE / AFP
Adrien Rabiot a peut-être disputé son dernier match cette saison avec le PSG, le 11 décembre dernier, à Belgrade. © FRANCK FIFE / AFP
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Le jeune milieu de terrain formé au PSG a été écarté du groupe parisien jusqu'à nouvel ordre. Le résultat d'un bras de fer sur fond de prolongation de contrat.
ON DÉCRYPTE

Adrien Rabiot ne faisait pas partie du groupe du PSG qui s'est qualifié mardi soir pour les quarts de finale de la Coupe de la Ligue aux dépens d'Orléans (2-1). Lundi, le directeur sportif du club, Antero Henrique, a entériné sa mise à l'écart ("une mise à l'écart totale" selon une source proche du club à Europe 1) du groupe professionnel. "Il restera sur le banc pour une durée indéterminée", a tonné le dirigeant espagnol dans un entretien à Yahoo Sports. En début d'année, celui que l'on surnomme "Le Duc", déjà en disgrâce avec les Bleus pour avoir refusé d'être réserviste avant la Coupe du monde, était pourtant un titulaire indiscutable au PSG et le club semblait compter sur lui pour l'avenir. Mais la donne a changé, les tensions entre les deux parties ne cessant de croître autour d'un enjeu essentiel : le contrat du joueur.

La prolongation de contrat, nœud du problème

Antero Henrique l'a expliqué lundi : "Le joueur m’a informé qu’il ne signerait pas de (nouveau) contrat et qu’il souhaitait quitter le club en étant libre à la fin de la saison, soit à l’expiration de son contrat." La phrase du directeur sportif du PSG dit tout de la crise actuelle entre le club et son joueur. Et elle est relativement simple à comprendre. Adrien Rabiot a signé en 2014 un contrat de cinq ans avec son club formateur. Il est lié au PSG jusqu'au 30 juin 2019. S'il ne signe pas de nouveau contrat d'ici là, il pourra quitter le club pour n'importe quelle destination et avec, à la clé, une belle prime à la signature. Pourquoi ? Parce que le club acheteur n'aura pas à payer d'indemnité de transfert au PSG. Un scénario que le club essaie à tout prix d'éviter alors qu'il fait l'objet d'une enquête de l'UEFA dans le cadre du fair-play financier, après les transferts record de Neymar et Kylian Mbappé réalisés à l'été 2017, et qu'il a besoin de liquidités pour renforcer son effectif.

Pourquoi Rabiot refuse-t-il de signer cette prolongation de contrat ? C'est la fameuse "considération" qu'un joueur attend de son club, entendre par là, la revalorisation de son salaire. Dans une enquête publiée en début d'année par L'Équipe, Rabiot ne faisait pas partie du top 10 des salaires au club. Selon les estimations du site Sportune, Rabiot, habituel titulaire, émargerait actuellement à un peu plus de 3 millions d'euros brut annuels (sans les primes), soit moins que des joueurs habitués au banc de touche, comme Lassana Diarra ou Éric-Maxim Choupo-Moting. Quels sont les desiderata salariaux de Rabiot ? Comment se déroulent les discussions entre le club, pour qui Rabiot est un actif, et le joueur, affectif patenté ? Souhaite-t-il quitter le PSG à tout prix ? Seuls les acteurs du dossier le savent et il est difficile de savoir qui reproche quoi à qui. Une chose est sûre : c'est un dossier au long cours, au très long cours même.

Une mère très présente, un joueur "extrêmement ambitieux"

La prolongation de contrat de Rabiot était déjà un sujet épineux la saison dernière. Dans un très rare entretien accordé à Le Magazine L'Équipe en février dernier, le joueur avait éludé la question. "Je ne discute pas avec mes dirigeants de cette question. Ma mère (qui est aussi son agent, ndlr) est là pour s'occuper de ça. Je n'ai donc rien à dire là-dessus", avait-il brièvement répondu. Le journaliste de L'Équipe qui avait interrogé le joueur et sa mère raconte l'état d'esprit du duo. "Il y avait déjà ce dossier qui existait à l'époque. Ils se posaient beaucoup de questions", raconte David Michel. "Il était titulaire, il était devenu international (Rabiot compte six sélections avec les Bleus, entre novembre 2016 et mars 2018, ndlr), il donnait satisfaction, il sentait qu'il n'était pas au niveau salarial qu'il devait être, donc sa mère et lui estimaient qu'il devait être à tel niveau, et ils attendaient un retour du club. Moi, ce que j'ai senti, c'est qu'il y avait clairement la volonté de rester à Paris."

En revanche, le journaliste, qui avait préparé ce long entretien plusieurs semaines en amont avec la mère d'Adrien Rabiot, dresse le portrait d'un joueur déterminé. "C'est quelqu'un d'extrêmement ambitieux, qui a un énorme caractère, qui sait où il veut aller, qui est exigeant avec les autres, même avec les membres de sa famille, mais aussi avec lui-même, ce qui ne correspond pas vraiment à l'image de dilettante qu'il peut renvoyer", insiste David Michel. Rabiot, joueur atypique par son élégance sur le terrain et par son mode de vie en dehors - à 23 ans, il vit encore avec sa mère -, n'hésite jamais à aller au bras de fer avec ses employeurs.

Un club en position de force…

Car ce n'est pas la première fois que le club et le joueur sont en conflit. En 2014, le joueur avait (déjà) été écarté du groupe pour les mêmes raisons. Il refusait de prolonger son contrat et avait eu des touches avec l'AS Rome. Le PSG lui avait finalement signé un nouveau contrat. Mais la donne a changé en quelques mois. Rabiot, par orgueil, a refusé un statut de réserviste en équipe de France pour la Coupe du monde, égratignant très largement son image. Puis, en octobre dernier, il est arrivé en retard à la causerie d'avant-match à Marseille, ce qui lui a valu d'être écarté du groupe, là aussi.  En 2015, Rabiot avait également manqué un entraînement à la veille de la finale de la Coupe de France entre Auxerre et le PSG…

Le PSG lui a passé beaucoup de choses et lui a fait de la place aussi, au milieu du terrain en se séparant à l'été 2017 de Blaise Matuidi pour lui permettre de jouer plus haut au milieu, lui dont l'une des "exigences" était de ne plus jouer en "sentinelle" devant la défense. Visiblement, le club de la capitale n'entend plus lui faire de cadeaux et ce, d'autant plus que sa base de fans ne supporte plus Rabiot.

Déjà sifflé lors de son entrée en jeu face à Liverpool en Ligue des champions, le 28 novembre, le joueur, régulièrement remplaçant depuis plusieurs semaines, a été la cible d'une banderole hostile, mardi soir. "Rabiot, on n'a pas besoin de toi", pouvait-on lire, dans une expression rappelant le triste message adressé au Libérien George Weah au Parc des Princes lors de son départ, en 1995 (avec connotation xénophobe).

… mais qui joue avec le droit du travail

Niveau communication, le PSG joue sur du velours. Problème, cette position dure contrevient au droit du travail. Jusqu'en juin, Rabiot reste un salarié du club et l'empêcher d'exercer son métier est illégal, estime un avocat spécialiste du sport, Me Thierry Granturco, sur Twitter.

Rabiot a obtenu le soutien de l'Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP). "En déclarant à tue-tête que le joueur restera sur le banc jusqu'à la fin de la saison, le Paris-SG, comme d'autres avant lui, se met à la faute - faute grave ! - car l'une des obligations qui incombe à un employeur est de fournir un travail à son salarié ainsi que les moyens de le réaliser", observe le syndicat. "Dans le cas d'un footballeur professionnel comme Adrien Rabiot, les moyens, ce sont les entraînements, le travail, c'est la compétition, la seule et unique unité de mesure du contrat de travail entre un club et un sportif professionnel…"

Et maintenant, que va-t-il faire ?

Dans un entretien à RTL, la mère d'Adrien Rabiot confirme que sa décision de quitter le club est "ferme et définitive". Elle explique également que le Barça a fait une proposition de transfert au PSG lors du dernier mercato estival et que le club de la capitale l'a refusé. Dès lors, il n'existe plus que deux scénarios pour conclure cette crise. Le joueur et le club trouvent un terrain d'entente et Rabiot termine la saison sous les couleurs du PSG avant un possible, voire probable transfert l'été prochain. C'est très difficilement envisageable aujourd'hui. L'hypothèse la plus crédible serait que le joueur soit transféré cet hiver dans un autre club, ce qui permettrait au PSG de récolter quand même une indemnité de transfert (25 millions ?), mais moindre que celle qu'il aurait touchée en juin (50 ?), le club acquéreur ne rachetant que les derniers mois de contrat.

Mercredi matin, le quotidien catalan El Mundo deportivo titrait au sujet d'une arrivée au Barça : "Rabiot, presque fait". "Nous ne pouvons rien confirmer, nous ne parlons que des joueurs qui sont au club" et "Rabiot est un joueur du PSG", a indiqué mercredi à l'AFP un porte-parole du club blaugrana. Véronique Rabiot a nié une quelconque ébauche d'accord avec le club catalan. Adrien Rabiot, qui a fini sa formation au PSG, a déjà connu une aventure à l'étranger. À 13 ans, il a passé six mois au centre de formation de Manchester City, avant de mettre prématurément fin à l'aventure, au motif, selon ses termes, que le club anglais "n'avait pas respecté certains accords".