jambon 3:00
  • Copié
Zoé Pallier, édité par Manon Fossat , modifié à
Le Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a rendu son jugement lundi dans un litige qui opposait un industriel des Bouches-du-Rhône à la start-up Yuka, condamnant ainsi cette dernière. Il était reproché à l'application de donner de mauvaises notes aux charcuteries industrielles et de le priver ainsi d'une partie de ses ventes.
DÉCRYPTAGE

Le jambon et le saucisson sous plastique dans les supermarchés contiennent-ils trop de nitrites ? Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se poser la question. Et trouvent la réponse avec l’application Yuka qui, en scannant le code-barres, attribue une note au produit que vous achetez. Un principe qui met en rogne les industriels de la charcuterie. Lundi, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a condamné l'application pour "pratiques commerciales déloyales" et "trompeuses" ainsi que pour "des actes de dénigrement" à l'encontre du fabricant de charcuterie ABC Industrie.

L'application "risque élevé" enlevée

Basée à Peyrolles-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône, l'entreprise, dont une gamme de jambons cuits jouit d'un mauvais classement par Yuka compte tenu notamment de leur teneur en nitrites, accusait l'application de lui avoir "occasionné d'importants préjudices financiers et moraux, outre une atteinte grave à sa réputation", selon le jugement que l'AFP a pu consulter. ABC Industrie reprochait notamment à Yuka de diffuser des informations fausses sur les dangers des nitrites pour la santé des consommateurs.

Dans sa décision, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence condamne Yuka à verser à ABC Industrie 25.000 euros de dommages et intérêts, contre 714.000 demandés par l'entreprise. L'application devra toutefois retirer l'appréciation "risque élevé" attribué à l'additif E250 (nitrite) et supprimer toute mention précisant que les nitrites seraient "cancérogènes" ou "génotoxiques". La société ABC Industrie a en revanche été déboutée de sa demande de suppression par Yuka des qualificatifs "mauvais" et "médiocre" attribués à ses produits concernés.

"Une atteinte à la réputation de notre profession"

Invité d'Europe 1, lundi, Fabien Castanier, délégué général de la FICT (Fédération des industriels charcutiers-traiteurs), qui a assigné Yuka en justice, indiquait être favorable aux applications de la sorte, mais avec un bémol. "Notre seule demande, c'est que Yuka, qui influence 10 millions de consommateurs, ne délivre pas une information subjective mais que cette information soit juste et scientifiquement prouvée pour que le consommateur ne soit pas induit en erreur", expliquait le représentant.

Selon Fabien Castanier, les entreprises de charcuterie estiment que les allégations sur le nitrite portées par la start-up ne sont pas fondées scientifiquement. "Elles portent injustement atteinte à l'image et à la réputation de notre profession et de nos salariés", poursuit le dirigeant. Il assure également que le secteur était mobilisé depuis longtemps pour faire évoluer les pratiques en matière de charcuterie. "On a notamment progressé sur les teneurs en sel, sur la réduction du nombre d'additifs mais aussi sur les nitrites. En France, nous avons défini une teneur maximale qui est de 40% inférieure à la teneur règlementaire européenne", défend Fabien Castanier. 

"Acharnement du lobby de la charcuterie"

La co-fondatrice de l’application, Julie Chapon, pointait "la multiplication des procédures des entreprises de charcuterie envers Yuka, qui montre une vraie tentative d’acharnement du lobby de la charcuterie et de certains industriels. Pour des raisons économiques, ils cherchent à nous empêcher d’informer les consommateurs", estimait-elle avant le jugement.

"Nous sommes plutôt satisfaits" du fait que le tribunal reconnaisse que "les informations délivrées par Yuka doivent être justes et scientifiquement prouvées", s'est félicité auprès de l'AFP Fabien Castanier. 

Fin mai, le tribunal de commerce de Paris avait interdit à Yuka "d'opérer un lien direct" entre une pétition visant à interdire l'ajout de nitrites ou de nitrates dans les produits de charcuterie et les fiches de l'application relatives à ces derniers. Yuka a également fait appel de cette décision. Avec l'association de consommateurs Foodwatch et la Ligue contre le cancer, Yuka participe à une campagne demandant le retrait des nitrites dans les charcuteries.